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ReportageAlimentation

L’abattoir vendait de la viande avariée, un lanceur d’alerte a brisé le silence

Abattoir de viande bovine, illustration.

Le procureur requiert 100 000 euros d’amende contre la société Castel Viandes, en Loire-Atlantique. Elle avait vendu de la viande impropre à la consommation. Un lanceur d’alerte avait alerté les autorités.

Nantes (Loire-Atlantique), reportage

« Les sanctions sont ridicules par rapport à ce qu’il s’est passé » estime, ce vendredi 6 mai, Pierre Hinard, cadre qualité de l’entreprise d’abattage et de découpe Castel Viandes de 2006 à 2008. Celui qui avait décidé, en 2012, de dénoncer les pratiques de son ancien employeur à la justice, puis dans un livre intitulé Omerta sur la viande... : un témoin parle (Grasset, 2014) n’est pas complètement satisfait de l’audience qui vient de se dérouler. Il aurait aimé que soit demandée « l’interdiction de gérance » au PDG de Castel Viandes, « puisqu’il a été prouvé que les faits ont existé et ont perduré ». Le procureur, qui a dénoncé un « comportement irresponsable », a requis 100 000 euros d’amende pour la société, douze mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour le PDG.

Castel Viandes, entreprise basée à Châteaubriant, aurait notamment écoulé de la viande contaminée à la salmonelle ou à E. coli, ou à la date péremption dépassée. La société est aussi soupçonnée d’avoir remis en vente, dans différentes préparations, des produits non conformes qui lui avaient été retournés. L’entreprise fournit ou a fourni des entreprises comme Auchan, Système U, Marie, Fleury-Michon, McKey — lui-même fournisseur des restaurants McDonald’s — ou encore Flunch. Son chiffre d’affaires annuel : 100 millions d’euros. Après l’alerte sonnée par Pierre Hinard, une enquête a été ouverte en 2013. L’instruction a permis de faire la lumière sur une liste de vingt-trois griefs listés dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (ORTC), pour des faits s’étant produits entre 2010 et 2013.

« Un comportement irresponsable »

Castel Viandes et ses cadres étaient poursuivis pour tromperie sur la nature ou la qualité substantielle des produits, mise sur le marché de produits d’origine animale préjudiciables à la santé, obstacle ou entrave aux agents chargés du contrôle sanitaire des animaux et des aliments. Seuls McKey et Flunch, qui ne sont désormais plus ses clients, se sont constitués partie civile. L’association de consommateurs UFC-Que Choisir, l’interprofession de la viande Interbev et Pierre Hinard se sont également constitués partie civile. M. Hinard était représenté par l’avocate Eva Joly, ancienne candidate Europe Écologie-Les Verts à la présidentielle.

Pierre Hinard : « Le procureur a estimé que j’étais un lanceur d’alerte utile. »

Lors d’une audience qui a duré un jour et demi, le PDG Joseph Viol ainsi que deux cadres n’ont cessé de clamer leur innocence, plaidant parfois pour de simples erreurs. Ils ont fait témoigner un ancien vétérinaire militaire, Franck Dhote, qui a tenté de démonter point par point le dossier pendant une heure et demie. Dans un exposé très technique, il a notamment estimé que l’entreprise n’avait pas à signaler des contaminations concernant des produits qui allaient ensuite être pasteurisés et transformés par ses clients. Franck Dhote a aussi laissé entendre, concernant des malades signalés en Dordogne, que cela était peut-être simplement dû à un dysfonctionnement de leur réfrigérateur.

En face, Eva Joly a rappelé à l’expert ses propres prises de position : il a récemment estimé, dans la presse, que les cas récents de Escherichia coli (E. coli) ou de salmonelle n’étaient pas inquiétants. Elle a notamment évoqué le cas de Léna, une jeune fille de 12 ans dans un état végétatif après avoir mangé une pizza Buitoni contaminée, et les cinquante-cinq cas de contaminations signalés dans la même affaire. De son côté, Pierre Hinard est revenu sur les faits qui l’ont amené à devenir un « lanceur d’alerte », après que des cas d’intoxication à Flunch, en 2008, lui ont mis la puce à l’oreille.

Lire aussi : Ferrero, Buitoni, Lactalis : les géants de l’agroalimentaire « se croient tout permis »

Outre des amendes requises pour l’entreprise et pour son PDG, le procureur a requis six mois et quatre mois avec sursis et 5 000 euros et 3 000 euros d’amende pour les deux cadres. Le jugement sera rendu jeudi 30 juin. La défense a demandé la relaxe, l’avocat du PDG, maître Chabert, affirmant que l’entreprise n’a jamais rendu personne malade.

Au moins une chose réjouit Pierre Hinard : « Le procureur a estimé que j’étais un lanceur d’alerte utile. » En parallèle, il a contesté son licenciement de 2008 devant le conseil des prud’hommes. Il attend le 8 juillet quand tombera la décision de son jugement en appel. Il a été débouté en première instance, pour le 8 juillet.

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