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En brefEurope

La Commission européenne labélise comme « durable » le gaz et le nucléaire

La centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, en 2017.

Le secret de Polichinelle a été levé. Mercredi 2 février, la Commission européenne a définitivement accordé un label « de transition » aux centrales nucléaires et à gaz dans le cadre de la nouvelle taxonomie européenne. Ils rejoignent donc pour quelques années les énergies renouvelables dans la liste des énergies considérées comme « durables » et donc en mesure d’attirer les investissements privés.

L’obtention de ce label a été conditionnée à certains critères. Les projets de nouvelles centrales nucléaires devront ainsi avoir obtenu un permis de construire avant 2045. Quant aux travaux permettant de prolonger la durée de vie des réacteurs existants, ils devront avoir été autorisés avant 2040. Les centrales à gaz, elles, seront soumises à des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre : 270 grammes de CO2 par kilowattheure (g/kWh) pour les équipements ayant obtenu un permis de construire avant le 31 décembre 2030, 100 g/kWh ensuite — un seuil jugé « inaccessible avec les technologies actuelles » par les experts de Bruxelles.

Il s’agit d’une victoire pour la France, qui avait bataillé ferme pour que l’atome soit intégré dans la liste des énergies durables. En décembre dernier, plusieurs ONG climatiques et environnementales dénonçaient « l’alliance toxique » entre l’Hexagone et des pays pro-gaz comme la Hongrie, la Pologne et la République tchèque, qui se soutenaient les uns les autres pour la labellisation de leurs énergies respectives.

Victoire pour la France, pas pour le climat

L’enjeu était de taille pour la France. En janvier, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, chiffrait à 550 milliards d’euros les investissements nécessaires dans le nucléaire européen, entre la prolongation des installations en fonctionnement et la construction de nouveaux réacteurs. En France, le chantier de l’EPR de Flamanville s’éternise et coûtera désormais plus de 19 milliards d’euros au lieu des 3 milliards prévus et le programme de construction de six nouveaux EPR a été évalué de 52 à 64 milliards d’euros selon des révélations du média Contexte. « Inclure le nucléaire dans la taxonomie est donc crucial pour permettre à la filière d’attirer tous les capitaux dont elle aura besoin », déclarait-il alors.

Lire aussi : Macron dans « le camp des pollueurs » : des activistes dénoncent l’alliance nucléaire-gaz

Cette victoire est d’autant plus importante pour le gouvernement français qu’elle a été obtenue à l’arraché. Un groupe de pays parmi lesquels l’Autriche, le Luxembourg et surtout l’Allemagne s’est opposé jusqu’au bout à la labellisation de l’atome. La plateforme d’experts sur la finance durable qui conseille la Commission a également plaidé pour le rejet du gaz et du nucléaire. « Dans le cas des nouvelles centrales nucléaires, [les conditions posées] ne garantissent pas une contribution substantielle aux objectifs de neutralité climatique en 2050 », avaient-ils estimé. En outre, selon eux, les critères proposés par Bruxelles ne permettent pas de conclure à l’absence de préjudice significatif sur l’environnement.

La décision de la Commission européenne n’est pas une surprise, puisqu’elle avait déjà intégré le gaz et le nucléaire à sa proposition de taxonomie du 31 décembre dernier. Elle n’en a pas moins suscité la colère des ONG environnementales et climatiques. « En faisant ce choix, la Commission fait une erreur fondamentale qui risque de coûter très cher à la transition écologique en Europe. Avec ce label, des milliards d’euros normalement dédiés au climat, à la rénovation du bâtiment, aux énergies renouvelables, ou encore à la mobilité à faible émission, seront détournés vers le gaz fossile et le nucléaire », a déploré Neil Makaroff, responsable des politiques européennes au sein du Réseau Action Climat (RAC), dans un communiqué.

Greenpeace a dénoncé un « hold-up sur la transition énergétique européenne » et a appelé les membres du Parlement européen à rejeter cette proposition. « Une majorité du Parlement, soit 353 députés et députées, est requise pour la rejeter », a précisé l’ONG dans un communiqué.

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