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Relance du nucléaire : la Cour des comptes souligne de nombreux obstacles

La centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly (Loiret).

Dans une note publiée ce jeudi 18 novembre, la Cour des comptes met en doute notre « capacité à construire un nouveau parc de réacteurs [nucléaires] dans des délais et à des coûts raisonnables ». Ceci, alors que « le maintien d’une part nucléaire de 50 % dans la production d’électricité (...) au-delà de 2050 supposerait de disposer à terme non pas de sept EPR ou EPR2, mais de 25 à 30 dans l’hypothèse où les réacteurs actuels seraient presque tous arrêtés à cet horizon », précise le texte. Et que la composition du nouveau mix doit être impérativement décidée entre 2022 et 2027, estime l’institution, étant donné les délais de construction de nouvelles centrales.

La note de la Cour des comptes

Dans ce document intitulé « Les choix de production électrique : anticiper et maîtriser les risques technologiques, techniques et financiers », les sages de la rue Cambon rappellent les dérapages de coût — 19 milliards d’euros au lieu des 3 milliards prévus — et de délais — au moins onze ans de retard — du chantier de l’EPR de Flamanville. « Les écarts sont du même ordre pour l’EPR d’Olkiluoto en Finlande », précisent-ils. En juillet 2020, la Cour des comptes avait longuement détaillé ces dérives dans un rapport dédié à la filière EPR.

Plusieurs points de vigilance sont évoqués.

  • Les lieux d’implantation de ces nouveaux réacteurs, « le changement climatique pouvant rendre plus compliqué l’installation de sites en bord de fleuves ».
  • La gestion des combustibles usés et des déchets : la construction de nouveaux réacteurs prévus pour fonctionner jusqu’en 2100 supposerait en effet « soit de renouveler l’usine de retraitement des combustibles de La Hague (...) et de créer de nouveaux sites d’entreposage puis de stockage des déchets nucléaires, soit de proposer un autre mode de gestion des combustibles nucléaires usés et des déchets qui seraient, dans une telle hypothèse, beaucoup plus volumineux », lit-on dans la note.

Lire aussi : Nitrates : l’usine nucléaire de La Hague pollue plus qu’une mégaporcherie

Un autre élément impératif pour la mise en œuvre de ce mix à moitié nucléaire souligné par la Cour est « le démarrage du projet de stockage des déchets radioactifs Cigéo » — projet lui aussi entaché de nombreuses incertitudes.

  • Le coût, enfin. « EDF ne pourra pas financer seule la construction de nouveaux réacteurs nucléaires alors qu’elle doit supporter le coût de la prolongation du parc actuel et des investissements de sûreté “post Fukushima”, faire face aux coûts futurs de démantèlement et à l’évolution incertaine de l’accès régulé au nucléaire historique depuis sa mise en place en 2011, et qu’elle est déjà endettée à hauteur de 42 milliards d’euros », alerte la Cour des comptes. Le projet de construction de six nouveaux EPR avait été estimé à 46 milliards d’euros par EDF et pourrait être financé à moitié par l’État, comme l’avait révélé Reporterre. Le coût de l’investissement a depuis été réévalué de 52-56 milliards d’euros à 64 milliards d’euros, selon un document de travail dévoilé fin octobre par le média Contexte.

La mise en œuvre d’un mix électrique 100 % énergies renouvelables représente aussi de nombreux défis, alerte néanmoins la Cour des comptes. Il faudrait ainsi définir des modalités de stockage de l’énergie (batteries, etc.) à un coût abordable et surmonter des difficultés d’implantation liées à la géographie, à la réglementation voire à l’acceptabilité sociale.

Dans tous les cas, « la tenue d’un débat démocratique éclairé favoriserait des choix arrêtés en toute connaissance de cause puis suivis d’effets dans la durée », préconise l’institution. Ce débat pourrait avoir lieu en 2023 pendant l’élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, feuille de route de la politique énergétique de la France.

La publication de cette note intervient alors que les débats font rage sur la définition du mix électrique du futur. Le 25 octobre, le gestionnaire de transport d’électricité a dévoilé ses six scénarios électriques pour 2050 : trois font la part belle à l’atome. Moins de trois semaines plus tard, Emmanuel Macron promettait la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France lors d’une allocution télévisée.

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