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Économie

La consommation de matières augmente vertigineusement

Précieuses matières premières. Longtemps, nous les avons cru en abondance, présentes dans la nature en quantité infinie. Mais leur consommation mondiale augmente sans cesse, à un coût humain et écologique immense. L’heure devrait être aux économies. Mais les décisions attendent, comme le montre un trop prudent rapport du Conseil économique et social.

Cuivre, bois, lithium, charbon, pétrole. Autant de ressources naturelles sans lesquelles notre société de consommation n’existerait pas. Pas de voiture, ni d’ordinateur, ni même d’électricité. Omniprésentes dans notre quotidien, ces matières premières sont pourtant limitées. La production de pétrole conventionnel a ainsi atteint son « pic historique » en 2006, et l’an dernier, on a trouvé beaucoup moins de pétrole qu’on n’en a consommé. Les conflits pour la maîtrise des ressources se multiplient, de la République démocratique du Congo à la Grèce et l’impact environnemental de l’extraction des ressources est de plus en plus lourd.

- Evolution de la consommation mondiale de matières premières depuis 1900, en gigatonnes. De haut en bas : matériaux de construction, minerais, combustibles fossiles, biomasse (source : Krausmann Fridolin et al., "Growth in global materials use, GDP and population during the 20th century", Ecological Economics, 2009) -

Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Car la population mondiale continue à croître, de même que l’industrialisation. Ainsi, la consommation mondiale de matières premières pourrait être multipliée par trois d’ici à 2050. L’urgence est donc de réduire cette ponction constante dans nos ressources.

Mais comment faire ? Un rapport, publié à la mi-janvier par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), a tenté de répondre à cette question. Une des idées essentielles en est « d’aller vers un fonctionnement plus circulaire de l’économie », explique Yves Legrain, rapporteur au CESE. Autrement dit, d’allonger la durée de vie des produits, ou de développer le recyclage et la réutilisation pour éviter le gaspillage… Pour y parvenir, on pourrait généraliser un affichage « vert » des produits, afin de mettre en évidence les impacts environnementaux liés à leur fabrication. Ou encore augmenter l’éco-contribution. Mais ces pratiques sont déjà plus ou moins mises en oeuvre.

De fait, le rapport ne va guère plus loin que de rappeler des solutions connues et peu appliquées. « Nous souhaitions que la préconisation phare soit la limitation du prélèvement à la source des matières premières », regrette Martine Laplante, des Amis de la Terre. Mais le CESE insiste d’avantage sur la sécurisation des approvisionnements et la valorisation des déchets.

- Mine de cuivre au Portugal -

Pour Yves Legrain, l’essentiel est ailleurs : « La véritable avancée, c’est d’être arrivé à un compromis entre industriels et environnementalistes ». Le rapport a en effet été adopté avec 191 voix pour et 5 abstentions. Une première. Montrer qu’un consensus est possible autour de l’économie circulaire serait le premier pas vers une transition écologique.

Mais les recommandations du CESE ne sont que consultatives, et le gouvernement ne semble guère pressé de les appliquer. Ainsi, le rapport conseille d’allonger la durée de garantie légale de deux à cinq ans. Or en septembre dernier, le Sénat a supprimé du projet de loi sur la consommation la disposition prévoyant l’extension de la garantie. Yves Legrain compte sur l’Union Européenne pour faire avancer ces dossiers.

La seule solution : augmenter le prix de l’énergie

Pour Olivier Descout, ingénieur et traducteur du livre Facteur 5, l’obstacle majeur n’est pas politique mais idéologique. L’économie s’est jusqu’ici développée en partant du postulat que les ressources étaient illimitées. « Tant que l’on ne verra pas l’énergie comme un facteur limitant, on ne cherchera pas à réduire les prélèvements ». C’est ce qu’il appelle la productivité des ressources : il s’agit de consommer moins pour faire autant. « Laisser les ressources gratuites ou peu chères pousse au gaspillage », ajoute-t-il. Ainsi, les initiatives comme le recyclage ou la lutte contre l’obsolescence programmée « sont vouées à rester marginales » faute d’intérêt économique à les mettre en euvre. À cause du faible coût des ressources, il reste aujourd’hui plus rentable de fabriquer un nouveau produit que de recycler.

Alors que faire ? Dans Facteur 5, Ernst von Weizsäcker préconise une augmentation substantielle des prix de l’énergie. « L’État doit intervenir, pour que les entreprises prennent enfin en compte la question de l’énergie et des ressources dans leurs arbitrages », explique Olivier Descout. En d’autres termes, mettre en place un impôt écologique. Mais cette solution paraît compromise à court terme, si l’on en juge par la révolte suscitée par la mise en place de l’écotaxe.

Sans action des gouvernements, les industriels ne sont pas prêts à changer leurs pratiques. À moins que les citoyens-consommateurs ne s’y mettent. Car la mise en place d’une économie durable ne se fera pas sans un changement des comportements. C’est ce que Weizsäcker appelle la suffisance. « Les pays du nord doivent renouer avec un mode de consommation plus modeste et apprendre à se satisfaire de moins ».


La course aux matières premières, source de guerres

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, depuis 1990, au moins dix-huit conflits violents ont été alimentés par l’exploitation de ressources naturelles. Des études récentes suggèrent qu’au cours des soixante dernières années au moins quarante pour cent de tous les conflits interétatiques présentent un lien avec les ressources naturelles. Des guerres civiles telles que celles au Libéria, en Angola et en République démocratique du Congo ont été centrées sur des ressources de « grande valeur » comme le bois, les diamants, l’or, les minéraux et le pétrole. D’autres conflits, y compris ceux du Darfour et du Moyen-Orient, ont eu pour enjeu le contrôle de ressources rares comme les terres fertiles et l’eau.

Comme la population mondiale continue de croître, et la demande en ressources continue d’augmenter, poursuit le PNUE, il existe un potentiel significatif pour que les conflits portant sur les ressources naturelles s’intensifient dans les décennies à venir. En outre, les conséquences potentielles du changement climatique sur la disponibilité de l’eau, la sécurité alimentaire, la prévalence des maladies, les frontières côtières, et la répartition de la population pourraient aggraver les tensions existantes et générer de nouveaux conflits.

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