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Santé

La pollution de l’air augmente le risque de cancer du sein

Fumée noire polluant le parc de la Citadelle, à Lille, le 25 février 2019.

Près de 1 700 cancers du sein sont chaque année en France attribuables à la mauvaise qualité de l’air, estime une étude. Trois polluants sont principalement mis en cause, comme le dioxyde d’azote.

Il est aujourd’hui reconnu par la communauté scientifique que la pollution atmosphérique est un facteur de risque du cancer du poumon. Cet organe n’est cependant pas le seul affecté par la mauvaise qualité de l’air. Celle-ci pourrait également être un facteur de risque du cancer du sein, le plus répandu en Europe, a révélé fin mai une étude publiée dans la revue Environmental Health Perspectives. En France, 3 % des cas (soit près de 1 700 cancers du sein par an) seraient directement attribuables à la mauvaise qualité de l’air.

Afin de parvenir à ces résultats, Stefan Gabet (Inserm) et ses collègues ont réalisé une méta-analyse de l’ensemble des publications portant sur le lien entre cancer du sein et exposition à la pollution atmosphérique. Cette méthode permet d’étudier un plus grand nombre de cas, et donc d’augmenter la précision de l’estimation. « Chaque étude seule peut donner l’impression qu’il n’y a pas d’effet net de la pollution atmosphérique, dit à Reporterre Rémy Slama, épidémiologiste environnemental et coauteur de cette étude. Mais en les agrégeant, on peut dans certains cas en identifier, avec des conclusions bien plus fortes qu’à l’aide d’une étude seule. »

Le dioxyde d’azote particulièrement visé

L’équipe de chercheurs s’est penchée sur trois polluants : les particules en suspension d’un diamètre inférieur à 10 microns (PM10), celles d’un diamètre inférieur à 2,5 microns (PM2,5) et le dioxyde d’azote (NO2). Tous sont issus de la combustion de carburants d’origine fossile, que ce soit dans les moteurs thermiques des véhicules, dans certains appareils de chauffage ou bien au cours de procédés industriels.

Conclusion : le dioxyde d’azote est particulièrement néfaste. « On ne peut pas non plus exclure un rôle des particules fines, mais il nous faudrait davantage d’études pour le confirmer », précise Rémy Slama. Le dioxyde d’azote n’agit probablement pas tout seul. Selon le chercheur, la « soupe toxique » de milliers de polluants à laquelle sont exposés des millions de Français quotidiennement, et dont le dioxyde d’azote est un marqueur, pourrait être le véritable responsable.

Selon l’équipe scientifique, 1 677 cancers du sein pourraient être évités chaque année si la pollution atmosphérique diminuait drastiquement, jusqu’à atteindre une concentration en dioxyde d’azote de 6,3 microgrammes par mètre cube (µg/m³) sur l’ensemble du territoire. Soit les niveaux observés dans des zones rurales très peu denses, ou dans certaines régions côtières balayées par les vents. Seuls 5 % des Français vivent aujourd’hui dans des endroits aussi peu pollués.

Air pollué à Paris, en 2016. Wikimedia Commons/CC0 1.0/Mariordo

Cette étude permet d’ajouter la pollution de l’air à la longue liste des facteurs de risques environnementaux déjà identifiés pour le cancer du sein, tels que l’exposition au DDT, un insecticide aujourd’hui interdit en Europe, ou l’utilisation de certains médicaments avec une activité hormonale, comme les traitements de la ménopause. Elle donne également une meilleure idée du coût de la pollution de l’air pour la population française. En matière de traitement et de souffrance, l’équipe de chercheurs estime que les cancers du sein causés par la pollution atmosphérique coûtent chaque année entre 600 millions d’euros et 1 milliard à la population.

« Des moyens existent pour lutter contre ces émissions »

De quoi peut-être accélérer la lutte contre la pollution atmosphérique, dont les effets sont délétères sur la santé. Un décès sur cinq dans le monde serait en effet lié à la pollution de l’air, selon une étude publiée en avril dans la revue Environmental Research. En France, 40 000 décès par an seraient attribuables à l’exposition des plus de 30 ans aux particules fines.

« Des moyens existent pour lutter contre ces émissions », rappelle le chercheur, qui regrette que les concentrations en substances toxiques dans l’air ne baissent que de quelques pourcents par an en France. À Tokyo par exemple, « l’instauration de mesures de restriction assez fortes, notamment sur le trafic, a permis de diviser par deux les niveaux de pollution atmosphérique en une dizaine d’années ».

Et lutter contre la pollution de l’air ne paralyse pas nécessairement la vie économique, insiste Rémy Slama. Les recherches en cours indiquent au contraire que les bénéfices sanitaires engendrés par les mesures de réduction de la pollution sont supérieurs au coût de leur mise en place. La plupart d’entre elles, comme le fait de réguler le trafic ou de mieux isoler les logements, sont de surcroît relativement simples sur le plan technique.

« Certaines mesures peuvent donner l’impression de toucher de manière disproportionnée les catégories sociales défavorisées, par exemple en les empêchant d’utiliser de vieux véhicules. Mais il faut rappeler que ce sont ces populations qui souffrent le plus de pathologies et qui ont l’espérance de vie la plus courte », ajoute le chercheur. Développer les transports en commun dans les quartiers défavorisés ou subventionner davantage le remplacement des chauffages polluants sont autant de pistes, selon lui, permettant d’améliorer la qualité de l’air sans pénaliser les plus précaires. « Il y a beaucoup de manières de faire, et que des mauvaises raisons de ne pas agir. »

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