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Nature

La première saison de la Chronique du jardin sans pétrole

Jardiner dans la grande ville ? Difficile. Alors Christine s’échappe toutes les fins de semaine, pour maraîcher et observer la nature


Une belle et riche année, la barrière se referme...

C’est le dernier week-end de juillet. Sur la route, les agriculteurs moissonnent laissant derrière eux des andins de chaume de blé dorés. La lumière a brusquement basculé dans les tons chauds, alors qu’insensiblement elle décroît de trente secondes par jour. Il est encore temps de semer des haricots et des carottes et de tenter à nouveau d’enfouir dans le sol quelques graines de tétragone, celles du printemps n’ayant pas levé. Je choisis une autre place, à côté d’un brocoli et de notre achillée millefeuille maintenant en fleur. On dit de cette plante originaire d’Australie que son semis est capricieux, que la graine peut mettre 10 jours ou bien quatre mois à germer ! Peut-être ne se décidera-t-elle qu’au printemps prochain. Nous l’attendrons car une fois installée sa production est perpétuelle. Ses feuilles, au goût proche de l’épinard et à la texture du pourpier, se consomment crues ou cuites.

- La tétragone à côté de l’achillée millefeuilles -

Petit à petit, le jardin devient comestible… J’ai identifié vingt-huit plantes différentes qui peuvent être consommées. Nous en avons installées quatorze au printemps, elles se sont maintenant bien acclimatées. Elles nécessitent peu de soin, juste un peu de compost, un désherbage du pied, de l’eau si le temps est trop sec. Elles se nomment roquette perpétuelle, artichaut, livèche, asperge, rhubarbe, physalie, oseille, fraisier, groseillier, cassissier, framboisier, noisetier, pommier, sarriette, lavande, thym, marjolaine, romarin, ciboulette, verveine, menthe.

Il y a aussi la vigne vieillissante qui est repartie après deux tailles hivernales et nos chères ronces tenues sous surveillance par un palissage sur le grillage du jardin.

- La vigne va bien, nous aurons du raisin à l’automne -

Enfin, n’oublions pas les plantes sauvages comestibles, telles la consoude, la prèle, l’ortie, le pissenlit, l’alliaire et le chénopode ainsi que cinq plantes que nous laisserons monter en graines et se re-semer sans notre intervention : la bourrache, l’arroche rouge, la roquette, le plantain corne de cerf et la coriandre. Tous ces végétaux sont la richesse de notre jardin. Ils amusent nos papilles curieuses et nourrissent tout un monde d’insectes, de lézards, de rongeurs et d’oiseaux.

- Le plantain corne de cerf -

Ces plantes sont une source de satisfaction plus certaine que nos cultures potagères proprement dites. Certes, nous avons eu du mesclun à gogo, des cressonnettes marocaines et quelques laitues pommes de terre, avant leur montée en graines. Mais nos radis, qui ont sans doute manqué de compost et d’eau, n’ont été ni abondants ni tendres et les épinards ont succombé à la chaleur d’avril. Les pois ont été une relative réussite, avec environ trois kilogrammes de pois gourmands et sept cents gramme de petits pois (une fois écossés).

- A l’abri du mesclun, les haricots ont germé -

Nous avons eu quatre fois des poirées à dîner (côte de bettes) et deux choux blancs. La croissance des pommes de terre est arrêtée car nous avons décidé d’enlever tout leur feuillage pour préserver les tubercules du mildiou et éviter une contamination des pieds de tomates qui pour l’instant s’en sortent. Nous venons de ramasser nos premières carottes. Les concombres et courgettes arrivent. Les courges, les poireaux et les haricots se développent. Mais ces promesses seront-elles tenues ?

- Première récolte de carottes -

Samedi soir, nous avons dîné de nos productions : carottes, pommes de terre nouvelles, purée d’oseille et salade…. Nous sommes restés pour le week-end afin de préparer le jardin à notre départ en vacances. Deux longues semaines d’absence pendant lesquelles les plantes ne pourront compter que sur l’eau de pluie ! Certaines ont eu le temps de fabriquer un réseau de racines suffisant pour capter l’eau du sous-sol. C’est le cas de la bourrache, de l’onagre, de la consoude, de la prêle et de l’ortie. Elles assurent une bonne remontée d’humidité qui profite aux végétaux dont les racines sont moins profondes comme les tomates, les carottes, les courges ou les haricots. Nous avons aussi laissé à dessein les racines des salades, des choux et des pois que nous avons consommés et qui sont autant d’éponges pour retenir l’eau dans le sol.

Nous avons fixé toutes les plantes à fort développement ou grimpantes sur des tuteurs en bambou pour les aider à faire face à un éventuel orage. Puis, nous avons répandu sur les buttes et dans les allées des copeaux de peuplier de récupération. Les fragments de bois forment un tapis blanc cassé qui limitera l’absorption de la chaleur du soleil dans le sol et en conséquence limitera l’évaporation d’eau.

- Un paillage de copeaux de peuplier pour garder l’humidité du sol -

Après un dernier arrosage sur les courges et les semis, nous refermons la barrière de bois verte. Nous repartons vers la gare sur nos vélos, une inquiétude indéfinissable sur le visage. En passant sur le pont de la Juine, je découvre une araignée suspendue sur son fil accroché à mon guidon… Depuis quand est-elle là ? Cette question distrait mes pensées et bientôt nous voilà sur le quai.


Samedi 12 juillet 2014

Les salades sont devenues des tours

Je n’ai pas pu attendre le week-end ! Vendredi, après une nouvelle semaine de pluie, j’ai profité de l’embellie céleste pour aller au jardin. Je suis partie travailler avec dans mes sacoches, des baskets, un couteau de poche et quelques sacs en papier. À 17h30, j’étais dans le RER.

Le pluviomètre a encore débordé ! L’arroche rouge me dépasse et les pois ont fait ployer les bambous qui leur servent de tuteurs. Les tiges montent à plus de deux mètres au-dessus du sol, vrillées les unes aux autres, formant un paravent végétal gorgé d’eau. Les gousses ont bien grossi et feront une bonne assiette de petits pois. Des fleurs continuent à couronner l’édifice bancal que je redresse comme je peux avec deux bambous plus costauds.

Comme nous reviendrons ce week-end, je rapporte de la consoude et de la prêle avec l’idée de préparer une vraie décoction pour renforcer le feuillage des pommes de terre, des tomates, des haricots verts, des brocolis, des choux raves et des cucurbitacées. J’ai mis les feuilles et de l’eau dans le couscoussier et laissé infuser à feu doux pendant une grosse demi-heure. J’ai rapporté lundi le mélange filtré dans un bidon. Avec le compost dans l’autre sacoche, j’ai failli ne pas pouvoir monter mon vélo dans le RER, l’écartement entre les barres métalliques, qui canalisent la montée des voyageurs, n’étant pas suffisant.

L’herbe a poussé partout, perçant notre couche de paille protectrice. Un nettoyage s’impose pour contenir l’habileté du mouron rouge et de la renoncule rampante à se faufiler entre les salades et les carottes, jusqu’à l’envahissement. Les salades sont devenues des tours. Arrivées au bout de leur cycle végétatif, les voilà maintenant qui s’élancent vers le ciel pour bientôt fleurir. Nous pourrions les enlever pour y mettre les tomates et les potimarrons qu’il nous faut repiquer, mais nous préférons attendre cette floraison inconnue et trouver une place ailleurs pour nos jeunes plants.

Ces derniers ont déjà bien grandi et leur transplantation s’apparente à une opération à cœur ouvert. Les feuilles des tomates transpirent sous le stress. Au fond du trou, nous mettons des feuilles de consoude et de prêle déchiquetées et ajoutons une bonne pelletée de compost autour de la motte. Et pour les aider à redémarrer, je les asperge de ma décoction dont toutes les feuilles du jardin ont déjà reçu les bienfaits.


Samedi 5 juillet 2014

Les lapins se régalent des choux, et du coup, pas nous

Un petit lapin s’est caché dans le jardin… Il a mangé le chou, mais pas tout ! Il a attaqué directement le cœur tendre et croquant en laissant derrière lui une épave végétale… Quel gâchis ! Au jardin, chacun doit avoir sa part, mais ce manque de délicatesse nous contrarie.

- Chou cabus grignoté par un lapin ! -

Sur les six choux cabus, un seul est encore là, magnifique, que nous décidons de protéger d’une cloche de grillage confectionnée sur-le-champ. Deux choux ont péri à cause des rats taupiers. Ces rongeurs amateurs de racines sont arrivés par le sous-sol à travers une galerie invisible en surface.

Nous avons réussi à en sauver deux autres choux en les déplaçant in extremis. Ils n’ont pas retrouvé l’énergie de leur première croissance, mais ils grossissent cahin-caha.

Depuis nos tentatives d’installer un arrosage automatique, il est tombé au moins trois centimètres d’eau. Nous avions peur de la sécheresse, c’est l’humidité qui menace. Les pommes de terre ont attrapé le mildiou. Ce ne sont encore que de petites taches noires sur les feuilles, mais si le déluge d’eau ne tarit pas, il faudra ramasser les tubercules plus tôt que prévu. Et pour faire bonne figure, nous dirons que ce sont des pommes de terre nouvelles ! Pour l’instant, nos tomates résistent…

Nous faisons une jolie cueillette de salade et de fleurs. Elles apportent chacune leur saveur particulière : un peu poivrée pour la coriandre, au goût d’huître pour la bourrache et citronnée pour la capucine. Nous n’avions encore jamais dégusté celle-ci. Les grands chefs nous ont fait découvrir l’intérêt culinaire de cette fleur que l’on appréciait pour leurs chatoyantes couleurs jaunes, orangées ou rouges.

- Une bonne salade de mesclun, fleurs de coriandre, bourrache et capucine -

La grande capucine est originaire de Colombie et du Pérou où elle est appréciée comme aliment sous le nom de « cresson ». Elle a été introduite en Europe par des commerçants hollandais à la fin du XVIIe siècle. Elle est alors cultivée dans les jardins de monastères, et bien sûr dans le potager du roi Louis XIV à Versailles où le jardinier Jean-Baptiste de La Quintinie se plaisait à dire "un bon jardinier
doit avoir de la passion pour les nouveautés"
.

- La capucine -

La capucine tire son nom de la forme de sa fleur dont l’éperon de la corolle rappelle le capuchon de l’habit de moine, ce qui peut donner à penser que son nom serait dérivé de celui des moines capucins. Nous en avons semé au pied du pommier, des rosiers et des artichauts, car elles ont la particularité d’attirer les pucerons. Elles se couvriraient de ces insectes piqueurs et suceurs, tandis que les plantes avoisinantes
resteraient intactes… À voir ! Les pucerons ont attaqué notre artichaut sans un regard pour les capucines. Pour la peine, nous les avons mangés dans la salade.


Samedi 28 juin 2014

La belle de nuit s’impose en splendeur

Je ne l’attendais pas là. Les graines d’onagre ont fait un pas de côté et l’une d’elles a germé deux mètres plus loin. Ce n’est pas la première fois que les insectes nous jouent des tours en déplaçant nos graines.

À sa naissance, la plante formait une corolle de feuilles un peu allongées. Elle a bien failli ne jamais grandir, arrachée par nos mains encore un peu lestes… Mais on l’a laissée se développer, car sa forme inconnue m’intriguait. Elle s’est étoffée de tiges feuillues jusqu’à atteindre soixante centimètres de hauteur.

Fin mai, elle empiétait tellement sur une jeune bouture de cassissier que j’ai dû défendre la place de celui-ci. Mais... « Attendons, les hampes florales frémissent ! » Elles ont éclos de fleurs jaunes alignées les unes au-dessus des autres, déjà presque fanées. Je n’avais jamais vu cette plante autrement qu’en images, et l’ai choisie pour ses bienfaits à l’égard des abeilles, mais aussi des pinsons, mésanges et autres accenteurs mouchets très friands de ses graines riches en huile.

- Onagre, au centre, capucines (orange), fleurs de coriandre (blanches), et fleurs de bourrache (bleues) -

Nous avons vaqué à nos occupations du jour, tenté sans succès, par manque de pression à la sortie de la réserve d’eau, d’installer un programmateur, apporté du fumier de cheval pour le mélanger avec les hautes herbes fauchées dans le jardin, repiqué les plants de tomates, constaté que les piments de Padron n’avaient pas survécu.

Il était déjà 17 heures passées et bientôt l’heure de la fête de fin d’année du club d’équitation allait commencer. Nous avions proposé de faire des beignets de consoude. Je suis arrivée avec un fagot de bois mort, une bonne poignée de feuilles de consoude, ma poêle et de quoi faire une pâte à crêpe de sarrasin. La curiosité des préparatifs a fait place à l’appréhension de l’inconnu et, pour ceux qui l’ont surmonté, un contentement communicatif.

Il était presque 21 heures quand nous sommes retournés au jardin ranger les outils et couper des salades, de la ciboulette et de l’arroche rouge.

Dans l’ombre des thuyas, l’onagre était là, plantée sur sa tige haute d’un bon mètre, ses fleurs jaunes pas du tout fanées. Certaines avaient les quatre pétales déjà grands ouverts et le pistil dressé, d’autres attendaient la lune. L’onagre, je l’ai appris depuis, est communément appelé « belle de nuit ».


Samedi 21 juin 2014

La nature resplendit, mais il faut arroser !

On a rapporté plein de salades, des fleurs de coriandre et de bourrache, des pois, de l’oseille, des poirées, un chénopode charnu et quelques feuilles de consoude. Ce mélange de légumes cultivés et sauvages est à l’image du jardin comestible et riche en biodiversité auquel nous aspirons. La consoude est cette plante très riche en minéraux avec laquelle nous avons fait de la tisane pour les plantes, il y a quelques semaines. Nous la cuisinons sous forme de beignets au goût de sole qui nous apportent une bonne dose de minéraux à nous aussi.

Le chénopode est une plante spontanée – perçue comme une mauvaise herbe par beaucoup de jardiniers - dont les jeunes feuilles peuvent être ajoutées à la salade. Les feuilles plus âgées sont cuites comme les épinards, qui sont un proche cousin, dans la famille des Chenopodiaceae. On peut en voir sur les trottoirs parisiens, dans la terre aérée des pieds d’arbres récemment plantés.

- Le chénopode blanc -

Les framboises, les fraises des bois et les groseilles, nous les avons dégustées à l’ombre du saule des oliviers, en les laissant fondre sur la langue pour faire durer leur saveur acide et sucrée. Il y en avait si peu qu’elles étaient délicieuses !

Le projet du jour consiste à installer un arrosage autonome. Les allers-retours avec l’arrosoir nous prennent trop de temps. Surtout, nous arrivons dans la période durant laquelle nous retrouvons le pluviomètre à sec. Et deux arrosages par semaine sont nécessaires pour les légumes qui n’ont pas encore de racines suffisantes pour puiser l’eau en profondeur.

Nous déroulons les cinquante mètres du tuyau percé d’un trou tous les trente centimètres. Une extrémité est branchée sur la tonne d’eau que nous avons remontée de soixante centimètres avec des palettes de livraison en espérant disposer ainsi d’assez de pression pour voir l’eau sortir à l’autre extrémité. Nous utilisons la déclivité naturelle du terrain en organisant le chemin du tuyau d’une butte à l’autre, entre les radis, les haricots, les pouces de courges, les choux, les salades, les carottes, les brocolis, l’artichaut et les choux rave. Bientôt des gouttes se forment sous chacun des cent-soixante-dix trous.

Pendant que nous fauchons les hautes herbes alentour et protégeons les buttes avec de la paille, le tuyau distille le liquide bienfaiteur : cent litres à l’heure d’après les marques de feutre sur le réservoir. Ce n’est pas aussi précis que l’arrosoir ! Mais le déclenchement de l’arrosage par la simple ouverture d’un robinet ouvre des perspectives. Nous essayerons la semaine prochaine d’ajouter un petit programmateur qui fonctionne avec une pile et permet de déclencher l’arrosage aux heures choisies. En attendant nous avons fait appel à un voisin. Les deux cents litres d’eau restant dans la réserve ont évité, espérons-le, que le stress hydrique n’affaiblisse les plantes, au profit des insectes affamés !


samedi 14 juin 2014

Le dernier « spot » à la mode : le bar à pollen

Grève ou pas, les trains ne roulent pas ce week-end sur la ligne C ! Nous partons en automobile de bonne heure, évitons les bouchons et goûtons sans mauvaise grâce le confort d’aller en trois quarts d’heure au jardin. La fraîcheur et le vent nous accueillent.

Les vaporisations de savon noir sur les artichauts et de tisane, prèle consoude ont momentanément fait reculer pucerons et mildiou. Les fleurs bleu Majorelle de la bourrache scintillent dans le soleil. Des framboises roses et des jaunes d’or très jolies et des fraises sont si appétissantes qu’elles ont été grignotées… par les cloportes ! Je le sais car j’ai surpris l’un d’eux la tête dans une fraise des bois.

Il y a des pois gourmands partout, mais plus de fleurs sur cette plantation de mi-mars. Les pois de Carouby semés en avril commencent seulement à fleurir. Chouette, nous aurons du rab !

- Trèfle blanc -

Les pois sont des légumes épatants qui vivent en symbiose avec une bactérie capable de fixer l’azote de l’air et de le restituer dans le sol pour les plantes qui en ont besoin. On trouve aussi dans cette famille - les fabacées - le trèfle blanc dont une petite colonie s’est installée au printemps dernier après avoir coupé les ronces envahissantes et les branches basses des arbres. Les graines étaient là, n’attendant que la lumière du soleil pour germer. Le trèfle blanc s’étend maintenant sur plusieurs dizaines de mètres carrés autour des fraisiers, des framboisiers et de la rhubarbe. Ce tapis nourrissant ne demande pas d’entretien et maintient une relative fraîcheur dans le sol, qu’il aère de ces racines traçantes. Il faut simplement l’empêcher de ramper sur nos plantations en paillant leur pied avec les feuilles mortes de chêne que nous accumuler cet hiver. La floraison du trèfle blanc est particulièrement longue. Jusqu’en août, « notre bar à pollen » sera le « spot » des abeilles du coin !

-  Photo du chapô : bourrache (Anemone projectors)


Samedi 7 juin 2014

Pour soigner les plantes, rien de mieux que la tisane

Nous avons échappé aux grêlons et n’avons eu droit qu’à l’orage. Et quel orage ! Le calice du pluviomètre a débordé. Une partie de l’eau tombée échappe à nos relevés. La salade, la coriandre et l’oseille abondent. Il y a aussi quelques fraises, des framboises et des pois gourmands. La récolte est magnifique, assez importante pour en donner au propriétaire du jardin et en apporter aux cousins chez lesquels nous avons passé la nuit.

-Les pois gourmands -

Dans la perspective de notre retour au jardin le lendemain, nous avons préparé une sorte de tisane de consoude et de prêle. Avec leurs longues racines, elles captent les minéraux, la potasse ou la silice dans les profondeurs de la terre, qu’elles concentrent ensuite dans leurs feuilles. Ces éléments fortifient les parois cellulaires des plantes et les aident à se défendre contre le mildiou qui se développe quand l’humidité est trop forte.

Le mildiou est la traduction phonétique du terme anglais « mildew » qui désigne la moisissure. Des taches noirâtres qui se forment sur les plantes, à cause du développement d’espèces végétales microscopiques dont les botanistes se sont aperçus récemment qu’elles n’appartiennent pas au règne des champignons mais des algues ! D’où leur prolifération quand l’air est humide.

Notre « tisane » consiste à laisser les feuilles fraîchement coupées dans de l’eau de pluie pendant vingt-quatre heures. Ce week-end de Pentecôte, elle ne manque pas ! De grandes flaques se sont formées au pied des bambous qui poussent en contrebas du chemin menant des écuries au potager. Nous sommes loin des potions naturelles, décoctions et autres purins, vantés par les jardiniers biologiques et dont la mise en œuvre nécessite soit de chauffer, soit de remuer tous les jours pour oxygéner le mélange. Notre nomadisme jardinier ne nous le permet pas…

Nous avons laissé notre mixture infuser au soleil, et le lendemain en fin de journée, nous l’avons pulvérisée sur les solanacées du jardin - dont font partie les pommes de terre et les tomates.


Samedi 31 mai 2014

Les fourmis élèvent les pucerons, ce qui n’est pas bon pour les plantes

Nous sommes contents, l’ascenseur de la gare d’Austerlitz est enfin réparé. Il faut dire que la descente du vélo, avec les sacoches garnies du sceau à compost, du sac de jardinage et du pique-nique, est un peu raide.

Le temps est gris, humide, mais la chaleur est là. Je lève le nez : plus une cerise. La saison a été difficile pour les deux cerisiers sexagénaires. L’un a fleuri mais à cause du froid, les abeilles ne sont pas venues féconder les corolles blanches. Sur l’autre, les cerises se coloraient, défiant notre patience. Les fortes pluies et les oiseaux ont fait disparaître ces perles écarlates.

L’examen du potager est réjouissant : les graines des courges, des tomates, du basilic, des radis, des poirées, sont sorties de terre. Les plants mis en terre se sont acclimaté et la rhubarbe semble enfin installée. Les premiers pois gourmands sont prêts à être cueilli et leurs fleurs abondent. L’arroche rouge a pris dix centimètres, les salades et la coriandre se plaisent.

C’est Léonie qui les a vus la première : « Regarde maman, il y a des bêtes là ! » Les bêtes en question sont des pucerons accrochés en grappe sur un pied d’artichaut, que dis-je sur les deux pieds pourtant éloignés l’un de l’autre ! Les côtes de bette sont elles aussi envahies. Je n’ai ni savon noir, ni purin d’ortie : juste mes mains et de l’eau. En nettoyant délicatement les feuilles d’artichaut, je découvre la présence de fourmis sur les tiges. Elles surgissent du sol, grimpent vers les amas de pucerons installés sous les feuilles puis redescendent et disparaissent sous la terre. Leur manège a l’air bien rodé. Mes scrupules à l’égard des fourmis, dont nous avions dérangé l’habitat cet hiver en préparant le sol, tombent d’un coup devant ce sans gêne évident !

Nous voici en présence d’un élevage de pucerons entretenu par les fourmis. Les pucerons se nourrissent de la sève des plantes et fabriquent une substance liquide, le miellat, dont les fourmis raffolent. Pour récupérer cette douce nourriture, elles viennent tout près des petits insectes et leur frottent le dos avec leurs antennes jusqu’à ce qu’une goutte de ce miellat en sorte. En échange les fourmis les protègent des prédateurs, notamment la coccinelle !

Nous nettoyons au mieux les feuilles des artichauts. La semaine prochaine nous apporterons un peu de savon noir et pour le feuillage et du marc de café pour éloigner un peu les fourmis.


samedi 24 mai 2014

Achillée millefeuille et mauve musquée pour jouer avec les insectes

Notre pluviomètre indique 32 millimètres, soit 3,2 cm d’eau par mètre carré ! Un record depuis que nous avons acquis cet ustensile dont l’intérêt se confirme. Les légumes feuilles – roquette, oseille, coriandre et salades diverses ont profité de ces pluies abondantes et offrent une luxuriance tropicale au ras du sol. En revanche, les piments de Padron n’ont pas apprécié : des 11 plantules installées, il n’en reste que trois ! Le petit paillage n’a pas été suffisant et sans doute ont-elles péri dans le déluge.

- La cressonnette marocaine voisine avec la coriandre -

Nous arrivons en voiture – une fois n’est pas coutume -, chargés de plantes achetées à l’Ecole Du Breuil qui ouvrait ses portes au public.

Nous y avons acheté deux plants de tomates de Berne et deux plants de basilic, qui produiront avant nos semis de la semaine dernière, qui n’ont pas encore germé.

Les quelques autres plantes que nous apportons ont été choisies pour augmenter la biodiversité dans le jardin avec des fleurs les plus souvent comestibles mais surtout attirantes pour les insectes aptes à mettre un peu d’ordre dans le potager. L’achillée millefeuille (Achillea millefolium) dont l’odeur âcre coupe l’appétit des insectes indélicats comme les pucerons, les cochenilles ou les psylles (tout petits insectes qui ressemblent à des cigales) et attirent sur les abeilles, les papillons et les syrphes sur ses fleurs. Je l’installe au centre du potager.

- L’achillée mille-feuille, alias Mille-feuilles, alias Herbe du charpentier -

Pour la mauve musquée (Malva moschata), je choisis l’extrémité nord d’une butte afin de lui ménager de l’ombre. Aux heures chaudes de l’été, ses fleurs roses du haut de leur longue tige balanceront les abeilles. La mauve apporte de la douceur et s’offre tout entière à la dégustation : les feuilles avant la floraison, les fleurs l’été et les racines à l’automne. Nous installons aussi différentes verveines (Verbena bonariensis, et Verbena rugosa) une menthe réglisse coréenne (Agastache rugosa), un plantain corne de cerf (Plantago coronopus)

Avec un seul pied de chacune de ces plantes, on peut avoir l’année suivante quantité de nouvelles pousses, soit parce qu’elles se propagent sous terre à l’aide de stolons soit parce que les graines germent naturellement si le sol leur convient.

Comme ces nouvelles fleurs qui poussent dans le jardin. Bien malin celui qui pourra me dire comment elles sont arrivées là : graines dormantes anesthésiées par les ronces, fientes d’oiseaux, vent... peu importe, l’oeillet des poètes s’est installé au bord de la future mare.

- L’oeillet du poète -

À l’ombre du cerisier, c’est une mortelle digitale qui a pris racine. D’autres plantes que nous n’avions pas repérées l’année dernière s’annoncent. Nous attendons de les voir grandir et fleurir pour les nommer.


samedi 17 mai

Au son du pinson, on sème le piment

Quelques radis juste cueillis et un peu de coriandre ont transformé notre salade de pommes de terre, oignons blancs, en un délice végétal. Deux pinsons confiants accompagnaient ce déjeuner sous le saule des oliviers. L’un était tout près dans les thuyas, l’autre dans le chêne au-dessus de la réserve d’eau. Ils chantaient à tue-tête, une mélodie que les spécialistes traduisent ainsi « tchip-tchip-tchip-tchip-chett-chett-chett-chett-diddip-diddiooo ». Les deux mâles semblaient se répondre, s’envoyant des décibels joyeux de bon voisinage. Deux familles doivent êtres installés à proximité, mais nous n’avons pu repérer de nid sous le feuillage.

La journée est belle, les saints de glace derrière nous !

La journée est aux semis et aux repiquages des plants « fait maison », sur une nouvelle butte que nous créons sans trop d’effort. Cela fait plusieurs semaines que nous avons recouvert le sol d’une couche de carton, laissant ses organismes faire le plus gros du travail de digestion des végétaux et d’ameublissement de la terre. Privées de lumière, les herbes se sont peu à peu décomposées sur place devenant ainsi très comestibles pour la petite faune souterraine.

Nous installons les piments de Padron, dont nous avons rapporté des graines de Galice l’été dernier. Il s’agit de petits piments verts que l’on déguste, poêlés dans l’huile d’olive avec un peu de gros sel. Son goût est intense et de temps en temp,s l’un d’eux est carrément piquant ! Force 4 sur l’échelle de Scoville, qui mesure jusqu’à 10 la quantité de capsaïcine, molécule responsable du piquant.

Autour des piments, je repique les salades semées fin mars et sème en pépinière des tomates de Berne et de Sibérie, et deux variétés de basilics : le basilic de Marseille et le basilic cannelle. Nous verrons à réinstaller plus confortablement sur la butte ce qui aura bien voulu germer. Pour finir, je lance à la volée des graines de cosmos blancs. Ces plantes – piment de Padron mis à part - ont des affinités qui les poussent à une entraide mutuelle pour éloigner maladies et insectes. Quand nous relevons la tête, il est passé 19 h. Nous arrosons rapidement, installons un paillage sur la nouvelle butte, cueillons oseille, coriandre, consoude, radis et mesclun et pédalons sans mollir pour attraper le train de 19 h 53. En soirée, ce dernier ne passe que toutes les heures.

-  Photo du pinson : wikimedia.


Samedi 10 mai 2014

Eloge du pois, vieil ami de l’humanité

Dans ma sacoche de vélo, je rapporte un bouquet de coriandre, de la ciboulette, quelques brins de menthe poivrée, des feuilles de poirée, une botte de radis et un mélange de salades (mesclun). Nous n’avons pas chaque semaine la chance de rapporter notre production, mais nous ne rentrons jamais sans rien. Les plantes sauvages comestibles nous sauvent la mise : feuilles de consoude que nous préparons en beignet, orties pour la soupe, pissenlits pour la salade, chénopodes pour l’omelette... Quantité de plantes goûteuses poussent sur les buttes et les arrachages des adventices (encore parfois appelées « mauvaises herbes ») deviennent plus sélectifs. Nous parvenons maintenant à en reconnaître certaines alors qu’elles sortent à peine de terre, Aussi les laissons-nous croître tranquillement en certains endroits.

Avec des bambous récupérés, j’ai installé un treillage sur lequel les pois vont pouvoir accrocher leurs vrilles et prospérer à leur aise. Les petits pois de la variété mangetout Carouby de Maussane, mis en terre le 15 mars, ont germé et les plants, qui mesurent déjà quinze centimètres, n’ont pas fini de grimper !

- Le pois, alias Pisum sativum -

Comme ses comparses de la famille des fabacées (légumineuses), le pois fixe l’azote de l’air à l’aide de nodosités sur les racines et de la présence d’une bactérie dont je ne vous tairai pas le nom : Rhizobium leguminosarum biovar viciae.

Le pois fait partie des premières plantes cultivées par les hommes. On en a trouvé des grains vieux de près de dix mille ans en Anatolie ! Il était cultivé puis séché. Un pois sec est bien plus coriace qu’un grain de blé et il avait plus de chance d’être intact à la fin de l’hiver. En association, le blé et les pois (riches en protéines) constituaient une alimentation assez équilibrée (à l’instar des plats à base d’haricot-maïs chez les Amérindiens).

Louis XIV l’a invité à sa table, tout frais cueilli de son potager extraordinaire à Versailles, séparant le pois des riches, frais, du pois des pauvres, sec (la pitance).

Quant à nous, sans vouloir nous distinguer, on préfère le manger tout habillé dans sa gousse vert tendre.


Samedi 3 mai 2014

L’urgence à se reproduire, encourageante ou inquiétante ?

- Punaises des bois -

C’est comme avec les cheveux ! Il y a un matin où, tout à coup, ils sont trop longs alors que la veille encore on les trouvait très bien. L’herbe a poussé. Sur le pourtour du potager, elle fait de l’ombre aux plantes installées le long de la clôture extérieure. La rhubarbe, transplantée là pour une vie meilleure, dans un confortable compost, reste prostrée avec son unique feuille…

Le pluviomètre est rempli jusqu’à vingt-cinq millimètres. Nous avons fait l’acquisition de cet objet pour mieux suivre les arrosages naturels. Ainsi, nous savons que cette semaine, il est tombé deux cent cinquante litres sur les 100 m2 du potager : c’est un peu moins que les dix arrosoirs de vingt litres apportés le week-end par nos soins, car nous n’arrosons pas dans les allées.

Je suis un peu déroutée par les évolutions récentes. La roquette, la ciboulette, l’oseille, la poirée (de la même famille que les côtes de bettes) que nous avions semées au printemps dernier sont en fleurs. La mâche de septembre l’est aussi. Et les épinards qui sortent tout juste de terre s’y mettent ! Certes c’est le printemps, mais cette urgence à se reproduire me laisse un soupçon d’inquiétude. Comme le signe d’un péril au potager, que je serais la seule à ne pas voir.

Faut-il couper les fleurs pour relancer la production de feuilles où les laisser monter en graine en prévision de récoltes futures ? Je cueille quelques fleurs de roquette et de ciboulette pour parfumer notre salade, coupe celles des épinards dont je n’ai pas encore récolté une seule feuille et remets à plus tard ma décision concernant l’oseille et les poirées.

La petite faune prospère. En plus des fourmis, gendarmes, bourdons, abeilles, araignées, vers de terre, mille pattes... dont la présence nous est maintenant familière, des papillons jaune citron, d’autres tout blanc, volent de concert. Des punaises des bois se reproduisent à l’ombre des feuilles de poirée.
Dans le fût d’un poireau que je cueille avant qu’il ne fleurisse lui aussi, de minuscules vers blancs. Les pupes de la mineuse qui infestaient nos poireaux cet automne correspondent à un stade immobile pendant lequel nos poireaux ont pu continuer à grossir, laissant ces indésirables dans leurs feuilles externes. Mais aujourd’hui, j’y découvre des petits asticots blancs, annonciateurs de mouches. Je ne vais pas les laisser recommencer leur cirque. J’arrache tous les poireaux, garde ceux qui peuvent l’être et enferme le reste dans un sac à destination de la poubelle verte. Je ne vais pas prendre le risque de composter tout ça. La mineuse est trop gourmande !


Samedi 26 avril 2014

L’abeille sauvage apparait, elle a encore froid

Nous traversons le pont d’Austerlitz sous une fine pluie de soleil. Ça ne dure pas. Le temps d’un trajet en RER et nous voilà accueillis par une pluie froide qui rappelle qu’avant la fête des Saints de glace, on ne sort pas les plants de tomates ! Les plants que j’ai embarqués dans la sacoche de mon vélo sont des brocolis, des choux raves et des choux de Milan. Périlleux ! Mais quand la saison des semis est là, toutes les stratégies sont bonnes pour les réussir. Sur le bord de fenêtres de notre premier étage parisien, peu de lumière pour les plantules qui ont tendance à faire de la tige, comme si elles voulaient tirer sur leur cou pour voir ce qui se passe dehors. Mais au jardin, sans surveillance, les limaces se régalent ! Et le stress hydrique menace.

Mes choux ont supporté les escaliers roulants, les bordures de trottoir et les virages et les coussins berlinois (nom donné au ralentisseur de voitures carré et peu esthétique).

Reste à définir le meilleur endroit pour les repiquer. Sans appliquer une stricte rotation des cultures, je réfléchis un instant pour ne pas les remettre au même endroit que l’année dernière. Les choux raves sont plantés au pied des petits fruitiers (groseilliers et cassissiers) sur la butte où l’année dernière nous avons récolté épinards, mesclun, pois gourmands et mesclun. Les brocolis sont installés sur une nouvelle butte et les choux de Milan mis en attente…

« Ah ! ça y est, il y a plein de petites araignées, de bête à bon dieu, de soldat anglais », s’écrit Jean-Marie, qui arpente les buttes avec un outil de sa fabrication, sorte de lame étroite mais non coupante, avec laquelle il extirpe les pousses de prêles et de consoudes qui jaillissent de partout.

- La consoude

Ces deux plantes se plaisent dans les vallées alluviales. Elles s’enfoncent dans le sol meuble et leurs racines vont chercher dans les profondeurs du sol des éléments minéraux utiles aux plantes potagères. Aussi laissons-nous les feuilles se décomposer directement sur les buttes. Dans un coin plus sauvage du jardin, nous les laissons pousser. Les prêles peuvent atteindre 60 centimètres de hauteur, et la consoude, un mètre. On peut en faire des purins et des décoctions pour les plantes où plus simplement les ajouter dans le compost pour l’enrichir.

- La prêle -

Une abeille sauvage, qui a l’air mal en point, se pose sur un brin de paille. Elle n’arrive plus à s’envoler. Est-ce à cause de la température ? Il ne fait guère plus de 15 °C quand le soleil disparaît derrière les nuages. Je la prends, la pose au milieu d’un œillet d’Inde et la regarde planter sa paille dans le nectar.


Mercredi 16 avril

Le lézard vert fait ses choux gras des campagnols

L’absence de pluie rend hasardeuse la réussite de nos semis. Pour germer, les graines peuvent attendre que la terre soit réchauffée et humide à leur convenance, mais une fois installée, la plantule a besoin d’eau en surface jusqu’à ce que ses racines se développent suffisamment pour puiser l’eau dans le sol. Or en surface, le vent ou le manque de pluie ont vite fait de tout dessécher.

Nous sommes mercredi après-midi et le jardin m’attend. Le ciel est bleu, le soleil fait claquer les couleurs des gares de la ligne C du RER : le jaune des poubelles, le bleu des panneaux, le rouge des rampes d’escaliers. Les herbes folles se balancent doucement sur le quai : la chélidoine, l’herbe à Robert, la capselle bourse-à-pasteur, le pâturin des prés, le brome et d’autres. Elles ne semblent pas souffrir de la sécheresse, elles !

Il faut une dizaine d’arrosoirs, soit deux cents litres d’eau pour faire le tour du jardin. Mine de rien, cela prend une grosse demi-heure. Je m’affaire car je n’ai pas beaucoup de temps. Je commence par les radis déjà bien avancés, les carottes et la cressonnette marocaine (une salade très rustique) à peine sortie de terre, les épinards et la tétragone.

- Les radis sortent de terre -

Quand j’arrive près des fraises, un lézard vert décampe sous mes pieds et va se cacher dans les herbes au pied du chêne. Je vide mon arrosoir retourne le remplir et reviens vers les framboisiers espérant bien le revoir. J’attends un peu, le vois ressortir et se diriger vers le tas de compost. Le lézard vert occidental se nourrit d’insectes mais aussi de petits mammifères. Il y aura sans doute trouvé quelques campagnols, qui font leurs choux gras des épluchures de légumes.

Lacerta bilineata, c’est le nom latin de ce lézard, a été décrit par un passionné d’herpétologie bourguignon, Marie-François Daudin. Avant de mourir en 1803, à l’âge de 27 ans, il publie une Histoire naturelle des Rainettes, des Grenouilles et des Crapauds et une Histoire naturelle, générale et particulière des Reptiles, qui font date.

La tonne d’eau installée au fond du jardin se vide doucement. Allez encore un arrosoir pour la rhubarbe et les cassissiers et un autre pour la coriandre, la bourrache et les arroches. Les poireaux sont assez profondément plantés et paillés. Je ne les arrose pas.

Je dois déjà repartir, enivrée des odeurs et de ma nouvelle découverte. Nous partons pour le week-end de Pâques… De la Montagne Noire, nous avons eu vent qu’il pleuvait sur l’Ile de France.


Samedi 12 avril 2014

Sous les frondaisons des cerisiers fleuris

L’entrée du potager est marquée par deux cerisiers. Deux arbres imposants du haut de leur demi-siècle, qui semblent n’avoir jamais été taillés. Ils offrent successivement leurs frondaisons fleuries. Bien qu’éloignés d’à peine dix mètres l’un de l’autre, leur rythme est différent. À l’abri de la haie de thuyas, celui de droite a fleuri le premier. Nous sommes rassurés de voir que des petites billes vertes se forment là où nous avons laissé des fleurs la semaine dernière.

C’est maintenant sur l’autre cerisier qu’abeilles et bourdons s’affairent à recueillir le pollen. Spectacle rassurant que nous devons à nos voisins du syndicat des apiculteurs du val d’Essonne, dont le rucher–école est installé à proximité dans le Château de Gillevoisin.

Nous avons déjà semé des radis, des carottes, des épinards, de la cressonnette marocaine, des laitues, des pois gourmands, des poireaux, des choux raves, des brocolis, du mesclun, de l’arroche rouge, de la tétragone… Nous décidons de changer de place nos pieds de rhubarbe - issus de semis de l’année dernière qui restent chétifs – et de leur apporter une bonne dose de compost.

Notre production de compost est splendide ! Une fois tamisé, avec un grillage d’un centimètre carré, l se révèle grumeleux et gras, et tombe dans les trous de plantation avec un bruit sourd et léger qui nous ravit.

Il est trop tôt pour les tomates, les courges, les haricots…Je me plonge dans le passionnant livre de Jean-Paul Thorez sur les plantes compagnes. Je découvre qu’au potager, les gardes du corps des fruits et des légumes sont des fleurs : les capucines placées au pied du pommier éloignent les pucerons, les soucis empêchent le dessèchement des tiges des framboisiers, les oeillets d’Inde et les cosmos protègent les pieds de tomates, et les feuilles d’absinthe, étalées entre les choux, éloignent les altises. J’ai fait la rencontre de ce coléoptère l’année dernière, occupé à perforer leurs feuilles.

Chuit, chuit, chuit….J’entends le bruit de la faucille. Mon compagnon raccourcit l’herbe et tient en respect les pousses de ronces tapies sous les touffes, et qui n’attendent que notre distraction pour rendre cette terre à la forêt.


Samedi 5 avril 2014

Promenade de printemps

Mais que se passe-t-il ? Nous sortons du train et voilà que sur le quai, ma bicyclette ne veut plus avancer. Plus têtu qu’un âne ce vélo ! Je ne comprends pas et n’ai d’autre choix que de le laisser au parking de la gare RER. Je fixe comme je peux sur le vélo de ma fille mes sacoches qui contiennent graines, carnet de bord du jardin et pique-nique, et nous partons à pied. C’est joli, cette promenade printanière. Des canards col-vert font la sieste près de la Juine. Un parfum sucré s’échappe des larmes mauves de la glycine. Sur les bas côtés, le pissenlit est en fleur et même monté en graines. Léonie se réjouit de souffler sur ces « petits parachutes » et de les regarder s’envoler.

C’est la fin pour cette année des petites salades de pissenlits coupées dans la prairie ! Dommage, car ces feuilles, quand elles sont toutes jeunes, sont délicieusement tendres et légèrement amères. Elles sont très riches en minéraux (fer et calcium) et contiennent en quantité des vitamines A, C et K. Mais dès que les boutons de fleurs se forment, l’amertume en devient trop forte pour être agréable.

Ce que nous appelons pissenlit désigne un groupe de cent cinquante plantes différentes (ou taxons) de la famille des composées, car leur fleur jaune, unique en apparence, est constituée de centaines de minuscules fleurs collées les unes aux autres qui possèdent à la fois des organes mâles et femelles. Si bien que la visite d’un insecte lui permet de s’auto-féconder et d’envoyer ses akènes à aigrettes prendre racine jusqu’à dix kilomètres de distance ! Il s’installe alors en développant des racines pivotantes (un peu comme un foret de perceuse électrique) qui peuvent atteindre deux mètres !

Quand nous arrivons au jardin, je regarde comment vont les semis. Un énergumène vivant sous terre a traversé le châssis et aéré le sol sans ménagement pour nos frêles plantules. Décidément c’est un jour à catastrophe.

J’arrose les rescapées … Et un peu lasse, m’endors dans le hamac.


Samedi 29 mars 2014

Le jour de l’arroche rouge

Le lundi matin, j’ai les mains toutes râpeuses. Je sais bien que la terre dessèche la peau, mais chaque fois, je finis par laisser tomber les gants ! Comment pourrait-il en être autrement ? Il faut de la dextérité pour ouvrir les sachets de graines et plus encore pour attraper les semences et les mettre en terre. J’aime travailler avec une petite griffe à main ancienne. Elle n’a que deux dents, mais quelles dents ! Leur courbe et leur pointe effilée permettent de l’utiliser tout aussi bien pour attraper les racines touffues, creuser avant de planter ou ameublir la terre en surface avant de semer !

Il fait sans doute encore un peu froid pour semer. Une voisine m’a dit qu’elle avait dû gratter les vitres de la voiture le matin ! D’ailleurs, les pois gourmands semés mi-mars restent invisibles. J’ai peur qu’ils aient pourri... Pour m’assurer de leur bonne santé, je dégage délicatement la terre du sillon où j’ai enfoui un pois, sous trois centimètres. Miracle, deux minuscules feuilles arrondies sur une frêle tige accrochée au pois ! Je remets la terre et les feuilles tout émue de ce miracle.

La journée est douce. Encore des semis ! J’enfouis quelques graines d’arroche rouge entre le groseillier et le pommier, quelques graines de tétragone un peu plus loin sur la butte dans du compost bien mûr mélangé à la terre et j’arrose. Ces deux plantes, proches des épinards sont très différentes l’une de l’autre. L’arroche pousse à la verticale et mesure jusqu’à un mètre cinquante. La tétragone, elle rampe au sol.

Pendant ce temps, mon compagnon sème des carottes et de la cressonnette marocaine. Il faut faire attention avant de gratter la terre. La coriandre nous offre une belle surprise avec des dizaines de minuscules plantules qui sortent de terre ! L’année dernière, nous avions fait des semis dans des godets que nous avons repiqués. Je ne savais pas que pour renforcer la plante et lui donner son plein rendement il fallait la couper. On a eu des fleurs et plein de graines qui germent aujourd’hui.

Sous notre châssis, la pépinière s’installe. Chou-rave, poireau, brocoli, laitue, radis. C’est le temps des essais, le temps incertain quand un méchant coup de gel peut tout abîmer. J’ai laissé mon Smartphone à la maison et je n’ai pas les prévisions météorologiques de la semaine. Allez, on arrose bien et on ferme la serre.


Samedi 22 mars 2014

Le lézard qui avait perdu ses pattes

C’est un temps de printemps. Le vent froid, à coups de rafales, emporte les nuages on ne sait où. Le soleil chauffe à ne plus supporter le tricot. D’autres nuages arrivent, des éclairs et du tonnerre aussi avec la pluie et même de la grêle.

Nous avons quand même repiqué quelques framboisiers, qui poussent sauvagement au milieu des ronces de l’autre côté de la clôture et semé des radis, un peu de mesclun (mélange de salade) et une nouvelle rangée d’épinard.

Sans trop nous attarder, nous pédalons dans le vent, contents de rentrer à la maison. Sur les trottoirs, des sacs remplis de tonte de gazon ou de branchage attendent. « 24 mars, c’est le retour de la collecte des déchets verts » indique le panneau lumineux devant la gare du RER. On voudrait pouvoir dire à ces gens qu’un petit mètre carré suffit pour transformer ces sacs d’or vert en un compost de belle qualité qui viendra nourrir les fleurs des plates-bandes de leur jardin.

Du compost, on en a pelleté aujourd’hui, du bien mûr, sur les framboisiers, l’oseille, les plants d’artichaut... Le tas a déjà bien descendu alors que les semis ne font que commencer !

Nous jetons un coup d’œil sur le tas d’à côté pour en vérifier la maturation. Oh, un orvet ! Très reconnaissable à sa peau lisse et brillante, presque métallique. Le naturaliste suédois Carl von Linné, grand classificateur du vivant au XVIIIe siècle, l’a nommé Anguis fragilis et rangé avec les lézards. Car en dépit de son air de serpent, il a comme les lézards des écailles identiques sur tout le corps. Il a aussi comme beaucoup d’entre eux des paupières qui lui permettent de fermer les yeux et la faculté de perdre sa queue pour se libérer, celle-ci ne pouvant cependant repousser qu’une seule fois. L’orvet est un lézard qui a perdu ses pattes.

- Regardez bien, l’orvet est là -

Nous remettons délicatement le carton qui protège le tas pour ne pas déranger ce locataire, protégé par un arrêté du 19 novembre 2007. L’agriculture chimique et les voitures sont ses principaux ennemis.

Ici, il est en sécurité. Dès que la chaleur sera plus certaine, espérons qu’il délaisse les vers de fumier pour une nourriture plus diversifiée. Notre jardin offre toutes sortes de mets pour un orvet, des vers de terre, des insectes et leurs larves, des chenilles, des cloportes, des araignées, des limaces et même des escargots.

Nous l’accueillons d’autant plus volontiers que de hérisson, on ne voit point... pour l’instant...


Samedi 15 mars 2014

Des bourdons et des chatons

L’hiver n’est plus. Envolé ! Les enfants courent sous le soleil, derrière un grand cerf-volant en forme d’oiseau. Pendant ce temps, comme il n’a pas plu de la semaine, nous pouvons reprendre nos travaux de terrassement. Et mettre en route une nouvelle butte.

Tout d’abord, je prends ma grelinette pour ameublir la terre sans la retourner, préservant ainsi la vie du sous-sol. Quand André Grelin invente cet outil à main au début des années soixante, le pétrole coule à flot et les jardiniers lui préfèrent le motoculteur. Mais pour le jardinier en permaculture, c’est une innovation majeure.

Grâce à ses deux manches, la grelinette utilise le principe du levier qui permet un travail efficace et rapide avec un minimum d’effort. Il en existe avec différents nombres de dents. J’ai choisi celle qui dispose de quatre dents car elle permet de travailler la terre sur quarante centimètres. Comme mon râteau mesure aussi quarante centimètres, cette distance est devenue l’étalon de notre jardin.

Nos buttes s’étalent quatre-vingt centimètres de large et sont séparées par des allées de quarante centimètres. Cela facilite grandement la mise en œuvre. Une fois ameublie la surface, la terre qui se trouve dans la future allée est pelletée sur la butte en devenir.

Pour les buttes, le bon râteau est celui qui est fixé à son manche par une forme en triangle évidée qui permet de l’utiliser à l’envers. On peut ainsi d’un geste ample et arrondi émietter les mottes de terre et peu à peu donner forme à l’ensemble. Pour finir, de la paille est répandue dans l’allée afin d’éviter de marcher dans la gadoue les jours de pluie.

Après deux heures de labeur, une jolie butte de six mètres de long est prête pour les semis. Je m’accorde une pause dans le hamac installé sous le saule.

Oh là ! ça bourdonne au-dessus au dessus de moi. Des bourdons terrestres, reconnaissables à leurs bandes jaunes (une sur la tête et l’autre sur le torse) et blanches sur l’arrière du corps, font des va-et-vient entre les jeunes chatons - c’est ainsi que se nomment les fleurs du saule – et je ne sais quelle destination ! Il n’y a pas encore de feuilles et je peux observer leur manège. Ils se sont concentrés sur le seul arbre en fleurs du jardin. Un nid doit être à proximité et le nectar des fleurs est apporté aux jeunes larves qui attendent dans les galeries souterraines. Quand je relève la tête, ma butte à commencer à se remplir de petites plantules de chou cabus que mon compagnon installe confortablement à l’abri des feuilles de chêne qu’il a ajouté pour protéger la terre.


Samedi 8 mars 2014

La belle journée a attiré les familles à vélo dans le RER. Gare d’Austerlitz, le sas qui permet de composter avec sa bicyclette n’a pas supporté l’impatience de nos semblables, inquiets de rater le train qui ne passe que toutes les demi-heures !

Plutôt que d’enrichir les fabricants de portillons, nos élus devraient songer à la création d’une « taxe transport en commun », sur le modèle de la « taxe ordures ménagères » et nous laisser circuler librement !

Nous abandonnons enfin nos contrariétés au rythme de la rame et du paysage qui défile : le bitume et le béton, la fausse brique et le verre, les maisons en meulière et les premiers cerisiers. Leurs fleurs explosent comme des feux d’artifice.

À l’entrée du jardin, les deux gros cerisiers n’ont pas encore ouvert un seul de leurs bourgeons. Sans doute est-ce dû à la fraîcheur et à l’humidité de la vallée de la Juine. Tant mieux, on ne sait pas ce que réserve ce printemps si soudain. L’année dernière nous étions sous la neige !

La mâche d’Etampes est, quant à elle magnifique et nous nous réjouissons de la bonne salade que nous partagerons ce soir avec des amis. Nous avons semé les graines très tard, début octobre. Elles ont tout juste germé puis les plants ont végété. Ce sont ceux qui, déplacés sous le châssis en décembre, ont poussé le plus vite. Mais, à l’abri ou à l’extérieur, il a fallu attendre que les jours rallongent début février pour que la pousse reprenne. D’ici deux semaines, nous aurons la mâche du dehors.

- La mâche -

Enfin, la terre est moins trempée et nous pouvons créer un chemin en diagonale de l’entrée jusqu’à l’aubépine où nous avons laissé un endroit herbeux pour déjeuner à l’ombre. Pour créer des espaces différemment ensoleillés, nous créons de nouvelles buttes perpendiculairement à celles déjà existantes : du nord-est au sud-ouest.

Les violettes commencent à fleurir. Ma savante Flore forestière française m’indique que leurs graines sont disséminées par les fourmis. Le lamier pourpre, et la véronique fleurissent aussi. Une autre petite plante attire notre attention : petites fleurs blanches, tiges à section, feuilles compliquées (photo du haut). J’ai beau chercher dans mon livre, impossible de trouver son nom.

Dimanche, en me promenant sur le boulevard Voltaire, je découvre cette même fleur au pied d’un marronnier. Je l’ai cueilli et dans Sauvage de ma rue, un petit livre des plantes urbaines les plus courantes, classées par couleur, je l’ai trouvée. La Cardamine hérissée, de la famille des crucifères (comme les choux) vient du grec « kardamon » qui veut dire « cresson ». Jamais, je n’aurais pensé que cette petite salade amère pousse sur les trottoirs parisiens…Nous goûterons la semaine prochaine, celles qui poussent dans le jardin.


Samedi 1 mars 2014

Le mystère de l’inconnue du trottoir

Il y a du soleil - et des jonquilles !

Premières fleurs de jonquilles ! Là, sur la bordure au nord, trois corolles jaunes tout juste ouvertes. Çà et là, des tiges boursouflées, qui promettent une belle floraison la semaine prochaine.

Comme il a de nouveau plu ce matin, la terre est détrempée et nous devons encore différer le remue-ménage des buttes, pourtant utile à l’amélioration de l’ensemble du système. Cela nous donnera encore un temps de réflexion. En absence de moteur à essence pour agir, mieux vaut réfléchir avant de se lancer.

Des feuilles minuscules se forment sur les framboisiers. L’activité du jour s’impose.

Filer jusqu’à notre ancien jardin à quelques kilomètres récupérer ce qui peut l’être. Nous attrapons la fourche bêche, quelques pots vides et nous mettons en route. Des six framboisiers, un seul est encore debout et a produit plusieurs repousses. Le cassissier et le groseillier portent des bourgeons prometteurs. Du côté des fraises, l’anarchie règne. Faute d’entretien, les fraisiers ont marcotté comme ils ont pu. Certains, dont les feuilles présentent des taches brunes, semblent malades. Au milieu de cette jungle herbeuse, nous parvenons à récupérer une dizaine de jeunes plants aux feuilles tendres. Nous installons le tout dans les sacoches de nos vélos et repartons dans l’autre sens.

Les fraisiers cultivés, plusieurs centaines de variétés, viennent tous d’un croisement entre Fragaria virginiana, originaire du Canada et Fragaria chiloensis rapporté du Chili, à la grande époque des voyages botaniques, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Notre fraise des bois européenne n’y est pour rien. Nous avons quelques pieds de cette fraise minuscule et fragile. Elles poussent déjà à mi-ombre près du chêne. Je décide d’installer ses cousines à proximité, sur une butte. L’intérêt des buttes est de drainer l’eau de pluie au printemps et d’éviter la pourriture des racines. La terre s’y réchauffe plus vite et se compacte moins. Dans je mets une pelletée de compost et une fois l’opération terminée, je recouvre le tout de feuilles. Toute cette attention devrait leur plaire. Les jours rallongent et le soleil est du soir. Nous nous attardons jusqu’à l’heure bleue. Le froid, quand on pédale vers la gare, se fait sentir sur le bout des doigts. Dans un geste un peu dérisoire, avant de partir, j’ai recouvert la ciboulette de feuilles mortes… Au cas où le gel surviendrait !


Samedi 22 février 2014

Un trésor végétal pour éloigner les insectes

Après la pluie, le beau temps ! Je ne regrette pas d’avoir dormi jusqu’à 10 h. Comme dans le dicton, nous arrivons sous le soleil, mais devons louvoyer entre les flaques d’eau du chemin jusqu’à notre jardin. Les chatons du saule des oliviers, à peine sortis, encore humides, ressemblent à de petites gouttes glacées accrochées aux jeunes rameaux.

Aux habitants du sous-sol, se sont jointes cette semaine plusieurs espèces d’oiseaux : le pic noir tambourine dans le bois en face, une tourterelle roucoule…Est-elle seulement partie ? Une mésange zinzinule et, plus étonnant à cette saison, un pinson tout près de nous chante discrètement.

La terre est trop humide. Impossible à travailler ! Autant allez faire un tour. Sur un talus au bord le la route, j’ai cru voir en passant des pousses de tanaisie (Tanacetum Vulgaree). En septembre dernier, elles balançaient leurs capitules jaunes très serrés au bout de tiges longues de plus d’un mètre, habillées de feuilles délicatement découpées. L’odeur de ces dernières dénonce la plante, une odeur si forte qu’elle éloigne de nombreux insectes dans un jardin. Elle fait partie de la liste des plantes aromatiques du capitulaire De Villis vel curtis imperii, dans lequel Charlemagne édicte un certain nombre de recommandations concernant l’entretien des jardins royaux. Elle a en effet des propriétés très utiles pour protéger les plantes potagères : elles éloignent les doryphores (insectes) des pommes de terre, évite le mildiou (champignon) sur les tomates, attire les pucerons qui pendant ce temps laissent les rosiers tranquilles. Nous verrons à l’usage !

Ce qui m’intéresse le plus ce sont ses propriétés répulsives contre les tiques. Quand ces bestioles forestières peu sympathiques envahiront le jardin en été, nous aurons à portée de main des feuilles pour se frotter les poignées, la nuque et les chevilles.

Nous partons avec la bêche fourche et un pot voir de plus près ce talus. Nous rapportons trois pieds de tanaisie que j’installe sur une butte un peu à l’écart du potager, pour l’instant. En glanant la tanaisie, nous avons aussi ramassé des pissenlits, les premiers tout tendres et dîné de cette délicieuse salade avec une sauce aux anchois !


Samedi 15 février 2014

Ode discrète au ver de fumier

Les heures dans le jardin sont comptées avant que le printemps n’arrive. Déjà, les semis de rhubarbe, frêle plantule aux tiges rouges et feuilles vert éclatant mises en terre à l’automne, font leur retour timide. C’est une belle découverte car j’avais l’impression que les limaces les avaient dévorées...

En prévention, je protège la feuille encore fripée d’une petite cage en fer fabriquée pour un dahlia qui a succombé aux attaques des gastéropodes. Les feuilles des jonquilles commencent leur ascension verticale vers la lumière ; La ciboulette aussi, au milieu de l’herbe qu’il faut dès maintenant enlever pour se prémunir de l’envahissement.

Aura-t-on le temps pour les dernières plantations d’arbustes ? En plus du pommier, des deux noisetiers et des trois boutures de cassis, je voudrais rapporter des pieds de framboisiers et de groseillers de mon jardin précédent : une petite langue de terre prêtée par un couple de septuagénaires du village voisin. Nous l’avions dégotée en 2010 sur le site « savez-vous planter chez nous » qui met en relation des propriétaires de jardins et des jardiniers sans terre. J’y ai mis en pratique mes 25 ans de lecture de la revue Les 4 saisons du jardinage.

Dans ce nouveau jardin, nous avons plus de liberté pour faire nos premiers pas en permaculture. C’est à la ferme du Bec Hellouin, en Normandie, que j’ai découvert comment créer un jardin qui s’inspire de la nature.

A cette saison, dans la nature, c’est le sol qui est important. La vie microbienne et l’activité des vers de terre sont à leur maximum. Les feuilles de chêne répandues sur les buttes se sont ramollies avec les pluies et comme dans la forêt proche elles sont peu à peu digérées, formant un complexe argilo-humique favorable au développement de la végétation.

Dans les bacs à compost, une autre espèce de ver de terre est à l’œuvre, le ver du fumier (Eisenia foetida), qui vit de la décomposition des végétaux. Ils sont très nombreux, à moins de trente centimètre sous la surface du tas. Je les découvre en enfouissant les épluchures de légumes de la semaine, rapportées à vélo.

Pour m’éviter de traverser les écuries avec ma brouette, le responsable du centre équestre m’a gentiment déposé devant la porte du jardin un tas de fumier. Dedans, pas de vers, mais de grands filaments blancs, comme du mycélium de champignons. J’en remplis tout un casier à compost en prévision de l’année prochaine. Comme il en reste, j’en dépose au pied d’un rosier qui pousse à l’entrée et sur l’allée centrale du jardin, avec l’espoir que cette couche épaisse prive de lumière la végétation coriace. J’y sèmerai plus tard du trèfle blanc.


Samedi 8 février 2014

Planter sous la pluie… sur l’air de « Singing in the rain »

Aujourd’hui, il pleut. Tant pis, nous y allons quand même. J’ai rangé toutes les graines hier et les ai classées par dates de semis. Et j’ai emporté les graines d’épinard. Sur les vitres du RER, les gouttes de pluies tracent des lignes translucides de plus en plus rapidement. La journée s’annonce humide ! Une accalmie nous permet de rejoindre le jardin. Mais une fois rendus, la pluie reprend de plus belle. Nous nous abritons sous nos chers thuyas ; acides, mais aussi efficaces qu’un parapluie anglais. Le parpaing qui sert de chauffage d’appoint est aussitôt mis en route et les lentilles - cette fois assaisonnée d’oignons citronnés - sont mises à réchauffer.

Nous regardons le ciel et les nuages qui filent. Le vent a balayé les feuilles mortes sur les buttes et la terre est à découvert, battue par les gouttes d’eau qui tombent en rafales. Trois quarts d’heure plus tard, la pluie s’arrête et le soleil reprend le dessus.

J’entame un tour du jardin : sous le châssis, la mâche a bien profité des jours qui rallongent. Les poireaux se sont remis des misères faites par les affreuses mineuses.
Je cherche un endroit sur les buttes, entre la roquette, la ciboulette, les betteraves, les poirées, les poireaux et les carottes, pour semer les épinards.

Finalement, je décide de nettoyer le coin des carottes. Les fanes se sont rabougries et elles ne poussent plus. Nous les avons laissées en place car elles se conservent mieux là que dans le bas du frigo. Nous en ramassons deux bons kilos. Et coupons quelques feuilles de roquette, qui en cette saison ne souffre de la voracité d’aucun insecte et autre gastéropode : même les limaces se sont retirées pour hiberner.

Je redessine la butte au râteau, enlève les racines de mouron des oiseaux et d’herbe, effrite à la main la terre et la mélange à notre premier compost « maison ». Puis, je trace un sillon de deux centimètres de profondeur dans lequel je place une à une les graines d’épinards. Je referme le sillon et tasse la terre avec la main. Je recouvre le tout d’une couche de feuilles… Il n’y a plus qu’à attendre.

À l’autre bout du jardin, mon compagnon a repris la bêche pour poursuivre son travail méthodique de creusement de la mare. Boue ou pas boue, il faut que ça avance, et les pelletées, quand c’est mouillé, ça pèse !


Samedi 1 février 2014

De l’art de faire une mare

Sur la ligne C du RER (Réseau express régional), ce matin, l’ambiance est électrique. Nos vélos ne sont pas les bienvenus et nous peinons à trouver un point d’équilibre pour nos trois bicyclettes sur la plate-forme de circulation ; œillades malveillantes et gestes d’impatience sont au rendez-vous…. Ah, la foule ! Dommage en tout cas que cette nouvelle rame du RER n’ait pas prévu d’espace pour accueillir les petites reines, comme dans les trains express régionaux (TER) de province !

Le voile brumeux s’est dissipé. Une lumière froide hivernale accompagne notre route jusqu’au jardin.

Nous avons finalement démarré le chantier de la mare, là où nous imaginions qu’il y en avait une dans le passé, parce que le terrain y marque un creux prononcé. C’est un bon endroit, au plus haut point de déclivité de notre jardin. Elle pourra recueillir les eaux de ruissellement provenant de la prairie en surplomb et permettra d’arroser quelques semis exposés bien au sud.

Avec sa bêche, mon compagnon a tracé ses contours, assez sinueux pour augmenter la surface de berges propices à l’accueil de nombreuses espèces végétales et animales. Puis, méthodiquement, il a découpé une bande de la largeur de la bêche et commencé à enlever la terre, pelletée après pelletée, bande après bande. À la fin de la journée, près d’un mètre cube de terre forme un tas à proximité.

Nous recouvrons de feuilles de chêne cette précieuse terre de surface, la plus riche en matière organique. Nous avons pris soin de laisser suffisamment de place au bord pour réaliser des contreforts à l’aval avec la terre que nous décaisserons encore, lesquels permettront d’égaliser le niveau des bordures tout en les rehaussant, réduisant ainsi la nécessité de creuser plus.

En effet pour que la vie puisse s’installer, disent les spécialistes, une mare doit avoir une profondeur minimale de quatre-vingt centimètres sur au moins trois mètres carrés. Mais comme il faudra remettre une trentaine de centimètres de terre sur la bâche d’étanchéité et qu’une couche de vase de vingt centimètres viendra naturellement tapisser le sol, il faudrait en théorie creuser jusqu’à au moins un mètre trente de profondeur !

Nous y planterons du nénuphar blanc, de l’achillée millefeuille, du plantain d’eau, des espèces natives du bassin parisien dont on peut trouver des graines ou des plants. Pour les autres, elles viendront avec le vent ou les oiseaux des berges de la Juine, douce rivière qui coule à quelques centaines de mètres en contrebas et qui nous amènera sans doute, si l’on patiente, libellules et crapauds.


Samedi 25 janvier 2014

Les ronces reculent

Voici bientôt un an que nous prenons soin de ce petit lopin de terre. Petit à petit, les ronces qui avaient tout envahi reculent. Nous enlevons encore de grosses racines (photo ci-dessus) sans pour autant chercher à les supprimer toutes. On veut seulement les contenir, éviter que les tiges de deux ans qui ont donné des fruits ne se lancent à la conquête du sol où elles vont fabriquer de nouvelles racines : marcotter, disent les jardiniers pour qualifier cette faculté que les plantes ont à assurer leur survie, même en l’absence de graines !

Nous en avons palissé quelques pieds le long de la clôture ; les mûres sont des baies délicieuses pour les oiseaux et aussi pour nous. Ailleurs, le passage de la faucille suffit à les tenir en respect et épuise petit à petit leurs racines.

Nous avons maintenant une surface disponible pour le potager de plus de 100 mètres carrés, soit deux fois plus que l’année dernière. Nous allons réorganiser les buttes de culture et les cheminements pour créer différents micro-climats en jouant sur leur orientation par rapport au soleil, au vent du nord-est qui arrive en tourbillons à cause, sans doute, de la barrière des thuyas au nord. L’ouest est mieux protégé, notamment grâce à la présence du saule des oliviers.

C’est sans doute l’ensoleillement qui est le plus difficile à appréhender : l’an passé nous n’avons eu que très peu de potirons, courges, concombres et courgettes. Ils ont manqué de soleil, à cause de l’ombre portée d’un chêne et d’un frêne qui plongeait nos cucurbitacées dans l’ombre à partir de 16 h ! Avouons que nous aurions pu nous en douter...

Tandis que nous pédalons vers la gare, je pense à l’étendue de mon ignorance..., ce qui est plutôt bon signe, et me dis que seules les observations et l’action réfléchies pourront l’atténuer.


Samedi 18 janvier 2014

Bienvenue à l’utile hérisson

Dans le RER du retour, nous nous sommes laissés gentiment bercer sur la banquette, ivres d’oxygène et de fatigue. Notre sensation était celle du retour au chalet après une bonne journée de ski. Il faut dire que nous n’avons pas ménagé nos efforts pour nettoyer ce qui devrait être l’emplacement d’une future mare. Des amis nous accompagnaient et toute cette énergie rassemblée nous a permis en deux heures de ramasser les branches mortes et les feuilles qui s’étaient amassées dans ce creux d’une douzaine de mètres carrés. Lors d’un prochain chantier, nous pourrons commencer à extraire les 6 mètres cubes de terre et créer une petite zone humide. Léonie a déjà vu un crapaud à cet endroit.

À vrai dire, plus que l’effort de creuser, c’est de ne pas savoir quoi faire de cette terre qui nous a pour l’instant retenus. Nous aimerions bien pouvoir l’utiliser pour faire les murs d’une cabane pour les outils, le hamac et la boîte d’allumettes. Mais elle est trop sableuse pour en faire du torchis ; tout risquerait de se déliter à la première pluie…Cela demande encore à être réfléchi.

Pour l’heure, nous allons construire une autre cabane, celle-là destinée au hérisson. Si si… Avec une cagette en bois opportunément récupérée chez un commerçant du village. Nous avons choisi de l’implanter le long de la clôture du jardin, parmi des ronces et des herbes. La cagette a été mise à l’envers sur un tapis de feuilles de chêne bien sèches, en ménageant un conduit pour l’entrée. Puis, nous l’avons recouverte avec le sac du terreau utilisé pour les semis de 2013, évitant ainsi que l’eau ne s’infiltre. Nous avons fait disparaître l’ensemble sous des fagots et des feuilles. Avec ce que nous avions ramassé dans la future mare, c’était vite fait.

Un hérisson près du potager pourrait utilement venir en aide aux orvets que nous avons surpris sous la paille au début du printemps dernier pour contenir les populations de limaces. Le hérisson aime les insectes et les araignées, mais il a une préférence pour les limaces, les vers de terre et les larves car elles lui permettent d’emmagasiner de l’énergie sans en dépenser inutilement à broyer des carapaces.
Sans doute est-ce un peu tard pour offrir un gîte à ce petit mammifère qui hiberne dès la fin de l’automne. Mais ne soyons pas pessimistes. La température ne baisse guère malgré l’hiver déjà avancé et les limaces se goinfrent avec les feuilles des côtes de bettes qui poussent au ralenti à cause du faible ensoleillement.


Samedi 11 janvier 2014

Le rêve de la forêt-jardin

En plus du pique-nique, du sceau à compost et des petits outils de jardin qui ne restent pas dehors, nous emportons sur nos vélos les fragiles boutures de cassissiers offertes par une amie. Des tiges provenant d’un de ses arbustes que nous avons soigneusement emballées dans un papier journal. Elles attendent depuis plusieurs semaines dans un vase rempli d’eau, posé sur le bord de la fenêtre et ont eu le temps de développer des petits bourgeons et des belles radicelles toutes blanches.
Le temps est doux, juste humide, idéal pour les mettre en terre. Ces trois cassissiers vont venir étoffer notre jardin-forêt en devenir.

Le jardin-forêt est de toutes mes lectures le concept qui m’inspire le plus. L’idée vient des forêts-jardins des peuples premiers qui cultivaient des plantes comestibles à proximité de leurs habitations. Elle a fait son chemin un peu partout dans le monde. Et dans les années soixante, un fermier anglais Robert Hart a créé une forêt comestible en climat tempéré sur 500 m2 de sa ferme. Il est parti de l’observation de la forêt naturelle et de son cycle pour enrichir son verger de plantes comestibles et capables d’occuper les sept étages de végétation : arbres fruitiers poussant librement (la canopée), arbres sur portes greffe nains, arbustes fruitiers, légumes-feuilles et herbes vivaces, plantes qui se propagent horizontalement et couvrent le sol, plantes qui produisent des tubercules et des racines comestibles et enfin, plantes grimpantes.

- Les sept strates végétales -

Il a aussi expérimenté les associations de plantes, le recyclage sur place de la biomasse produite, en paillage ou en compost, ainsi que la fabrication de jus fortifiants à base consoude ou d’ortie pour les plantes plus fragiles.
Cette façon de produire des plantes comestibles en conservant un sol vivant et une riche biodiversité me semble aller de soi. Ce terrain en bordure et forêt et nos modestes disponibilités actuelles pour nous rendre au jardin sont une invitation à privilégier des plantes vivaces ou des plantes qui se ressèment d’une année sur l’autre, et de les organiser de telle manière que chacune dispose de la lumière dont elle a besoin.


samedi 4 janvier 2014

On a dérangé les fourmis rouges

Le temps est doux. Nous pédalons dans la côte qui mène de la gare au jardin. Le bruit de nos pédaliers résonne dans le silence de ce 6 janvier. Les maisons qui bordent la route sont encore endormies. Le soleil peine à s’élever au-dessus de la colline. Nous découvrons le temps magnifique une fois au jardin. Une atmosphère presque printanière, alternant soleil et nuages chargés d’eau qui filent dans le ciel et occasionnent quelques averses !

Nous reprenons le rituel hivernal : arroser le compost desséché par le vent, apporter des feuilles mortes glanées à proximité et bêcher la terre qui ne l’a pas encore été pour enlever les racines de ronces et les touffes de chiendent. C’est quelques fois source de catastrophe ! Il y a quelques semaines nous avions réveillé les escargots. Cette fois la bêche a sectionné une fourmilière. Des fourmis rousses d’à peine cinq millimètre de long s’agitent en tout sens, totalement déboussolées, tandis que les œufs de la reine gisent éparpillés, minuscules, sans aucune protection ! Et qu’est devenue la reine ?

Leur nid compact, d’à peine 20 centimètres de diamètre, est enterré à quelques centimètres sous la surface. Il n’est sans doute qu’une des chambres d’un réseau de galeries beaucoup plus important, qui s’étend sous une bonne partie du jardin. Je me souviens avoir vu ces fourmis s’affairer dans les buttes de culture aux beaux jours. Elles nous taquinaient les mollets ! A quelle espèce peuvent-elles bien appartenir ? Il en existe un si grand nombre - douze mille à travers le monde - que nous hésitons à la nommer. Nous optons finalement pour la myrmica rubra, une des plus répandues et dont la description de l’habitat correspond à notre découverte. Nous remettons au mieux la motte, ajoutons dessus une bonne pelletée de feuilles et leur souhaitons bonne chance.

Photo fourmi : Myrmeco Fourmis.


Samedi 14 décembre

On a planté un noisetier et libéré le frêne

Nous avons planté notre premier arbre. Un noisetier d’un mètre de haut qui depuis plusieurs mois attendait à l’ombre, dans un pot, de perdre toutes ses feuilles. La motte a été mise en terre avec délicatesse et la terre de surface a servi à colmater l’espace entre celle-ci et le trou que nous avions creusé pour l’y mettre. Puis nous avons aéré tout autour en plantant la fourche bêche avec des mouvements avant- arrière.

On l’a placée le long du grillage ouest, entre le saule des oliviers et un frêne, à la place d’un rejet de cerisier. Cela fera un coin bien ombragé en été, plus tard….

Le reste du grillage ouest est occupé entre autres par une vigne qui doit avoir l’âge du potager. Encore faudrait-il connaître son âge ! Ici tout semble avoir été bâti ou créé dans les années cinquante. En témoignent les deux poteaux coiffés de toits à deux pentes en ciment qui tiennent la claie à l’entrée du jardin, devant laquelle poussent deux magnifiques cerisiers.

Les propriétaires du lieu nous ont dit que le jardinier n’était plus venu depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Cette vigne noueuse donc, nous l’avons crue morte l’hiver dernier après l’avoir repérée sous les ronces ! Mais, à la suite d’ une bonne taille, elle est repartie cet été avec ardeur. Pour avoir des fruits, il faut couper les pousses de l’année après le deuxième œil ! Voilà qui est fait.

Le kiwi qui a été planté à côté de la vigne, toujours à l’ouest, n’a trouvé pour s’accrocher qu’un frêne venu là tout seul. Ils ont poussé ensemble, si bien que les longues branches du kiwi se sont enroulées autour du frêne qui en a beaucoup pâti. Maintenant que nous l’avons taillé - avec l’espoir de quelques fruits -, l’une des tiges est comme une liane a laquelle on peut se suspendre. Elle fait le bonheur de Léonie, et le frêne a recouvré son indépendance.


Samedi 7 décembre

Le gland avait la tête en bas

Sous le petit crachin parisien de ce samedi, nous nous sommes mollement mis en route pour attraper le train de 11h30. Surprise, une fois arrivés, le temps s’est découvert et un rayon de soleil est venu accompagner notre déjeuner.

Une soupe est réchauffée sur un petit feu de bois que nous improvisons dans le creux d’un parpaing trouvé sur place. Posé sur deux bûches et rempli de feuilles et de petit bois mort, il est aussi efficace qu’une bonne cheminée : il a suffi d’une allumette sous les feuilles, et une flamme a jailli aussitôt.

Je regarde la fumée s’envoler vers l’ouest. Nous sommes protégés du vent du nord par la rangée des thuyas mais à l’est, c’est plus ouvert. Il faudra voir comment contrôler ce vent sans pour autant priver les plantes du soleil du matin.

La végétation de cette fin d’automne s’endort doucement, tardivement même. Les arbres, pour beaucoup, n’ont pas complètement perdu leurs feuilles. Je pars faire un tour dans le bois tout proche.

Le talus du chemin est tapissé d’une jolie petite mousse, un assemblage géométrique de petites feuilles vertes très découpées, comme des feuilles d’astéracées : il s’agit du polytric élégant, qui nous signale les talus siliceux et les sables acides. Cela confirme notre pressentiment quant au caractère acide de notre terre de jardin qui freine le travail des bactéries. Et nous rappelle que nous devons faire une analyse du pH (« potentiel hydrogène », une mesure du caractère acide ou basique d’un milieu).

Je vais pour caresser de ma main cette matière fraîche et humide et je tombe avec surprise sur un gland, la tête en bas. Je le prends délicatement et découvre à l’autre extrémité une petite radicelle, comme sur les cassissiers que j’ai mis en terre la semaine dernière.

À l’abri des regards, l’automne prépare le printemps. Il faudra que je revienne en mai voir ce qui est advenu de cet espoir de chêne.


Samedi 23 novembre

Automne, radicelle et chêne en devenir...

Il faut bien un peu de piment de temps en temps sur cette ligne de RER - la C - dont la réputation d’irrégularité n’a rien à envier à la ligne B ! Voilà, samedi matin, on a couru acheter un câble de frein pour le vélo de ma fille Léonie, réparé ledit frein et pédalé sans mollir jusqu’à la gare d’Austerlitz. Arrivés là, nous avons découvert qu’il n’y avait pas de train de la journée pour cause de travaux sur la ligne.

Pas de train, pas de jardin !

Nous sommes rentrés à la maison, dépités de ce contretemps. Le froid sur nos joues nous a vite requinqué. Qu’à cela ne tienne, nous allons nous occuper des piments.
Dans le jardin, pousse un coquet petit buisson - il atteint maintenant quarante centimètres de haut - qui n’était qu’un petit plant de piment quand nous l’avons acheté. C’était aux journées portes ouvertes de l’Ecole du Breuil, haut lieu de l’enseignement horticole et paysager, située dans le bois de Vincennes, à côté de Paris.

Le petit plant n’avait plus son étiquette et je n’ai pas su son nom. Depuis septembre, il produit des fruits ronds de la taille d’une grosse cerise, qui rougissent vifs. On en a rapporté chaque semaine depuis octobre. Le samedi précédent nos mésaventures de RER, nous avions ramassé les fruits qui restaient au jardin, car ils n’auraient pas supporté les températures qui descendent maintenant en dessous de 5°C. Ils étaient encore verts et nous leur avons appliqué la même recette de grand-mère que pour les tomates, en les mettant a l’abri de la lumière dans un sac de papier kraft, sur le plan de travail de la cuisine. Bingo !

En moins d’une semaine, les voilà d’un beau rouge carmin. Réduits en purée et mélangés à part égale avec du gingembre frais et du gros sel, le tout noyé dans l’huile d’olive, ils deviennent un condiment qui donne aux potages d’hiver une saveur torride et plein de vitamine C. En cherchant sur Internet, j’ai trouvé son nom : c’est un piment boule de Turquie, originaire du Mexique. On fera quelques petits pots à offrir pour Noël.


Samedi 16 novembre

On va ramasser plein d’oseille

Les poireaux ont subi une attaque sérieuse. Dans la précipitation et l’affolement de voir toutes ces pupes accrochées à leurs feuilles, j’ai arraché la moitié de notre production et n’en ai pas récupéré grand chose. Une fois les feuilles touchées retirées, les fûts n’étaient pas plus épais que lorsque je les ai repiqués en juillet ! J’ai décidé de laisser les autres en place. Je suis curieuse de savoir s’ils vont repartir au printemps et d’ici là j’aurai le temps d’étudier un peu mieux comment faire avec la mouche qui les mine !

Ce week-end, nous avons chargé sur nos bicyclettes quelques victuailles pour rester le week-end dans le petit gîte du village. Nous avons fait une bonne soupe avec quelques poireaux, des carottes, un potimarron et des pommes de terre qui avaient échappé à la bêche et que j’ai retrouvé en aérant le sol avec la grelinette.

Dimanche matin, sous un ciel laiteux et par une tempéraure de 3° C, j’ai ramassé une belle botte d’oseille. Au sommet d’un poteau de béton, un rouge-gorge prenait le frais.
Tous les livres et autres blog de jardinage indiquent que l’oseille est une culture facile. Ouf ! avec une telle pression livresque, heureusement que l’on a réussi nos semis.

Nous avons mis les graines à même du fumier de cheval, car jeunes débutants, nous n’avions pas de compost.

En été, l’oseille prend un peu l’ombre de l’églantier vers midi et du frêne l’après-midi. À l’automne, la courbe du soleil baigne de lumière ce petit carré. Elle est si contente et productive, que nous l’avons finalement un peu négligée.

Le paillage de l’été a fondu et avec les douces températures d’automne, le chiendent était en train de l’étouffer. J’y ai mis un peu d’ordre et apporté une bonne couche de feuilles pour protéger les pieds du froid. Avec quelques planches et une vitre, peut-être pourrons-nous, comme les maraîchers parisiens du XIXe siècle, obtenir encore quelques bouquets acidulés pour nos soupes hivernales.


Samedi 9 novembre

La terrible lutte entre la mouche et le poireau

- Phytomyza gymnostoma -

La météo annonçait une nouvelle journée de pluie. Mais un soleil blanc filtre à travers les nuages. Cela ne s’annonce pas bien pour les semis de mâche qui peinent à sortir de terre. Celle-ci, humide, colle aux bottes. Elle est ici composée de sable et de limon, avec peu d’argile. Pour le savoir, nous avons carotté le sol sur une dizaine de centimètres et avons mis la terre recueillie dans un bocal transparent avec de l’eau.

48 h plus tard, trois couches bien distinctes séparaient le sable, le limon et l’argile. Leur épaisseur respective nous a permis de connaître la composition de notre terre.

Je fais un tour rapide dans le jardin et m’arrête devant le compost. À ma grande surprise, en dépit des pluies importantes des derniers jours, la surface est sèche.

J’inspecte avec la fourche : trop de tiges de ronces et de brocolis, trop d’herbes sèches ! J’enlève ces apports récents, coupe les tiges en petits bouts, verse un arrosoir d’eau, ajoute les épluchures de légumes de la semaine, remets encore des petits branchages, arrose encore. Sans humidité et sans air, pas de bonne fermentation !

À l’abri des thuyas, je n’ai pas senti la pluie arriver. Et voilà qu’elle tombe à verse.

C’est foutu pour cette semaine. Je coupe un peu de roquette et attrape la bêche fourche pour sortir quelques poireaux. Je tire sur le poireau, le vert me reste dans les mains, le suivant pareil. Je vois qu’il est lacéré. Je creuse un peu pour sortir sa partie blanche. On dirait des crottes de souris.

L’averse s’installe pour de bon. J’enfile ma cape de pluie, déterre une dizaine de pieds en plongeant bien la main dans la terre pour sortir le poireau en entier. Catastrophe, tous sont touchés par ces « crottes » un peu rougeâtre. Ce sont en fait les pupes d’une petite mouche grisâtre - Phytomyza gymnostoma – arrivée d’Europe de l’Est, il y a une dizaine d’année. Elle sort de cette cachette en avril-mai, puis en août-septembre et pond sur les feuilles des poireaux. C’est sa larve jaune pâle aux allures d’asticot qui creuse des galeries de la feuille jusqu’à la base du légume. La mineuse du poireau porte bien son nom !


Samedi 2 novembre

La consoude officinale, une alliée bienfaisante

Un petit malin a crevé la roue avant de mon vélo hier soir et je n’ai pas eu le temps de m’en occuper. Tant pis, je prends un Velib’ jusqu’au RER et j’irai à pied au jardin. J’arrive bientôt. La fraîcheur et l’humidité du sous bois distillent les parfums de l’automne.

Les feuilles que nous avons déchargées par brouette la semaine dernière, qui formaient une couche épaisse d’une dizaine de centimètres, sont réduites à une fine pellicule brillante. La petite faune du sol n’en fera qu’une bouchée.

Nous poursuivons notre nettoyage des ronces, mais le temps pluvieux ne nous permet pas de rester très longtemps. Les poireaux poursuivent leur lente croissance. Le grillage posé autour de deux des quatre pieds de côtes de bettes s’avère assez efficace contre les limaces peu habiles à se déplacer sur un fil de fer.

L’été dernier, nous avons découvert une plante que nous ne connaissions pas, comme beaucoup d’autres. Mais celle-ci poussait partout. Un mètre de hauteur, des feuilles rugueuses mais généreuses et des fleurs jaunâtres - des clochettes tubulaires organisées en corolle, à la manière des primevères. Renseignements pris, cette plante est une consoude officinale (Symphytum officinale) et une alliée bienveillante du jardin. Ses racines profondes remontent du sous-sol jusque dans les feuilles, des minéraux très utiles aux plantes potagères : du bore, du cuivre, du fer, du manganèse, du zinc ainsi que de l’azote, du phosphore et de la potasse.

C’est en fait un formidable engrais naturel et nous avons pris l’habitude de laisser les feuilles coupées sur les buttes de culture. Avec le temps, elles s’incorporent à la terre et peuvent alors nourrir les légumes.

Pas seulement ! Plongées dans une pâte à crêpes de sarrasin et frites dans une bonne huile d’olive, les feuilles de consoude sont un met délicieux, qui rappelle la sole ! Grâce à sa présence, nous ne revenons jamais bredouilles.


Samedi 26 octobre

Zut ! on a réveillé les escargots

Le chemin de terre qui conduit au jardin est détrempé et glissant. L’air est chargé d’humidité et il souffle un vent tiède qui fait onduler les frondaisons des arbres. Les feuilles tombent en masse sur l’herbe verte et haute de la prairie. Les semis de mâche, eux, peinent à sortir. Quelques plantules minuscules ont pour l’instant survécu au déluge...

De nos plantations du printemps, il ne reste plus grand chose à ramasser : un brocoli, le seul vraiment réussi sur les dix pieds semés en mai, un dernier chou-rave, quelques pommes de terre accessibles maintenant que nous avons démonté les bambous qui servaient de tuteurs aux haricots phénomène, un potimarron, quelques feuilles de menthe, des piments.

Nous pouvons laisser les poireaux, les blettes et les carottes qui profiteront peut-être encore du soleil d’automne.

L’après-midi est consacré au nettoyage. Jean-Marie taille les branches basses des thuyas pour permettre à la lumière d’entrer et à la végétation de s’installer, enlève les branches mortes du saule des oliviers. Pour le kiwi et la vigne, trouvés au printemps sous les ronces, il faudra attendre encore un peu que la sève redescende.

Les ronces, justement, restent une préoccupation majeure ! La pluie a bien ramolli le sol et c’est un bon jour pour limiter leur propagation. Les pieds que nous avions négligés au printemps ont produit des tiges allant jusqu’à près de deux mètres. Certaines sont allées prendre racine un peu plus loin.

Je nettoie la clôture extérieure du jardin, laissant quelques pieds palissés sur le grillage, comptant sur une récolte de mûres à l’automne prochain. Zut, avec la grelinette, j’ai malencontreusement sorti de leur cachette des escargots énormes. Ils avaient déjà fermé la porte pour l’hiver ! Doucement je les remets sous la terre. Pour finir, nous ramassons quelques brouettes de feuilles qui vont permettre de couvrir la terre à nu du carré de pommes de terre et la bordure où hibernent les escargots. En mars, on leur sèmera des salades !


Samedi 19 octobre

Gare d’Austerlitz, jour de départ en vacances. Nous nous faufilons avec nos vélos jusqu’à l’ascenseur qui dessert le réseau express régional. Nous descendons, passons un à un par le sas, qui s’ouvre en compostant, et remontons sur le quai, juste à temps pour le train de midi.

Une heure plus tard, sous le saule des oliviers, nous déplions la nappe et déjeunons d’une salade de lentilles, radis, carottes, et ciboulette ajoutée sur place. Une tranche de pain de nos camarades anarchistes de Montreuil, de la tomme de brebis et une pomme.

Nous voilà requinqués, prêts à jouer de la bêche. Cette semaine, le temps est à nouveau très doux. Les haricots phénomènes, restés en place par manque de temps pour les récolter, se sont mis à refleurir et les coccinelles se promènent sur leurs tiges. Le froid peut revenir et nous avons prévu de ramasser les pommes de terre, car à une température du sol inférieure à 6° C, l’amidon du tubercule se transforme en saccharose.

La récolte commence. Sous chaque pied, que nous devinons car la plante a déjà fané, nous trouvons en fouillant la terre avec la bêche une grappe de tubercules. Nous ne connaissons pas leur variété, car nous avons mis en terre des patates de l’Amap des Trognons de la Nation qui avaient germé au fond du placard. Une belle récup !

J’ai toujours pensé que la mise en terre de tubercules, entiers ou coupés, était la seule manière de produire des pommes de terre. Et j’ai été bien étonnée de découvrir que les fleurs avaient donné des fruits. Des baies ressemblant à des petites tomates, qui renferment quelques centaines de graines minuscules...

Quelques recherches m’ont permis de découvrir que ces graines peuvent aussi produire des pommes de terre. Des expériences d’utilisation des vraies semences ont été encouragées dans le passé par le Centre International de la pomme de terre dans certains pays comme l’Inde, le Bangladesh et le Viêt-nam. Deux cents grammes de graines à l’hectare suffisent là où il faut planter deux tonnes de tubercules ! Mais à l’arrivée, les pommes de terre étaient trop différentes les unes des autres pour être commercialisées…Un peu comme celles que nous avons récoltées ! J’attends l’année prochaine pour voir si les petites baies laissées au sol produisent des pommes de terre.


Samedi 12 octobre

Le fantasme de l’urbain et les tomates imprévisibles

Nous sommes restés pour le week- end. De temps en temps nous décidons d’aller dormir dans un petit gîte voisin. C’est une expédition car il n’y a pas, à proximité, d’endroit où faire des courses. Tout doit donc tenir sur le vélo : les habits, les trois repas, le seau à compost et le sac de jardinage...

Il y a tout de même dans le jardin de quoi faire une bonne soupe : poireaux, carottes, pommes de terre. Allez, j’emporte deux navets de l’Amap, et nous voilà sur nos bicyclettes, direction le RER.

Les nuits ont été fraîches et le thermomètre est descendu a 6° C. Les tomates que les limaces avaient repérées n’ont pas survécu. Elle pendouillent tristement, sans vigueur, attachées à leur tuteur. La tomate du jardin, c’est le fantasme de l’urbain et la question que l’on vous pose quand vous lâchez dans un dîner que vous vous adonnez au jardinage. En Ile-de-France, dans un jardin visité une seule fois par semaine, il vaut mieux ne pas trop compter sur la tomate !

D’ailleurs, nos semis patiemment mis à l’abri sous le châssis n’ont rien donné, trop stressés sans doute par nos arrosages intermittents et les coups de chaud attrapés derrière les vitres. Les graines semées a la volée sur un coin de butte ont mieux réussi… chassez le naturel !

La variété "tomate de Sibérie", livrée à elle-même, a ainsi brillamment surmonté le printemps pluvieux et l’été caniculaire, nous ayant offert notre salade hebdomadaire depuis la rentrée. On ne peut pas en dire autant de la « cornue des Andes » qui n’a jamais réussi à mener son affaire jusqu’au bout.


Samedi 5 octobre

La vie de la forêt

De la gare du RER au jardin, nous pédalons un plus de deux kilomètres. La route passe à proximité d’un bois. Depuis un moment, je regarde une rue qui part vers la forêt et pourrait être un bon raccourci pour arriver à notre terrain. Nous le prenons. Ça monte un peu et sur le sol sableux ce n’est pas commode d’être en vélo. Mais quel plaisir ! « Regarde maman, il y a des châtaignes ».

Nous posons nos bicyclettes contre le fossé, attrapons une poche en papier - nous en emportons toujours pour les légumes - et ramassons les plus gros fruits tombés au sol. Une lumière douce pénètre le sous-bois. Nous roulons lentement dans la contemplation. Ici dans la forêt, la nature se régénère sans intervention : pas d’érosion, pas de perte de fertilité, pas de sol compact. Les fruits sont mangés par les animaux ou tombent au sol avec les feuilles et le bois morts, et font le festin d’une population souterraine microscopique impensable qui transforment ces « déchets » en nourriture pour les plantes.

Impensable ! Cette vie sous mes pieds que les microbiologistes ont classé en famille de vers de terre, acariens, bactéries, champignons, protozoaires et autres « odes » et « oles » sont des milliards. Pour la plupart, ils échappent à notre regard. La biodiversité se trouve là sous mes pieds. Ne dit-on pas que le sol est à la zone tempérée ce que la canopée est aux tropiques !

Avec ce temps doux et les pluies orageuses, les champignons ont poussé. Cela marque le début du grand recyclage de la nature dont ils sont des acteurs importants en éliminant les feuilles mortes et les résidus ligneux qu’ils transforment en terreau et en minéraux.

Champignons -

Cette promenade est bien inspirante. Je regarde les arbres qui ont poussé dans notre jardin pendant les quinze années où il était livré à lui-même : un charme, deux chênes, un saule, un frêne, deux aubépines. C’est avec eux que nous allons créer notre jardin nourricier. Au sol, entre poireaux et betteraves des petits champignons au chapeau caramel ont poussé. Chic, ici aussi la vie microbienne se déchaîne !


Samedi 28 septembre

L’art du compost

Chaque samedi, nous emportons dans les sacoches du vélo les épluchures des légumes que nous avons consommé pendant la semaine. Ces deux kilos hebdomadaires constituent un pactole de biomasse pour notre jardin. Ils sont un juste retour au jardin de la biomasse produite et non consommée et autant de déchets qui ne finissent pas à l’incinérateur d’ordures de Saint-Ouen ou d’Ivry-sur-Seine.

Au printemps dernier, quand nous avons réinvesti ce jardin, nous avons nettoyé les ronces qui l’envahissaient sur 60 m2 et patiemment, à l’aide d’une bêche, avons retiré une à une les racines– une sorte de hub végétal d’où la ronce tisse un réseau souterrain.

La création du compost a été notre premier chantier. Il s’est imposé au vu du tas que constituaient les racines et autres tiges des ronces. Il nous fallait un endroit pour les transformer en compost. Nous avons ajouté à ce tas et aux épluchures un peu de fumier de cheval provenant du centre équestre voisin. Sous une rangée de thuyas hauts de vingt mètres, le tas est à l’abri de l’eau de pluie et du lessivage. C’est important pour conserver les éléments minéraux qui viendront nourrir nos légumes.

Il nous est arrivé cependant de devoir l’arroser pour maintenir un taux d’humidité suffisant et permettre la décomposition des matières organiques. Nous l’avons aussi retourné. En dépit de notre application à mélanger des éléments azotés (qui viennent des végétaux verts) et carbonés (ceux qui sont bruns), nous ne sommes pas venus à bout des maudits bouts de ronces.

Ce n’est pas si grave, les vers à compost ont fait leur boulot et sont allés s’installer sur le nouveau tas juste à côté. Ça sens l’humus et pour couvrir les graines de mâche, d’épinard et de radis noir que nous venons de semer, c’est du grand luxe.


Samedi 21 septembre

Retour au jardin ce samedi avec un doux soleil de fin d’été. Les arbres sont encore très verts, ici, comparés aux platanes et des marronniers parisiens dont les feuilles commencent à tomber. Une amie, qui nous a accompagnés, découvre le jardin.

Nous marchons entre les buttes de culture. Ici poussent des poireaux, des carottes, des tomates et du basilic, là du brocoli dont les feuilles sont méthodiquement dévorées par des chenilles jaunes, vertes et noires. La piéride du chou est plus sympathique dans la nature que dans les livres de jardinage où elle est présentée comme une calamité. Délicatement, j’ôte une à une les chenilles, je n’ai pas tant de brocolis !

Sur les tiges grimpantes des haricots phénomènes - une variété de mangetout –, à nouveau des gousses charnues. Au sol, pommes de terre, potimarrons, betteraves, oseille, estragon, ciboulette, coriandre…

Dans les herbes folles qui ont profité du soleil et des pluies d’août pour percer l’épais paillage que nous avions mis en place avant de partir en vacances, une fleur émerge.
Un feuillage panaché de vert clair et de blanc, des petites fleurs blanches. Après la surprise de la découverte des lupins et des fleurs d’acanthe, cette apparition au milieu d’une butte est une nouvelle énigme.

C’est Laurent Bray, le conservateur du jardin botanique de la Ville de Paris qui m’a donné la réponse. « Si, quand tu coupes la feuille à la base, il en sort un latex (suc visqueux) blanc, alors c’est sans doute une euphorbe ». Une Euphorbe des neiges ! En effet, j’en avais semé au printemps, mais pas du tout à cet endroit. Des insectes ou des oiseaux l’y auront transportée. Une chance, cette plante étonnante est un poison pour les taupes.

L’euphorbe des neiges


Les haricots phénomène...

samedi 14 septembre 2013

Nous habitons Paris, la ville dense où le quotidien est une confrontation permanente à la consommation. L’idée du jardin, à 50 kilomètres de la capitale, c’est d’échapper à cet ultimatum au moins un jour par semaine. Nous mettons les vélos dans le RER, laissons la ville se déliter dans le bruit métallique du train jusqu’à la frontière de l’urbanisation…

400 m² bordés de thuyas au Nord, ouverts à l’Est et au Sud sur une prairie. L’horizon s’arrête sur des coteaux boisés.

Pour jardiner, nous utilisons quelques outils à main et tout ce que nous pouvons trouver sur place comme le fumier du centre équestre que nous ajoutons à notre compost ou des feuilles mortes ramassées dans la forêt toute proche qui viendront protéger la terre des aléas climatiques.

Samedi 14 septembre, nous avons cueilli les haricots verts d’une semaine. Tout juste formés huit jours plus tôt, les voilà qui mesurent pour certains plus de 30 cm de long ! Certaines gousses sont boursouflées à cause des grains qui, à l’intérieur, arrivent bientôt à maturité. Ils portent bien leur nom, ces Haricots Phénomène !

Comme il s’est mis à bien pleuvoir, la cueillette est rapide. Encore quelques pieds de salade, quatre poireaux, les tomates de Sibérie et ça ira bien pour aujourd’hui.

Posés sur la table de la cuisine, les mangetout ont une drôle d’allure. S’ils venaient du panier de l’AMAP, je trouverais que c’est un peu exagéré, des légumes pareils. C’est sûr, ils vont être filandreux. Mais là, c’est notre première production. Nous en avons fait de la soupe, assaisonnée d’un piment, du jardin lui aussi. Fi les fils, ils sont restés dans la passoire !

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