Laurent Wauquiez veut financer la destruction de la nature

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Center Parcs et RoybonLe président de la région Auvergne-Rhône-Alpes veut faire des économies de 75 millions d’euros. Mais dans le même temps, il veut subventionner Center Parcs, qui prétend détruire une forêt à Roybon, en Isère, pour près de 5 millions !
- Actualisation - Jeudi 14 avril 2016 - Le Conseil régional d’Auvergne Rhône-Alpes a adopté la subvention de 4,7 millions d’euros en faveur du projet de Center Parcs à Roybon (Isère) dans le cadre de son budget 2016. - Source : FR3 Alpes.
- Grenoble, correspondance
Le 14 avril l’assemblée de la Région Auvergne-Rhône-Alpes devra voter le budget proposé par l’administration de Laurent Wauquiez. Celui-ci, de Les Républicains, vient de fêter son centième jour à la tête de la collectivité. Dans le cadre de ce vote, une subvention à hauteur de 4,7 millions d’euros au projet de Center Parcs de Roybon sera soumise à l’approbation des élus. Une somme gigantesque, surtout si on considère que M. Wauquiez a promis par ailleurs de serrer la ceinture du budget régional, avec 75 millions d’euros d’économies annoncées.
« Il faut tourner la page du gaspillage, a-t-il déclaré. C’est la première fois dans l’histoire de la région qu’un plan de cette ampleur sera mis en œuvre ». Le groupe socialiste à l’assemblée d’Auvergne-Rhône-Alpes juge « faux » les chiffres indiqués par le groupe Les Républicains : les économies ne seraient que de 43 millions d’euros. Mais ce qui est certain, c’est que la politique sera celle de l’austérité budgétaire.
Comment expliquer la proposition d’un aide si importante - à hauteur de 6,2 % des économies annoncées - pour un seul projet et pour une seule entreprise ?
« C’est la majorité de Les Républicains qui a proposé ce financement, indique à Reporterre Corinne Morel Darleux, secrétaire nationale du Parti de gauche et conseillère régionale. Notre groupe (PdG, Nouvelle Donne et EELV Les Verts, ndlr) a déposé un amendement dans lequel on rappelle qu’il y a eu une décision du tribunal administratif qui a reconnu que ce projet met en péril plusieurs hectares de foret et de zones humides, et que cela pose aussi un problème au niveau de la nappe phréatique qui permet l’accès à l’eau à plusieurs centaines de milliers de citoyens dans la Drôme et dans l’Isère ».

Dans le texte de l’amendement, les élus rappellent que « la préservation de la ressource en eau est une compétence régionale, qui est d’ailleurs avancée dans les orientations du budget sur la qualité de l’eau. C’est aussi un enjeu qui s’inscrit dans les accords de la COP 21. La région ne saurait se soustraire à ces deux responsabilités ».
L’association Pour les Chambaran sans Center Parcs (PCSCP), qui s’oppose au projet depuis longtemps, a adressé une lettre ouverte aux élus régionaux, en rappelant que le projet consiste en « une vaste opération immobilière de 1.000 cottages sur 200 hectares de forêts et de zones humides sensibles », et qu’il « prévoit une base de loisirs aquatiques chauffée à 29 dégrées toute l’année, ainsi que des équipements et infrastructures techniques commerciales et hôtelières ».
« Le but du groupe Pierre & Vacances, lit-on dans la lettre, est de faire un montage financier engageant le minimum de fonds propres, reportant ainsi tous les risques sur les investisseurs. En résumé, le modèle économique du groupe, basé essentiellement sur les plus-values immobilières des nouveaux programmes et des rénovations, n’est viable qu’au prix d’un apport massif initial de fonds publics par les collectivités et l’État. Sans ce favoritisme, contraire au droit fondamental européen de la concurrence, le groupe aurait depuis longtemps disparu ».
Le projet de la société Pierre et Vacances, en outre, a fait l’objet d’un nouveau recours auprès de la justice administrative de la part de PCSCP. « On a attaqué la vente des terrains établie par la commune de Roybon », explique à Reporterre Stéphane Peron, porte parole du groupe d’opposants. La transaction a été effectuée « sur la base d’un prix de 30 centimes d’euros le mètre carré » : un « vil prix » selon l’association. « Le recours a été déposé le 27 octobre, mais la date de l’audience n’a pas encore été établie », ajoute M. Peron.
« Un nouveau recours est en cours d’examen par la justice, confirme Mme Morel Darleux. Donc aujourd’hui, ce projet n’est pas légal. Et on ne voit pas comment la région peut le financer, s’il n’est pas en règle avec la loi. Quant au Center Parcs en lui-même, ce projet est destructeur du point de vue environnemental, et la société Pierre et Vacances bénéficie déjà de niches fiscales, et elle ne propose que des emplois très précaires, à temps partiel ».
« On propose, ajoute la conseillère régionale, que ces 4,7 millions, plutôt que d’être donnés à Center Parcs, soient utilisés pour un grand projet régional de développement durable, au service d’un territoire qui en a effectivement besoin. On a un gros problème de chômage dans la région, qui ne serait pas résolu par Pierre et Vacance : des études montrent que si on regarde les emplois créés et les emplois qui vont être supprimés, le territoire n’y gagne pas ».