Le compost devient obligatoire... mais personne n’est prêt

Des solutions pour trier les biodéchets, composés des déchets alimentaires et verts, devront être proposées dans les collectivités au 1er janvier 2024. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Bernard Dejean
Des solutions pour trier les biodéchets, composés des déchets alimentaires et verts, devront être proposées dans les collectivités au 1er janvier 2024. - Wikimedia Commons/CC BY-SA 4.0/Bernard Dejean
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Dans 100 jours, des solutions pour trier nos biodéchets devront nous être proposées. Mais beaucoup de collectivités ne sont pas prêtes, alertent trois associations environnementales.
« Un retard préoccupant. » Au 1er janvier, toutes les communes devront proposer à leurs habitantes et habitants une solution pour trier leurs biodéchets, mais plusieurs ONG préviennent : à cent jours de cette « petite révolution », les collectivités ne sont pas prêtes. Le 21 septembre, France Nature Environnement, Réseau Compost Citoyen et Zero Waste France ont appelé ces dernières à « passer à la vitesse supérieure ».
Elles n’ont pourtant pas manqué de temps pour y réfléchir, puisque le principe d’une gestion séparée des biodéchets obligatoire a été acté dès 2015, dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. La date d’entrée en vigueur à la fin de 2023, elle, a été entérinée par la loi de lutte contre le gaspillage (Agec) en 2020. « On tourne en rond depuis huit ans, s’exaspère Juliette Franquet, directrice de Zero Waste France. Il est temps de mettre les moyens financiers et humains pour arrêter la catastrophe. »
Aujourd’hui, chaque Français produit en moyenne 254 kg d’ordures ménagères par an, dont 83 kg sont des déchets organiques. Au total, 5,5 millions de tonnes de matière organique finissent soit incinérés, soit enfouis en décharge alors qu’ils pourraient être valorisés et retourner à la terre.
Une vraie collecte séparée dans seulement une centaine de territoires
Différentes options s’offrent aux collectivités : la collecte séparée en porte-à-porte, l’apport volontaire à des points de compost, le compostage domestique individuel ou encore le compostage partagé, par exemple, dans un jardin de quartier.
Pour l’heure, seule une centaine de communautés de communes ou d’agglomérations proposent une vraie collecte séparée des biodéchets, selon les chiffres de 2019 fournis par l’Agence de la transition écologique (Ademe). Ce qui recouvrirait 6,2 % de la population française.

Plus de 800 collectivités ont, elles, opté pour soutenir « le compostage de proximité » (compost collectif au sein d’un immeuble, compost dans les jardins partagés...). Mais, là encore, ce dernier « dessert rarement plus de 38 % de la population, même dans les collectivités les plus ambitieuses », note l’Ademe dans son étude.
Comment évaluer la bonne mise en œuvre du tri à la source ?
Zero Waste France soulève, de son côté, les limites de la loi actuelle qui ne précise ni comment ce tri doit être assuré, ni comment vérifier qu’il est bien mis en œuvre. « Certaines collectivités commencent déjà à dire : “On a mis en place une expérimentation, on respecte la loi” », constate l’ONG. Comment leur opposer que deux ou trois points de compost dispersés sur une agglomération de 30 000 habitants ne sont pas une solution suffisante de tri ?
Pour l’ONG, un arrêté ou un décret sont nécessaires pour préciser la loi, très floue. Il faudrait, selon elle, définir des critères permettant d’évaluer sa bonne mise en œuvre.
Elle préconise de fixer des objectifs sur la part des biodéchets restant dans les ordures ménagères : par exemple, au maximum 25 kg par habitant et par an d’ici à 2030 et 15 kg d’ici à 2035. Ou bien imposer 75 % de réduction d’ici à 2030. Enfin, elle réclame un texte contraignant, avec des sanctions à la clé pour les collectivités qui ne respecteraient pas la loi.
L’incinération ou la mise en décharge coûtent cher
Face aux collectivités récalcitrantes qui pointent le coût et la mise en place difficile d’un tel dispositif, les trois ONG opposent des expérimentations menées parfois de longue date sur plusieurs territoires, comme à Besançon, dans l’agglomération de Lorient ou encore en Alsace centrale. De grandes métropoles, comme Lyon ou Grenoble, se sont lancées plus récemment « avec une vraie ambition », se réjouit Zero Waste.
L’association insiste aussi sur le fait que ce changement implique forcément plus de moyens humains et financiers. « Les collectivités ne doivent pas le percevoir comme une dépense, mais plutôt comme un investissement, estime Juliette Franquet. Incinérer ou enfouir des tonnes de déchets chaque année coûte cher aussi, sans compter les pollutions générées. Il est temps de développer des plateformes de compostage et des méthaniseurs, une filière d’avenir, à condition bien sûr que ces installations permettent de générer du compost et des digestats de qualité. »