Le coronavirus, une épidémie favorisée par l’avion et le dérèglement climatique

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Les causes de l’apparition du coronavirus sont encore inconnues mais le dérèglement climatique pourrait être l’un des responsables. « À chaque fois qu’un écosystème est modifié ou dégradé, il est possible que des maladies apparaissent », explique un spécialiste des maladies infectieuses.
Le nouveau coronavirus 2019, détecté en Chine en décembre, continue sa progression. À ce jour, plus de 8.000 cas ont été recensés, dont 111 hors du pays. La France compte actuellement cinq personnes atteintes. Même si cela fait longtemps que les virus se transmettent par des voyages, la mondialisation et les nombreux flux aériens provoquent également la diffusion rapide de cette nouvelle maladie. Moins de deux mois après sa détection en Chine, dans la ville de Wuhan, à l’est du pays, le nouveau coronavirus 2019 — appelé également Sars-CoV-2 — a déjà tué 171 personnes. Jeudi 30 janvier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié la situation d’« urgence de santé publique de portée internationale ».
Les causes de l’apparition du Sars-CoV-2 sont encore inconnues. Des soupçons pèsent toutefois sur le grand marché de la ville, le Huanan Seafood Wholesale Market, où des espèces d’animaux sauvages (rats, serpents, chauve-souris…) étaient vendues illégalement. Le marché a été fermé par les autorités début janvier. Mais le virus ne s’est pas arrêté aux frontières de la Chine. Une carte du monde interactive, mise à jour en temps réel, a été créée par des chercheurs de l’université américaine Johns Hopkins, pour suivre l’avancée de l’épidémie. Elle compile les données de l’OMS, de l’Agence fédérale américaine des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, et de deux instituts gouvernementaux chinois (NHC et Dingxiangyuan).

Sur cette carte, on constate qu’un premier cas a été détecté en France le 23 janvier 2020. Le patient de 48 ans, originaire de Gironde, s’était déplacé en Chine (en passant par Wuhan) pour des raisons professionnelles. Depuis, quatre autres personnes infectées ont été recensées dans l’Hexagone. En Europe, l’Allemagne et la Finlande comptent également des patients porteurs du virus. Les autres personnes atteintes du Sars-CoV-2 vivent aux États-Unis, en Australie et en Asie.
Cent onze cas du nouveau coronavirus ont été recensés hors de Chine
Une équipe de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), menée par la chercheuse Vittoria Colizza au sein de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, a réussi à modéliser la diffusion possible du nouveau coronavirus 2019 en Europe. Le groupe a publié ses premiers résultats le 24 janvier 20202, basés sur l’état de la situation au moment de leur étude. Sept cas de personnes atteintes du Sars-CoV-2 étaient alors recensés à l’extérieur de la Chine, avant la quarantaine aérienne décidée par le gouvernement local.
D’après un premier scénario de « faible risque de diffusion », le risque global d’exportation d’au moins un cas en Europe était alors de 33 % (avec 9 % de risques que ce cas soit exporté au Royaume-Uni, 8 % en Allemagne et seulement 5 % en France). Selon un second scénario de « risque élevé », il y avait 70 % de risques qu’un cas soit exporté en Europe (24 % au Royaume-Uni, 21 % en Allemagne, 13 % en France) si 21 cas étaient recensés hors de Chine. Finalement, la réalité s’est avérée plus extrême encore que ces prédictions puisque depuis, 111 cas ont été comptabilisés à l’extérieur du pays, dont dix en Europe.

Au vu de la vitesse de propagation, Air France a suspendu ses vols vers la ville de Wuhan. Cependant, la compagnie aérienne française dessert toujours les villes de Shangai et Pékin de façon réduite, « en raison de la baisse de la demande sur ces destinations ». D’autres, comme British Airways ou Lion Air, ont préféré retirer leurs avions du territoire chinois. 250 Français (jugés en bonne santé par les médecins) vont être rapatriés de Wuhan en fin de semaine. Un second vol partira dans quelques jours : il accueillera des ressortissants français et d’autres pays européens.
« Avec la mondialisation, il y a le risque de transmettre des maladies d’humains à humains »
Si les causes de l’apparition de ce nouveau coronavirus 2019 sont encore floues, il est cependant évident que la mondialisation, et plus particulièrement les voyages en avion, est l’une des raisons de sa propagation hors de l’Asie. « On vit dans un monde qui est communicant, donc les déplacements des gens entraînent un déplacement des microbes qui sont avec eux, dit à Reporterre le Pr Didier Raoult, chef de service à l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) de Marseille, spécialisé dans les maladies infectieuses. Toutes les étapes de la mondialisation vont avec le risque de transmettre des maladies inter-humaines. »
Il nuance : les virus n’ont pas attendu la mondialisation actuelle et l’expansion du tourisme par avion que nous connaissons aujourd’hui pour se propager. « On pense par exemple que la grande peste d’Athènes [de 430 à 426 av. J.-C.] était due à l’arrivée des Perses en Grèce pour la guerre, rappelle le chercheur. On croit aussi que l’arrivée des Européens en Amérique [à la fin du XVe siècle], qui a été la première mondialisation, a entraîné l’exportation en Amérique de la variole, de la rougeole et de la typhoïde. En échange, les Américains nous ont donné la syphilis et le typhus. » En somme, les voyages en avion n’ont pas créé les virus, ils n’ont fait qu’augmenter la rapidité de leur propagation.

« La grippe espagnole de 1918 était une épidémie qui s’est transformée en pandémie », donne comme exemple Chiara Poletto, chercheuse à l’Inserm. Alors que les trajets en avion n’étaient pas encore développés, le virus a pourtant tué 20 à 50 millions de personnes dans le monde, d’après l’Institut Pasteur. Ainsi, la force d’une épidémie dépend surtout de la rapidité et des voies par lesquelles le virus se transmet. Le Sars-CoV-2 s’attrape principalement par contacts rapprochés et par voie aérienne (toux ou éternuement).
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont évoqué la possibilité de contracter le virus en recevant des colis venant de Chine. « C’est peu plausible, tranche le Pr Raoult. Ce qui a vraiment été transporté de cette façon depuis la mondialisation, ce sont les moustiques. Le moustique-tigre, par exemple, peut être transporté par les bateaux ou les porte-conteneurs parce qu’il y a toujours un peu d’eau à l’intérieur, et les larves vont vivre dedans. Mais ces virus-là [les coronavirus] sont assez fragiles, ils ne résistent pas assez longtemps [pour survivre dans un colis]. »
Le dérèglement climatique pourrait être l’une des causes de l’apparition du virus
Le dérèglement climatique pourrait, lui aussi, être l’une des causes de l’apparition du virus, comme cela est le cas pour d’autres virus émergents. « Les maladies infectieuses sont toujours des maladies d’écosystèmes, assure le Pr Raoult. C’est pour ça que vous ne pouvez pas avoir les mêmes maladies dans le pôle nord et dans les zones intertropicales humides. À chaque fois qu’un écosystème est modifié ou dégradé, il est possible que des maladies apparaissent et que d’autres disparaissent. »
Pour lutter contre ces nouveaux virus, le chercheur estime que la seule solution est alors de créer des outils permettant de les détecter rapidement. « C’est ce que les Chinois ont fait, précise-t-il. Ils ont développé une stratégie d’identification extrêmement fonctionnelle et rapide. Je crois qu’il faut essayer de détecter les choses le plus précocement possible. Donc je suis optimiste. » « Le laps de temps entre le moment où une personne est atteinte du coronavirus, va chez le docteur, est hospitalisée puis mise en quarantaine est de plus en plus court », approuve Chiara Poletto.
Sur les plateaux de radio ou de télé, les spécialistes sont unanimes : cela ne sert à rien de paniquer. La seule bonne chose à faire ? « Se laver les mains, préconise sobrement le Pr Raoult. C’est vraiment la clé pour éviter les infections. »