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ÉditoCulture et idées

Le gouvernement abandonne l’Ecologie

En abandonnant le mot Ecologie et en requalifiant le ministère « de l’Environnement », M. Hollande et Mme Royal nous font revenir dans une conception passéiste du monde.

Un changement majeur et signifiant est passé inaperçu dans le brouhaha qui a entouré le remaniement gouvernemental du 11 février. On n’a vu que l’arrivée d’Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’un parti qui exprimait nettement son refus de participer au gouvernement. Ladite secrétaire a préféré titre, traitement et voiture avec chauffeur à ce qu’on appelle l’honneur. Mais cette misérable embauche a caché un autre recul de l’écologie, plus grave sur le plan des idées. Car plus que les ministricules, ce sont « les idées qui mènent le monde », comme l’affirmait le philosophe Hegel.

Le ministère de l’Ecologie est subrepticement devenu ministère de l’Environnement.

Ce changement de mot reflète un changement de perspective, de philosophie, et en fait une véritable régression. Car les deux mots n’expriment pas la même vision du monde. L’environnement est ce qui entoure l’homme, et se préoccuper de l’environnement est se préoccuper de l’aménager pour qu’il soit favorable à la société humaine, posée en extériorité avec le monde.

L’écologie est la science des relations entre les organismes, et entre ceux-ci et leur milieu. Elle exprime l’idée que l’homme ne peut s’isoler, ne doit pas avoir un rapport uniquement utilitaire avec son environnement, mais rétablir une relation nouvelle avec un monde dont il est un élément essentiel mais pas central.

Se référer à l’écologie plutôt qu’à l’environnement, c’est donc commencer à quitter la conception occidentale de la nature, issue des philosophes Descartes (« nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ») et Bacon, qui a conduit à la crise... écologique planétaire que nous éprouvons en ce début du XXIe siècle. C’est dire que, derrière les indispensables politiques, un changement de comportement collectif est indispensable, qui ne peut venir que d’une mutation culturelle. Pour résumer, l’écologie est le mot de la nouvelle relation au monde, l’environnement celui de l’humain voulant contrôler la biosphère.

En 2002, le ministère de l’Environnement avait changé de nom, l’écologie se substituant à l’environnement. C’était du temps où Jacques Chirac était président, et découvrait la problématique sous l’influence de Nicolas Hulot : on se souvient du discours de Johannesburg (« La maison brûle et nous regardons ailleurs »). En 2007, dans la foulée de la montée de la préoccupation écologique - avec l’alarme lancée par Al Gore, le pacte de Nicolas Hulot, le Grenelle de l’environnement -, le nouveau ministère dirigé par Jean-Louis Borloo était resté le « ministère de l’Ecologie ». Moins de dix ans plus tard, au détour d’une opération politicienne, Mme Royal revient à l’appellation des années 1970, quand ce ministère avait été créé.

Y a-t-elle réfléchi sérieusement ? Quand on interroge sa chargée de communication, la réponse est évasive : « La ministre l’a expliqué, c’est parce que l’environnement est plus global, c’est plus compréhensible par le grand public. » Une telle hauteur de vue est pénétrante. A moins que l’analyse de Corinne Lepage soit exacte : « Peut-être s’agit-il de marquer la différenciation avec les écologistes, en un geste politique. » La médiocrité politicienne continuerait donc à gouverner les choix essentiels.

Voici donc le ministère de l’Environnement et sa conception vieillotte.

Je vous rassure, s’il en était besoin : Reporterre reste « le quotidien de l’écologie », tourné vers l’avenir, vers la mutation culturelle, vers de nouveaux liens entre tous les êtres vivants...

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