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Chasse

Le gouvernement simplifie les tirs contre le loup

Loup gris commun au parc animalier de Sainte-Croix en Moselle, en 2019.

Dans son nouveau plan loup, présenté le 18 septembre, le gouvernement prévoit de rassurer les éleveurs en facilitant les tirs. De quoi indigner les défenseurs de la biodiversité.

C’est un événement très attendu par les adversaires comme par les défenseurs du canidé sauvage. Lundi 18 septembre, la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes doit présenter le Plan national d’actions (PNA) 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage au Groupe national loup (GNL), composé notamment d’éleveurs, de représentants d’associations de protection de la nature et d’élus. Et plus que jamais, la stratégie prend le parti des éleveurs.

« L’ambition, [...] c’est de simplifier et d’accélérer la délivrance des autorisations de tirs », a indiqué le cabinet du ministère de l’Agriculture à la presse, le 14 septembre. L’objectif est qu’en cas de prédation, un louvetier soit présent sur les lieux de l’attaque « dans les 48 ou 72 heures ». Pour rendre cela possible, des louvetiers bénévoles seraient formés.

209 loups pourront être abattus

Certaines modalités de tir pourraient évoluer : par exemple, les tirs seraient réalisés par deux tireurs au lieu d’un seul, et les louvetiers seraient équipés en lunettes de visée nocturne et ne seraient plus obligés d’éclairer le loup avant de tirer. Le plafond de prélèvement, fixé à 19 % de la population lupine, reste lui inchangé : 209 canidés pourront être abattus cette année.

« Si la dynamique de population reste très positive et se rapproche de son bon état écologique, il n’y a pas de tabou sur le fait de faire bouger le plafond », a néanmoins indiqué le cabinet de la secrétaire d’État à la biodiversité.

Autre sujet abordé dans le plan, l’accompagnement des éleveurs victimes de prédation. « Il faut que l’indemnisation puisse être plus rapide, plus facile », reconnaît-on au ministère de l’Agriculture. Pour la première fois, un possible accompagnement psychologique a été évoqué, pour « ne pas laisser [l’éleveur] seul face à cette expérience traumatisante ». Remboursement de consultations chez un psychologue, numéro vert, autre ? Aucune précision n’a été donnée sur ce point, qui restait ce week-end suspendu à un dernier arbitrage, selon les informations de la Confédération paysanne.

1 104 loups (ici un loup gris) vivent en France, selon l’OFB. Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Mariofan13

Enfin, en réponse aux contestations grandissantes des estimations des effectifs de loups en France, le plan prévoit une évolution de la méthodologie de comptage. « Le PNA [...] donne un an à l’OFB [Office français de la biodiversité] pour étudier des pistes de réforme et les proposer au Groupe national loup », pour aboutir à « un mode de calcul qu’on espère le plus consensuel possible, le plus robuste possible et qui permette d’avoir une approche scientifique partagée de tous », a déclaré le cabinet du ministre de l’Agriculture.

Actuellement, la méthode de comptage de l’OFB repose sur des recueils d’indices de présence sur le terrain — empreintes, analyse de fèces, d’urine, de sang et de poils pour l’identification génétique, séances de hurlements pour évaluer le nombre de louveteaux nés dans l’année — qui permettent d’évaluer les effectifs d’après un modèle mathématique.

Hostilité grandissante

Pour le gouvernement, la lutte contre la prédation devient un enjeu économique. Selon les derniers chiffres de l’OFB, 1 104 loups vivent en France, quatre fois plus qu’il y a dix ans. Ils sont désormais présents dans cinquante-cinq départements. Entre 11 000 et 12 500 animaux domestiques, répartis dans 3 354 élevages, ont été tués par le prédateur en 2023, donnant lieu à la distribution de 4 à 5 millions d’euros d’indemnisations.

Quant aux budgets accordés aux éleveurs pour le déploiement de moyens de protection (chiens de protection, clôtures électrifiées, diagnostic de vulnérabilité, accompagnement technique…), ils ont explosé, passant de 1,32 million d’euros en 2004 à 40 millions d’euros en 2022. « Si l’on restait dans la logique du PNA précédent, on aurait été rapidement au-delà de 55 millions d’euros et possiblement à 70 millions d’euros à la fin de ce PNA », calcule-t-on au ministère de l’Agriculture.

Politiquement, ce nouveau plan s’inscrit dans un contexte d’hostilité grandissante à l’égard du loup. « La concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme », a écrit la présidente de la Commission européenne dans un communiqué du 4 septembre.

La même semaine, seize ministres-présidents allemands ont transmis à la cheffe de l’exécutif européen une demande de révision du statut de protection du loup en Europe. Une demande formulée également par la France, ont indiqué les ministères de l’Agriculture et de la Biodiversité à la presse.

Le loup (ici un loup gris) serait-il le premier perdant des élections européennes de 2024 ? Flickr/CC BY-NC-ND 2.0/Anders Illum

« La position que porte la France depuis plus d’un an est que si la science nous dit que l’espèce est dans un bon état de conservation, il n’y a pas de tabou à changer son statut de protection. Cela ne signifie pas que ce sera totalement open bar et que tout le monde pourra faire ce qu’il veut, mais que ce sera un peu plus facile de tirer du loup », explique-t-on au secrétariat d’État à la biodiversité.

Concrètement, la France réclame le déclassement du loup d’espèce strictement protégée à espèce protégée. Une décision qui ne pourra être prise qu’à l’échelle des Vingt-Sept, voire au-delà si elle implique une modification de la Convention de Berne.

« On ne peut pas répondre que par des tirs ! »

Pour l’heure, ces premiers éléments du plan loup ne satisfont ni la Confédération paysanne, ni les associations de protection de la nature. L’organisation agricole avait réclamé, sans l’obtenir, que l’ensemble du territoire français soit placé en cercle 3 (des zones possibles d’expansion géographique du loup) et devienne ainsi éligible au financement de certains moyens de protection, tels que chiens de protection et accompagnement technique.

« L’acquisition et la mise en place d’un chien de protection sont très longues, explique Annabelle Würbel, de la commission prédation. Or les loups vont inéluctablement être présents dans toute la France, ce n’est qu’une question de temps. »

Dans la même logique, le syndicat regrette que les élevages bovins ne soient toujours pas considérés comme protégeables dans ce nouveau plan, et ne puissent donc pas recevoir d’aide financière de l’État pour la mise en place de ces dispositifs de défense. « 6 000 bovins ont été tués par le loup en Espagne l’année dernière. Il y a eu des centaines d’attaques en France. On ne dit pas qu’il y a une solution miracle, mais on ne peut pas répondre que par des tirs ! » s’insurge l’éleveuse de chèvres dans la Drôme.

« Les mesures létales ne fonctionnent pas »

Une indignation que partage Marion Fargier, juriste à l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) : « On peut tuer des loups pendant des décennies, les éleveurs seront toujours mécontents parce qu’on aura beau tuer deux ou trois individus d’une meute, les autres continueront à aller se servir dans le troupeau. Il faut mettre le paquet sur l’étude et la mise en œuvre des moyens de protection et pas sur les mesures létales qui, de fait, ne fonctionnent pas. » Pour ce plan loup, l’association a demandé une étude sur l’efficacité des tirs et les prélèvements, ainsi que le retour des tirs d’effarouchement. Elle n’a obtenu ni l’un, ni l’autre.

« On n’est plus dans la protection du troupeau, mais bien dans le fait de tuer des loups. Voilà », conclut abruptement Sandrine Andrieux, de l’association de protection des prédateurs Ferus. Qui s’interroge sur le timing de cet acharnement sur le canidé sauvage. « En général, que ce soit en France, en Italie ou en Allemagne, c’est la droite voire l’extrême droite qui fait la chasse au loup. Ça marche pour les élections. C’est très grave à l’heure où la biodiversité s’effondre. » Le canidé serait-il le premier perdant des élections européennes de 2024 ?

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