UE : l’Allemagne fait pression contre le loup

Un loup en Basse-Saxe (Allemagne). Les seize ministres-présidents allemands ont transmis à la présidente de la Commission européenne une demande de révision du statut de protection du loup en Europe. - © Julian Stratenschulte / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP
Un loup en Basse-Saxe (Allemagne). Les seize ministres-présidents allemands ont transmis à la présidente de la Commission européenne une demande de révision du statut de protection du loup en Europe. - © Julian Stratenschulte / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP
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Animaux EuropeLa Commission européenne veut abaisser le statut de protection du loup. Une idée impulsée depuis l’Allemagne, agitée par un débat sur les tirs de loups.
Berlin (Allemagne), correspondance
Le loup est de retour dans le débat politique européen. Et pas forcément pour son bien. Mercredi 13 septembre, le Parlement européen débat, en plénière, d’une possible « révision du statut de protection des loups et d’autres grands carnivores dans l’Union ». Cette inscription à l’ordre du jour fait suite à l’annonce faite la semaine précédente par la présidente de la commission de l’Union européenne (UE), Ursula von der Leyen. Dans un communiqué, elle estimait que « la concentration de meutes de loups dans certaines régions européennes est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme ».
En conséquence, la Commission a appelé « les communautés locales, scientifiques et toutes les parties intéressées à soumettre, d’ici au 22 septembre des données actualisées sur les populations de loups et leurs impacts ». Ceci afin d’assouplir ou non le statut et niveau de protection du loup au sein de l’UE régie par la directive européenne « Habitats » de 1992. En attendant, Ursula von der Leyen a invité « les autorités locales et nationales à prendre les mesures qui s’imposent. En effet, la législation européenne actuelle leur permet déjà de le faire ».
53 moutons tués fin août
Le spectre de Dolly, un vieux poney appartenant à la présidente de la Commission tué par un loup en septembre 2022, plane : d’aucuns soupçonnent Ursula van der Leyen de se livrer à une vendetta personnelle contre le carnivore. Il est plus probable que les pressions venues d’Allemagne motivent ce virage. Le berceau familial et fief politique de Mme von der Leyen est en effet le Land de Basse-Saxe (Nord), le plus gros land agricole allemand, et à ce titre particulièrement touché par les attaques de loups contre les cheptels.
Ainsi, à la fin août, cinquante-trois moutons sont morts à la suite d’une attaque par un loup dans l’arrondissement côtier de Stade — ce qui a été confirmé par des analyses génétiques. Le troupeau était protégé par une barrière électrique, ce qui n’aide pas les défenseurs du loup. Pour boucler le tableau, on relèvera que selon la cellule fédérale qui gère avec les Länder le comptage du loup en Allemagne, le nombre d’animaux d’élevage blessés, disparus ou tués a augmenté de 29 % en 2022 par rapport à 2021. Il atteint au total un record de 4 366 cas déclarés. Le nombre de loups est par ailleurs évalué à plus de 1 200 animaux répartis en 161 meutes, 43 couples et 21 individus solitaires.
Les défenseurs du loup ne montent pas au créneau
Le « massacre de Stade » a marqué les esprits. Les seize ministres-présidents allemands ont transmis la semaine dernière à Mme von der Leyen une demande de révision du statut de protection du loup en Europe. À l’instar du principal syndicat d’agriculteurs (Bauernverband), le ministre-président de Basse Saxe Stephan Weil souhaite l’instauration de quotas annuels de chasse pour contrôler la population des loups. La ministre fédérale de l’Environnement, l’écologiste Steffi Lemke, y est opposée. Elle a cependant annoncé une inflexion des positions gouvernementales d’ici à la fin de l’année, exclusivement sur les mesures d’exception à prendre en cas d’attaque. Dans une interview accordée au quotidien Die Welt le 4 septembre, elle a expliqué que « les tirs de loups après des attaques doivent être possibles plus rapidement et de manière non bureaucratique ».
Les défenseurs du loup ne sont pas montés au créneau pour l’instant. L’importante ONG environnementale Nabu parle d’« un gros tapage pour peu de solutions viables ». Tapage qu’elle attribue en partie à la tenue de deux élections régionales en Bavière et en Hesse. « Nous estimons que des améliorations sont nécessaires pour pouvoir agir plus rapidement et plus efficacement sur place dans les cas individuels. Cependant, des demandes prétendument simples de quotas d’abattage ou de chasse aux loups ne résoudront pas ce problème précis. J’attends de tous les acteurs qu’ils soient plus sérieux dans l’élaboration de solutions qui fonctionnent », a déclaré début septembre Jörg-Andreas Krüger, président du Nabu.
En 2023, sur 105 loups morts en Allemagne, 4 ont été abattus (légalement ou illégalement) et 78 sont morts écrasés sur la route.