Loup : les agriculteurs rejettent le décompte officiel

Le compte du nombre de loups sauvages en France provoque de vives tensions. - CC BY-SA 4.0 / Musicaline / Wikimedia Commons
Le compte du nombre de loups sauvages en France provoque de vives tensions. - CC BY-SA 4.0 / Musicaline / Wikimedia Commons
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Animaux AgricultureLe nombre de loups en France est stable selon le décompte de l’OFB. Une énormité selon les syndicats agricoles, qui remettent en cause la méthodologie utilisée.
« C’est grave de dire cela. » Nicolas Jean, directeur adjoint à la Direction des grands prédateurs terrestres au sein de l’Office français de la biodiversité (OFB), ne mâche pas ses mots à l’encontre des vives critiques sorties dans la presse, contre la méthodologie de la police de l’environnement et le nombre de loups annoncé.
Une diminution de l’estimation de la population de loups pour 2023 (906 contre 921 l’an dernier) en France a été révélée, alors que les attaques sur les troupeaux d’animaux d’élevage agricole depuis le début de l’année ont augmenté (+ 16 %), avec des dégâts sur les troupeaux également à la hausse (+ 20 %). Des données qui ont été dévoilées à l’occasion du Groupe national loup, coordonné par la préfète d’Auvergne-Rhône-Alpes Fabienne Buccio, qui s’est réuni à Lyon le 3 juillet.
Claquage de porte
Ces chiffres ont fait bondir les organisations agricoles productivistes, qui ont « claqué la porte » du groupe et rédigé un communiqué de presse commun regroupant la FNSEA, des associations spécialisées dans l’élevage (FNO, FNB et FNC), les Jeunes agriculteurs et les chambres d’agriculture.
« Venir hier annoncer que la population de loups est en légère baisse, c’est dire à nous, les éleveurs, que l’on est des brêles incapables de protéger notre troupeau alors qu’il y a moins de loups », lâche Cédric Laboret, président de la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc.
« On ne peut pas compter sur des bénévoles pour un sujet si important »
« Avec son réseau de bénévoles qui fait remonter des indices de présence, la méthodologie de l’OFB repose sur de l’amateurisme », poursuit Cédric Laboret. « On ne peut pas compter sur des bénévoles pour un sujet si important, notamment vis-à-vis des conséquences sur les élevages. »
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C’est avant tout l’estimation du nombre total d’individus qui insupporte ici les organisations agricoles, car cela implique moins d’abattage légal d’animaux. « Un exemple simple : les attaques de loups ne sont pas considérées actuellement comme des indices de sa présence », détaille Cédric Laboret. « Sur un territoire, avec des attaques et aucun autre indice comme des crottes ou des traces, la zone est considérée par l’OFB comme dénuée de canidés. »
« Toutes les données sont pilotées par des professionnels »
Un point de la méthode de comptage que ne conteste pas le spécialiste de la police de l’environnement, bien au contraire. « Les dommages ne sont pas utilisés en outil de traçabilisation car cela n’apporte rien », assume Nicolas Jean. « Lorsqu’une attaque se produit, il est impossible de savoir si c’est un loup ou dix qui ont frappé. Le nombre d’attaques par individus et par meutes diffèrent grandement. »
Présent sur plus de 60 départements, le réseau Loup-lynx de l’OFB s’appuie sur une base de plus de 4 000 personnes depuis une trentaine d’années. « C’est un réseau multipartenarial composé de professionnels mais aussi de chasseurs et d’éleveurs », explique Nicolas Jean. « Chacun peut y participer, après deux jours de formation. Toutes les données sont pilotées par des professionnels qui les valident et les vérifient. »
Indices de présence
Concrètement, il s’agit de signaler aux autorités environnementales les indices de présence indirecte du loup, comme des excréments, des poils ou encore du sang. Cela vient alimenter une base de données construite au fil des années pour cartographier et estimer l’implantation du loup sur le territoire.
Si le comptage total divise l’État et les organisations agricoles, tout le monde est en revanche d’accord pour dire que l’espèce se porte bien sur le territoire français et que des solutions doivent être trouvées contre les attaques, traumatisantes pour les éleveurs et lourdes de conséquences.
« Connaître le nombre de loups à l’unité près n’est pas la priorité. Il faut plutôt gérer les dommages et trouver des solutions pour améliorer les protections… et ainsi pouvoir intervenir sur les individus à problèmes », dit Nicolas Jean.