Le monde marche contre Bayer-Monsanto, symbole de l’agro-industrie

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OGM Pesticides AgricultureCe samedi 18 mai, des marches contre Monsanto se dérouleront partout dans le monde. Enjeu : refuser le modèle agro-industriel que symbolise cette firme. L’Allemand Bayer, qui a acheté Monsanto en 2018, a perdu depuis près de la moitié de sa valeur boursière.
- Berlin (Allemagne), correspondance
Les organisateurs s’attendent à une affluence record. De Toronto (Canada) à Bâle (Suisse), de Buenos Aires (Argentine) à Belgrade (Serbie), les opposants à Bayer-Monsanto vont faire entendre leur voix ce samedi 18 mai. Ils se réunissent à l’occasion de la septième « marche mondiale » contre le spécialiste étasunien en désherbants et semences OGM, racheté l’an passé par le groupe allemand Bayer.
Né en 2013, afin de dénoncer les méthodes employées par Monsanto pour contrer un projet d’étiqueter les produits OGM en Californie, le mouvement s’était essoufflé par la suite. Aujourd’hui, alors que les déboires s’accumulent pour la marque, il se remobilise.
En France, troisième plus gros consommateur de pesticides du monde, une trentaine de villes participent à l’événement, notamment Bordeaux, Caen, Toulouse et Marseille. À Paris, un cortège « de 4.000 à 10.000 personnes » doit s’élancer à 14 h, à l’appel d’un collectif d’une centaine d’ONG dont Attac, Greenpeace, Nous voulons des coquelicots ou encore Générations futures.
Bayer-Monsanto est le symbole d’un « modèle agricole qui va dans le mur »
Il s’agit de dénoncer les activités du géant de l’agrochimie, qui commercialise le Roundup, désherbant à base de glyphosate considéré comme « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Bayer-Monsanto est devenu le symbole d’un « modèle agricole qui va dans le mur », selon le communiqué publié par les organisateurs. « L’agriculture intensive et industrialisée est dépendante à la fois de semences génétiquement modifiées (OGM) et de produits de synthèse dont nous ne voulons pas : pesticides toxiques et engrais climaticides », poursuivent-ils.
Pour David Constantin, coorganisateur et membre de l’association Idle No More France, « Bayer et Monsanto sont des entreprises mortifères depuis longtemps. » « Bayer fabriquait le Zyklon B utilisé dans les chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale, rappelle-t-il. Quant à Monsanto, son “agent orange” a été utilisé par l’armée étasunienne lors de la guerre du Vietnam. Il n’est pas normal que ces sociétés puissent encore vendre du poison avec le glyphosate. »
Au siège de Bayer, à Leverkusen, en Allemagne, on rejette toutes les accusations contre le glyphosate. « Nous demeurons convaincus de [son] caractère sûr », disait récemment son PDG, Werner Baumann. Bayer a déboursé 63 milliards de dollars en 2018 pour absorber ce concurrent. Il pariait alors sur une demande croissante de solutions chimiques dans l’agriculture, afin de nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse.

Mais, c’était faire fi du rejet grandissant de l’agrochimie dans l’opinion publique, de l’image désastreuse de l’entreprise étasunienne, surnommée « Monsatan » par ses détracteurs, et de ses ennuis judiciaires. Rien qu’aux États-Unis, l’inventeur du Roundup est visé par 13.400 plaintes. Cette semaine encore, il a été condamné à verser deux milliards de dollars à un couple d’Étasuniens malades du cancer. Alors qu’un prochain verdict sera rendu en juin, les dommages et intérêts pourraient coûter jusqu’à 30 milliards d’euros au groupe.
Bayer-Monsanto se trouve par ailleurs au cœur d’une polémique en Europe après les révélations sur le fichage, commandé par Monsanto en 2016, de centaines de personnes selon leur position sur les OGM. Des méthodes illégales, confirmées lundi 13 mai par Bayer : la société a reconnu qu’elles avaient même été employées non seulement en France mais aussi « dans d’autres pays, notamment en Allemagne », sans pour autant publier les documents jusqu’ici.
La multiplication de ces affaires n’est pas sans conséquences pour la multinationale. En un an, l’action Bayer a perdu près de la moitié de sa valeur. De quoi rendre furieux les actionnaires du groupe, qui ont désavoué la direction lors d’un vote de défiance à l’occasion de leur assemblée générale fin avril.
« Une étape historique, un signal fort envoyé à la direction de Bayer pour qu’elle change de politique »
Pour Marius Stelzmann, de la Coordination contre les méfaits de Bayer (CBG), qui manifestera ce samedi à Hambourg, « c’est une étape historique, un signal fort envoyé à la direction de Bayer pour qu’elle change de politique ». Le militant veut croire que, « si l’entreprise continue de perdre de la valeur, les grands investisseurs feront tout pour arrêter la casse ».
Même son de cloche du côté de la grande association environnementale allemande Bund, qui mise elle aussi sur la pression des actionnaires pour faire changer Bayer-Monsanto. « Lors de l’assemblée générale, des investisseurs importants ont fait comprendre que le rachat de Monsanto avait été une erreur, mais pas seulement, raconte Silvia Bender, experte en biodiversité chez Bund. Ils ont aussi réclamé davantage de développement durable, de prise en compte de la biodiversité et de l’effondrement des insectes. Il y a un changement des mentalités, et Bayer, comme d’autres grandes entreprises, va être obligé de réorienter sa stratégie. »

À l’approche des élections européennes, les opposants à Bayer-Monsanto entendent aussi mettre le monde politique devant ses responsabilités. En ligne de mire, l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate au sein de l’Union européenne, renouvelée en début d’année pour cinq ans, après le revirement de… l’Allemagne.
« Nous demandons à ce que l’autorisation soit remise en cause au cours d’un processus transparent, en prenant en compte les études sur le glyphosate commandées par Monsanto mais qui n’ont jusqu’ici jamais été publiées », explique Silvia Bender. Côté français, le collectif qui organise la marche doit demander à tous les candidats aux élections européennes, dans les jours à venir, de prendre position officiellement sur le glyphosate.