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Climat

Le nord de l’Inde écrasé par des chaleurs inhumaines

Une récolte de blé dans l'État de l'Uttarakhand, au nord de l'Inde.

La vague de chaleur qui frappe le pays depuis mars dévaste les récoltes et paralyse les grandes villes. Conséquence directe du changement climatique, de telles canicules vont devenir la norme en Inde, alertent les experts.

Encore plusieurs jours à tenir. Le département météorologique indien (IMD) a prédit que la vague de chaleur qui frappe actuellement le nord de l’Inde est partie pour durer. Les températures pourraient même « augmenter d’environ 2 °C dans la plupart des régions du nord-ouest de l’Inde, avant de chuter ».

Depuis deux mois, le thermomètre monte de façon anormale dans tout le nord de l’Inde. Le mois de mars a été le plus chaud enregistré depuis 122 ans. Il fait 45 °C dans l’Uttar Pradesh (240 millions d’habitants), dans le Madhya Pradesh (80 millions d’habitants) et dans le Rajasthan (70 millions d’habitants), une température record pour le mois d’avril de 48 °C a été relevée.

De plus en plus d’incendies

« Les températures augmentent rapidement dans le pays, et beaucoup plus tôt que d’habitude », a averti mercredi le Premier ministre indien Narendra Modi, mettant en garde contre « une augmentation des incendies à divers endroits ».

Les agriculteurs sont les premières victimes. « Ma ferme et mes récoltes ont pris feu », témoigne pour Reporterre Paritosh Upadhyay, de la région de Chandauli dans l’Uttar Pradesh. « Nous avions dépensé plus de 60 0000 roupies [environ 800 euros] pour cette récolte de blé. De tels incendies sont de plus en plus fréquents et nous ne recevons aucune compensation », regrette ce paysan.

De jeunes pousses de canne à sucre sur une terre craquelée par la chaleur dans l’Uttar Pradesh. Unsplash / Ashwini Chaudhary

« Cette année, j’ai renoncé à semer à cause de la chaleur torride, en plus de la hausse des prix du carburant », raconte de son côté Dharmendra Singh, un fermier de la région de Mirzamurad dans l’Uttar Pradesh. « Je savais que nous ferions uniquement face à des pertes en essayant de planter, d’autant que la main d’œuvre se fait de plus en plus rare car elle migre vers les grandes villes pour gagner de l’argent. »

L’Inde comptait exporter du blé sur les marchés mondiaux alors que la guerre en Ukraine a fait exploser la demande. Mais l’impact de cette canicule sur les stocks déjà amoindris par la pandémie devrait faire voler ces espoirs en éclat. « Nous allons être en déficit de production pour notre propre population », prédit Devinder Sharma, expert en agriculture.

« Les plus défavorisés qui continuent à travailler s’exposent à d’énormes risques »

Les villes sont elles aussi à l’arrêt. À 45 °C, « l’activité économique est paralysée et les plus défavorisés qui continuent à travailler s’exposent à d’énormes risques », explique à Reporterre Aditya Valiathan Pillai, chercheur au Center for Policy Research de New Delhi, spécialisé sur l’adaptation au changement climatique. Dans la capitale, une montagne de déchets a pris feu mardi 26 avril, pour la quatrième fois en un mois.

« Les mégapoles indiennes grandissent rapidement, de façon inorganisée, et sont particulièrement vulnérables à ces épisodes de chaleur », poursuit Aditya Valiathan Pillai, alors que l’augmentation de la demande en électricité liée aux climatisations a provoqué des coupures de courant dans plusieurs États. « Les travailleurs migrants se retrouvent dans des bidonvilles denses construits en ciment, sans systèmes de refroidissement ni couverture végétale. »

De tous les 50 ans à tous les 4 ans

Bien que plus supportable pour les habitants, la vague de chaleur frappe très fortement les régions himalayennes, laissant craindre en retour des inondations liées à la fonte des glaciers dans les prochaines semaines.

Longue et précoce, cette vague de chaleur est cependant loin d’être un phénomène exceptionnel en Inde. « Avant que les activités humaines n’augmentent les températures mondiales, nous aurions vu ce type de chaleurs en Inde une fois tous les 50 ans », détaille Mariam Zachariah, chercheuse au Grantham Institute de l’Imperial College de Londres. « Maintenant, nous pouvons nous attendre à des températures aussi élevées tous les quatre ans. »

« Si l’on continue sur cette trajectoire d’émission de gaz à effet de serre, il ne faudra plus parler d’adaptation mais d’acceptation du changement climatique », redoute Aditya Valiathan Pillai. « D’ici quelques décennies, une grande partie du nord de l’Inde pourrait devenir proprement inhabitable, provoquant une migration de centaines de millions de personnes à laquelle personne ne sait comment nous ferons face. »

Des champs de récoltes brûlées dans l’Uttar Pradesh.

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