Les aventuriers du Tour Alternatiba ont goûté « le bonheur de la convergence »

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AlternatibaAprès 5 630 kilomètres parcourus, 187 territoires traversés, 150 vélorutions, une centaine de conférences, le Tour Alternatiba touche à sa fin. Ce grand voyage en quadruplette à travers la France pour mobiliser contre le changement climatique se termine ce samedi avec une manifestation à vélo jusqu’à la place de la République, où se tient ce week-end le grand village des alternatives. Mollets fatigués, alternatives plein les yeux et motivation intacte, Reporterre a rencontré des participants de cette incroyable aventure.
- Malakoff (Hauts-de-Seine), reportage
Dans le gymnase de Malakoff qui a servi de camp de base à l’équipe pour la nuit, ça court déjà de tous les côtés. Yannick sort de sa première réunion de la journée, cherche les clés du camion logistique, se demande qui prépare le pique-nique du midi, puis accepte de se poser discuter quelques minutes.
En tant que salarié d’Alternatiba, le trentenaire est un des organisateurs de ce grand tour de France à vélo. Il fait partie de l’équipe depuis le premier « Alternatiba » - village des alternatives - à Bayonne, il y a bientôt deux ans. Il est tombé dans la marmite écolo via le social. « Dès tout petit, je trouvais que les inégalités sociales n’étaient pas acceptables. Puis je me suis rendu compte en voyageant en Amérique Latine que c’était lié au climat. »

« Les citoyens se bougent alors que les politiques traînent les pieds »
« Le but du tour Alternatiba, c’était d’aller à la rencontre des gens, des territoires et des institutions pour mettre le climat sur la table, leur faire comprendre qu’on n’a que dix ans pour gagner cette bataille », explique-t-il. Partie le 5 juin dernier, cela fait plus de trois mois et demi que la caravane pédale au rythme de deux étapes par jour, midi et soir. « Dès le mois de juin, en pleine journée, alors que nous ne passions que pour deux heures, il y avait des gens pour nous accueillir, ils avaient même installé de mini villages associatifs ! » s’enthousiasme-t-il.
L’étape de Marseille l’a particulièrement marqué : « La municipalité n’a pas voulu donner les autorisations pour organiser un Alternatiba. On est quand même venus, on était 300 ou 400 vélos et nous sommes allés aux portes de la mairie avec le slogan ’Climat un - Gaudin zéro’. C’est symbolique de ce qui se passe sur le climat : les citoyens se bougent alors que les politiques traînent les pieds. »

Il n’y a pas que des hippies altermondialistes qui font des alternatives
Lui aussi membre de l’équipe d’organisation, Barth non plus n’est pas vraiment « écolo à la base. J’avais envie d’être actif au niveau social. Puis j’ai rencontré les gens de l’association Bizi ! au Pays-Basque, qui agissaient concrètement en liant le social à la question climatique. » Bizi ! est l’association qui a lancé le mouvement Alternatiba.
Après plus de 5.000 kilomètres de ce tour de France alternatif, il admet être un peu fatigué. Pas parce qu’il a trop pédalé : « En fait, 60 kilomètres par jour à vélo, c’est facile physiquement. C’est de rencontrer des gens nouveaux, d’expliquer notre projet, de comprendre leurs alternatives qui prend de l’énergie ! Je suis crevé mais heureux. Avant de partir, je savais qu’il existait de nombreuses alternatives, mais j’ai été étonné de voir autant d’acteurs impliqués sur le terrain, et pas que des hippies altermondialistes, mais aussi de petites entreprises, des familles... »

Il retiendra notamment l’exemple des Fralib qui viennent de lancer leur SCOP à Géménos dans les Bouches-du-Rhône. L’usine qui fabriquait les thés Lipton et les tisanes Elephant pour la multinationale Unilever a été récupérée par ses ex-salariés laissés sur le carreau. « Ils se sont réapproprié leur outil de production, ils font travailler des producteurs locaux. C’est un exemple fort parce qu’ils montrent qu’il est possible de changer le système, de relocaliser l’économie et de travailler avec éthique. »
« On déclenche systématiquement le sourire des gens, même des automobilistes ! »
A l’atelier vélo, on fait les dernières révisions. Cécile (photo de chapô) change une chambre à air. L’étudiante de 20 ans fait ses études à moitié à Lille, à moitié en Allemagne. « Je suis bénévole pour Alternatiba Lille. Je me suis déjà engagée, mais je n’ai jamais trouvé de mouvement aussi inclusif et dynamique, réunissant des personnes d’âges, de milieux sociaux et avec des compétences si différents », assure-t-elle.

Pour le tour, elle a joué la coordinatrice lors de son passage en Allemagne. Ses moments préférés ont été les arrivées dans les villes et villages. « Le vélo délivre un message positif, en plus, on a de la musique, les triplettes et les quadruplettes [vélos à trois et quatre places - NDLR], on déclenche systématiquement le sourire des gens, même des automobilistes ! »
Mais chaque étape est aussi une sacré logistique. « Je devais appeler les référents locaux quelques jours avant, prévoir l’installation des stands à l’arrivée, etc. », raconte-t-elle. Assurer cette responsabilité l’a fait grandir. « J’ai appris à gérer l’organisation avec les référents locaux, à répondre aux demandes des journalistes, à prendre la parole en public, à vivre en groupe », poursuit l’étudiante.
Et maintenant que l’aventure est sur la fin ? « Tout cela m’a beaucoup fait réfléchir sur mon engagement personnel. Je veux continuer le combat, mais à quel niveau ? Désormais, je sais qu’on ne peut pas attendre les politiques. Et j’ai de l’espoir », lâche-t-elle d’un ton déterminé.

« Le bonheur de la convergence »
Julie, elle, revient d’une intervention dans une école primaire voisine. « Ils connaissaient tous le problème du changement climatique… Et certains ont proposé des solutions radicales, comme fermer toutes les usines ! » rigole-t-elle. A 25 ans, elle vient de terminer ses études et a entendu parler du tour Alternatiba. « Je fais beaucoup de vélo au quotidien, j’avais envie de partir à la rencontre des alternatives, alors j’ai rejoint le tour en tant que bénévole. »
Grâce à ce voyage, elle dit avoir retrouvé « le bonheur de la convergence. Dans chaque lieu où on passait, il se créait une dynamique collective, des gens se rendaient compte que juste à côté d’eux des personnes travaillaient pour aller dans le même sens. Tout cela fédère les associations et les mouvements et c’est nécessaire car c’est une crise de système, donc la réponse des alternatives doit être systémique. »

Elle se rappelle du passage à la ZAD de Roybon en Isère, qui s’oppose à la construction d’un Center Parc. « On était accompagnés de deux journalistes de Elle et de Télérama qui avaient un a priori sur les zadistes. En fait, elles ont rencontré des gens qui avaient vraiment envie de construire une alternative. Ça a cassé quelque chose dans leur tête », espère-t-elle.
« J’avais la carte du tour, je les ai rattrapés en Bretagne »
Jacques appelle les retardataires pour charger les sacs dans son camion. Ce jeune retraité a rejoint le tour en Bretagne. « Après 26 ans de services, à mon boulot ils m’ont montré la porte. Maintenant j’ai du temps pour me consacrer à la cause ! » se réjouit-il. Il montre un petit dépliant du tour de France Alternatiba. « Je suis parti au hasard avec mon fourgon, j’avais la carte du tour et j’ai fini par les retrouver en Bretagne, raconte-t-il. Je les ai trouvés en train de pédaler avec les triplettes sous la pluie. Au bout de trois jours, ils m’ont proposé de faire partie de l’équipe ! »

Fan d’Edgar Morin, il a voulu partir à la rencontre des « myriades de voix » que décrit le philosophe, c’est-à-dire les alternatives. « J’ai beaucoup lu, beaucoup pensé, mais j’avais un gros manque. Grâce au tour maintenant j’agis, je fais des rencontres fabuleuses, j’ai découvert les disco soupes [repas festifs cuisinés à partir d’invendus alimentaires - NDLR], je trouve cela formidable ! »
Alors pour lui le tour n’est que le début de l’aventure. Déjà, il prépare l’organisation d’un Alternatiba chez lui à Perpignan. Puis rendez-vous à Paris en décembre, « pour mettre la pression sur les grands de la planète. Car lors de la conférence climat, Paris sera au centre du monde, il faut en profiter. »
Retrouvez les aventuriers d’Alternatiba ce samedi à Paris et roulez avec eux jusqu’à la Place de la République
- Le programme de samedi (Arrivée finale du Tour Alternatiba !)
Rendez-vous à 15h place de la Fontaine aux lions, à La Villette (Porte de Pantin), pour faire tous ensemble le dernier tronçon du parcours.
Arrivée du Tour Alternatiba, place de la République, à 16h30.
Ce moment fort sera suivi d’un grand meeting avec :
- Des personnalités internationales (Naomi Klein – Canada ; Rajagopal – Inde ; Pacific Warriors – Îles du Pacifique, etc.)
- Un concert gratuit (HK et les Saltimbanks, Imany, Jehro, Sinsemilia)
- Des compagnies d’arts de rue et des animations diverses
- Restauration et buvettes