Les cahiers ont-ils vraiment besoin d’une couverture en plastique ?

Les cahiers avec une couverture en plastique sont omniprésents en magasins. - © Romain Longieras / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Les cahiers avec une couverture en plastique sont omniprésents en magasins. - © Romain Longieras / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Quotidien Pédagogie Éducation PlastiqueLe cahier avec couverture en polypropylène s’est imposé dans les classes. Apprécié pour sa robustesse, son utilité pose pourtant question, à l’heure où l’on cherche à réduire notre consommation de plastique.
En cette rentrée 2023, acheter des fournitures scolaires sans plastique reste un véritable défi… même quand il s’agit d’un simple cahier. Qu’il soit en format 17x22 ou 24x32, à petits ou à grands carreaux, avec ou sans spirales, le cahier « polypro » (cahier avec une couverture en polypropylène) s’impose désormais dans les supermarchés et papeteries. La plupart des marques s’y sont mises peu à peu depuis une quinzaine d’années, reléguant les cahiers avec la traditionnelle couverture en carton au dernier rang de la classe.
Ultrarésistante, indéchirable, imperméable, souple, opaque ou transparente, fluo ou pastel… la couverture en plastique est parée de toutes les vertus. Interrogée par Reporterre, Oxford, marque du groupe français Hamelin, explique que c’est une marque de distributeur qui, la première, a introduit ces couvertures en 2005. Deux ans plus tard, face à la demande croissante des consommateurs, Oxford a décidé d’en proposer aussi. « À ce jour, les cahiers à couverture plastique représentent environ 55 % du marché à la rentrée, contre 45 % pour les couvertures carton. C’était exactement l’inverse trois ans auparavant », précise-t-elle.
Elle assure avoir laissé le choix aux clients en continuant à proposer en parallèle des cahiers classiques. Pourquoi les consommateurs se sont-ils alors plus tournés vers ceux à couverture plastique ? « Parce qu’ils ont bien compris l’intérêt de faire l’économie de l’achat d’un protège-cahier en achetant un cahier dont la couverture plastique fait finalement office de protège-cahier, pense le papetier. En outre, ils s’évitent la “corvée” de couvrir les cahiers avec les protège-cahiers. »
« Recyclé à partir de cordages usagés de l’industrie maritime »
Les marques, toujours en quête d’innovations, développent par ailleurs de nouvelles gammes de cahiers, avec grands rabats et pochettes intégrées, également en polypropylène (PP). Ces produits présentent un côté pratique indéniable, mais une majorité d’entre eux finiront dans un placard en juin prochain, puis à la poubelle à plus ou moins long terme. Or, même si le polypropylène se recycle bien, il n’en reste pas moins une substance polluante issue du pétrole. Par ailleurs, de la matière plastique vierge est généralement nécessaire pour fabriquer de nouvelles couvertures. Le PP 100 % recyclé reste une denrée rare.

« Pour l’instant, il existe peu de filières de recyclage de polypropylène permettant d’accéder à des approvisionnements suffisamment réguliers, qualitatifs, réellement issus de post-consommation et socialement responsables », reconnaît Oxford. Pour éviter de consommer davantage de matières naturelles non renouvelables et réduire l’empreinte carbone des couvertures, la marque lance cette année une gamme avec « au moins 30 % de plastique recyclé à partir de cordages usagés de l’industrie maritime ».
Un cahier utile pour « l’école du dehors »
Ces couvertures en plastique sont-elles réellement indispensables ? C’est la question que se pose le réseau Profs en transition, qui rassemble quelque 32 000 abonnés sur Facebook. « Dans le cadre de notre initiative #CartableVert, nous nous interrogeons avec les élèves sur ce dont on a réellement besoin, ce dont on peut se passer, ce qui peut être mutualisé, etc. », dit Frédérick Heissat, le cofondateur.
Il n’est pas contre les couvertures en plastique : « Elles présentent un avantage quand le cahier va être utilisé sur plusieurs années, sur tout un cycle d’enseignement. Par exemple, en primaire, le cahier de poésie ou d’anglais qui va suivre l’élève du CP au CM2. » Le cahier polypro présente aussi un intérêt dans le cadre de « l’école du dehors », où les élèves ont besoin d’un support de travail robuste pour travailler en extérieur.

« En revanche, si le cahier n’est utilisé qu’au quart pendant l’année, il faut trouver une alternative, estime Frédérick Heissat, qui a lui-même enseigné pendant une dizaine d’années en primaire. Les catalogues des fournisseurs pour les écoles proposent d’autres types de cahiers, mais ils ne sont pas mis en avant. »
Les cahiers en papier recyclé avec couverture en carton existent encore, heureusement. Même chose pour les protège-cahiers qu’on utilisait avant la couverture en PP et qui, s’ils sont eux aussi en plastique, peuvent être réutilisés d’une année sur l’autre. Mais pas sûr qu’ils soient toujours d’assez bonne qualité pour résister plusieurs années ni qu’ils aient la cote auprès des jeunes.
Protège-cahiers en papier kraft ou en tissu
Dans le réseau Profs en transition, certains optent pour le classeur avec feuilles dès l’école primaire. Ce qui permet d’économiser de la colle, les photocopies étant directement perforées et insérées dans le classeur. En plus, ce dernier est réutilisable. Classeur ou cahier, la première chose que les élèves doivent comprendre, c’est qu’il faut en prendre soin, souligne M. Heissat.

L’initiative #CartableVert plaide pour des solutions faites à la main : « On peut organiser une activité artistique à l’école ou à la maison où les élèves apprennent à couvrir eux-mêmes leurs cahiers avec du papier kraft. On peut aussi imaginer la réalisation de protège-cahiers en tissu avec l’aide des grands-parents, par exemple, ou dans le cadre des activités périscolaires. Cela permet aussi d’initier à la couture, à d’autres savoir-faire. »
Ce type d’initiative semble plus facilement réalisable en primaire, sous la direction d’un seul enseignant, que dans les établissements du secondaire, admet Frédérick Heissat : « Au collège, les disciplines restent très cloisonnées. Il n’y a pas assez de coopération entre les enseignants, d’où la multiplication des injonctions en matière de fournitures scolaires. »
Revoir la conception des fournitures avec les papetiers
La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) souhaite, pour sa part, engager des actions concrètes avec les papetiers « pour revoir la conception même de certaines fournitures qui, outre leur prix prohibitif, alourdissent substantiellement le poids du cartable et ne sont pas suffisamment respectueuses de l’environnement », explique-t-elle dans une récente publication.
Même Gabriel Attal, le ministre de l’Éducation nationale, a pointé le problème des listes de fournitures dans son discours du 28 août : « Il faut simplifier la liste des fournitures scolaires demandées aux élèves. » Une simplification que l’Éducation nationale préconise déjà à travers deux listes modèles et sa circulaire du 28 juin 2022. Dans cette dernière, il est signifié aux directeurs d’école et chefs d’établissement qu’ils doivent « limiter et harmoniser les demandes des enseignants ». Le ministre veut-il aller plus loin ? C’est raté pour cette rentrée, les listes ayant été fournies aux élèves dès le mois de juin.
Des allégations vertes... malgré le plastique
Les parents qui se fient aux labels verts pour mieux choisir leurs fournitures seront déçus. Oxford bénéficie en effet de l’Écolabel européen sur ses produits, y compris ceux contenant du PP. Seule obligation pour le fabricant : « Les éléments des produits de papeterie qui ne sont pas en papier, tels que [...] les couvertures en plastique, doivent pouvoir être facilement retirés afin de ne pas entraver le processus de recyclage », précise le référentiel européen, pas très regardant sur l’impact environnemental du plastique.
Les certifications FSC ou PEFC, censées garantir un bois issu de forêts gérées durablement, s’affichent également sur bon nombre de ces cahiers. Clairefontaine s’enorgueillit ainsi sur son site de proposer des produits fabriqués « uniquement avec des pâtes à papier provenant à 100 % de forêts certifiées pour leur gestion environnementale ». Mais aussi avec des couvertures 100 % en plastique.