Les déchets, invités surprises du débat sur les nouveaux EPR

Les questions des citoyens ont fusé de toutes parts sur les déchets radioactifs que vont engendrer les réacteurs supplémentaires lors des rencontres organisées entre fin octobre 2022 à fin février 2023. - François Goglins / CC BY-SA 3.0 / Wikimedia Commons
Les questions des citoyens ont fusé de toutes parts sur les déchets radioactifs que vont engendrer les réacteurs supplémentaires lors des rencontres organisées entre fin octobre 2022 à fin février 2023. - François Goglins / CC BY-SA 3.0 / Wikimedia Commons
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Nucléaire Déchets nucléairesQue faire des déchets ? C’est une des questions qui ont rythmé les rencontres du débat public sur les nouveaux réacteurs nucléaires. L’éventuel stockage profond Cigeo devra être redimensionné si les nouveaux EPR se font.
Interrogez les Français sur l’opportunité de construire six nouveaux EPR, ils vous répondront… déchets radioactifs. C’est la grande surprise issue du débat public consacré à la construction de six nouveaux réacteurs EPR de deuxième génération (EPR2) dont les conclusions ont été présentées le 26 avril à Paris. Les questions ont fusé de toutes parts sur les rebuts supplémentaires qu’engendreraient ces réacteurs supplémentaires lors des différentes rencontres organisées entre fin octobre 2022 à fin février 2023.
Au cœur des préoccupations : le centre d’enfouissement des déchets radioactifs Cigéo. Lors d’une session du débat en janvier, le représentant de l’Agence pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a admis que « l’emprise [du centre] serait en gros augmentée entre 20 et 40 %, suivant la politique de recyclage », si ces six nouveaux réacteurs étaient construits. Dans la série des questions qu’elle adresse à l’État et à EDF, la Commission particulière du débat public (CPDP), en charge de l’organisation de la consultation, a demandé des précisions sur ce sujet.

Tout au long du débat public, « on a ajouté en cours de route le sujet combustibles et déchets, le public posant beaucoup de questions à ce sujet », a expliqué Michel Badré, président de la commission. Une session spéciale imprévue a même été rajoutée au programme déjà dense de soixante-dix événements et réunions, qui visaient à « éclairer les parlementaires » dans le cadre de la loi programmation énergie-climat prévue pour l’été 2023.
L’enjeu de la sobriété est « la plus sensible des questions »
D’autres points essentiels n’ont pas trouvé de « réponse complète ou même partielle », selon la commission. C’est le cas de l’enjeu de la sobriété, « sans doute la plus vaste et la plus sensible des questions » soulevée par le public. « Plusieurs personnes ont estimé que la relance du nucléaire risquerait de s’accompagner de la promotion de modes de vie qui reposent sur la réindustrialisation, la croissance et la consommation sans pousser à repenser nos modes de vie en profondeur », dit le compte-rendu de la commission.
De la même manière, les modalités de financement d’un tel programme de long terme, estimé à 51,7 milliards d’euros, ont été questionnées. Michel Badré a rappelé qu’en cas d’emprunt sur marchés financiers, le coût du kilowattheure serait plus élevé ; ce coût baisserait en revanche dans le cas d’une plus grande participation financière de l’État. Or le président de la CNDP a souligné une difficulté issue des débats : le fait qu’il fallait « un accord de la commission européenne concernant les aides pouvant être délivrées par l’État ».
Enfin, ce bilan a été l’occasion de réinterroger l’utilité de tels débats sur la politique énergétique de la France, dès lors que l’avenir de la filière de l’atome est en jeu. « Tout n’était-il pas déjà décidé depuis le discours du président de la République à Belfort, en février 2022 ? », s’interroge dans son rapport la CNDP, qui note que « le débat a été difficile ».
La commission déplore le vote par le Sénat, en janvier 2023, du projet de loi sur l’accélération sur le nucléaire, qui supprime l’objectif de réduire de 50 % le nucléaire dans le mix électrique… le tout avant la fin du débat public.

Elle regrette, aussi, son adoption en mars par l’Assemblée nationale, avant le rendu de ses conclusions. Pour Ilaria Casillo, présidente par intérim de la CNDP, « la balle est désormais dans le camp du politique » pour se saisir des enseignements de ces réunions. Elle ajoute : « Ce débat d’une grande richesse a mis sur la table toutes les questions qui se posent : les enjeux, les incertitudes, les alternatives. Nous attendons maintenant de l’État, du Parlement et d’EDF, le maître d’ouvrage, qu’ils répondent répondre à ces interrogations et soient à la hauteur des contributions argumentées du public. »