Nouveaux réacteurs EPR2 : un débat public défaillant

La centrale nucléaire de Penly, sur un site qui devra potentiellement accueillir deux EPR2. - CC BY-SA 3.0 / Morpheus2309 / Wikimedia Commons
La centrale nucléaire de Penly, sur un site qui devra potentiellement accueillir deux EPR2. - CC BY-SA 3.0 / Morpheus2309 / Wikimedia Commons
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NucléaireLa 5ᵉ réunion du débat public sur la construction de six EPR2 a eu lieu le 12 décembre à Petit-Caux (Seine-Maritime). Risques et environnement ont inspiré beaucoup de questions, mais très peu de réponses.
« Quels seraient les effets du projet sur les milieux naturels, en particulier aquatiques ? Et sur les paysages ? Comment prendre en compte les enjeux pour l’agriculture et la pêche ? » Les questions ont été nombreuses ; les réponses, elles, quasi inexistantes. Lundi 12 décembre a eu lieu à Petit-Caux (Seine-Maritime) la cinquième réunion publique organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP) autour du projet de construction de six réacteurs nucléaires de type EPR2, dont deux à Penly (Seine-Maritime).
Le thème de la soirée, qui s’est tenue à la fois dans une salle polyvalente et en ligne : « Quelles conditions et conséquences du projet Penly sur le territoire et l’environnement ? » Les parlementaires se saisiront des conclusions de ce débat public, qui a commencé le 27 octobre, à l’occasion du vote à l’été 2023 de la loi de programmation énergie-climat.
De 19 à 22 h passées, représentants d’EDF (le maître d’ouvrage), élus, étudiants, associations environnementales et anti-nucléaires ou encore membres du Giec Normand ont pu livrer leurs analyses autour de ce vaste sujet. De nombreuses — et légitimes — questions ont en outre été posées au cours de cette réunion, notamment par des habitants du coin : après tout, dans le cas où la relance du nucléaire serait bien actée, ils seraient les premiers concernés.
Une zone côtière « fragilisée »
D’autant que leur région, la Normandie, accueille déjà trois centrales nucléaires… avec le succès que l’on sait (fiasco de l’EPR de Flamanville, problèmes de corrosion sous contrainte pour les deux réacteurs déjà construits à Penly).
Après des prises de paroles présentant les points de vue de chacun — EDF vantant le nucléaire en tant qu’« énergie décarbonée » pourvoyeuse de « milliers d’emplois », Greenpeace et France nature environnement dénonçant un « choix politique et de société » inapte à répondre au défi de l’urgence climatique —, diverses inquiétudes ont été relayées.
Quid des impacts d’un tel programme sur la faune et la flore du territoire ? Quid des risques liés à l’élévation du niveau de la mer produit par le réchauffement climatique (la zone est côtière et déjà « fragilisée » d’après l’océanographe Jean-Claude Dauvin) ? Quid de la falaise qu’il faut tailler pour accueillir ces deux EPR2 ? Quid de l’artificialisation des sols ? Quid des déchets radioactifs [1] ? Qu’est-il prévu en cas d’accident nucléaire ? Dans leur immense majorité, toutes ces interrogations, pour la plupart issues de réunions préparatoires pointues, n’ont pas obtenu de réponse claire.

« Question prématurée à ce stade », ont dit à plusieurs reprises Antoine Ménager, directeur du débat public EPR2 pour EDF, et Caroline Dionisi, responsable du pôle EPR2 chez l’énergéticien. En cause selon eux : le fait que l’étude d’impact environnemental du programme est « toujours en cours », l’autorisation de construction n’ayant pas encore été délivrée.
« Certes, l’étude d’impact viendra plus tard […] Cependant, vous pouvez difficilement présenter une opération de construction de six réacteurs nucléaires tout en disant qu’on verra plus tard les impacts environnementaux. Il y a tout de même des données qui doivent être fournies pour que le public puisse participer à la préparation des décisions : c’est bien l’objet de notre débat. Vous ne pouvez pas ne pas répondre, ce n’est pas suffisant », a lancé, plein de bonne volonté, Michel Badré, président la commission particulière de la CNDP.
Dans la salle, quelques applaudissements ont résonné (provoquant la gêne du placide Michel, soucieux de l’impartialité de ses prises de parole) : depuis plusieurs semaines, des associations antinucléaires dénoncent le « passage en force » de l’État sur cette question.
« C’est dommage de repartir avec ses questions ! »
Après la présentation début novembre en conseil des ministres d’un projet de loi d’accélération du nucléaire (alors même que le débat public venait à peine de débuter), le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est rendu à la centrale de Penly, vendredi 9 décembre — une « provocation » pour nombre d’associations.
Reste que l’intervention de Michel Badré n’a eu que peu d’effets : on n’en saura guère davantage. Idem concernant les conséquences d’un tel projet sur les territoires, plusieurs villes avoisinantes étant concernées (Dieppe, Petit-Caux…). Fiscalité, besoins en logements, en infrastructures, en services publics…
Tous ces enjeux ont été rapidement évoqués, avant d’être tout aussi vite balayés. Au final, c’est un internaute qui a le mieux résumé cette soirée sur le tchat YouTube de l’évènement : « Effectivement, il y a eu de bons travaux préparatoires, beaucoup de questions et peu de temps alloué aux réponses. C’est dommage de repartir avec ses questions ! » La prochaine réunion aura lieu le 12 janvier au Tréport (Seine-Maritime). Son thème : « Quelles conditions et conséquences sur le travail et l’emploi ? » La rencontre de clôture aura lieu le 27 février.