Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Quotidien

Les piscines naturelles se la coulent douce

Les Français sont fans de piscines privées. Mais celles-ci, nettoyées au chlore, ne sont guère écologiques. La technique des piscines naturelles, recourant aux plantes plutôt qu’aux produits chimiques, se répand peu à peu.

  • Montpellier (Hérault), reportage

Le soleil s’élève doucement à l’Est, mais déjà la chaleur écrasante de l’été languedocien ralentit le moindre mouvement. Au cœur de Montpellier, un petit bassin à l’eau cristalline fait entendre un glouglou rafraîchissant. Creusé à l’ombre des arbres, dans l’arrière-cour d’une maisonnette, cette vasque d’à peine 10 m2 a tout d’une mare - eau calme, plantes aquatiques, pentes douces -... a priori. Car il s’agit d’une piscine naturelle. Ici, point de produits chimiques et agressifs tels que le chlore ; la filtration de l’eau de baignade est assurée par un écosystème aquatique de plantes et de bactéries.

Perceuse à la main, Benoît Moutier scrute avec satisfaction le bassin qu’il vient de construire pour la propriétaire de la maison. Il y a dix-sept ans, ce chercheur en aquaculture s’est lancé dans l’aventure des piscines par curiosité scientifique : « C’est passionnant de recréer un milieu naturel ! » Aujourd’hui, il met en avant la dimension écologique de ces bassins : « Bien sûr, une piscine individuelle restera toujours un trou dans le sol rempli d’eau pour un plaisir égoïste, mais les bassins naturels ont un moindre impact sur leur environnement, voire profitent à l’écosystème, en amenant de la biodiversité dans les jardins. »

Concrètement, un bassin de nage naturel reproduit le fonctionnement d’une rivière ou d’un lac mais dans un plus petit espace. Grâce à un système de pompe et de tuyaux, l’eau de baignade passe ainsi dans une zone de lagunage, riche en plantes aquatiques (iris d’eau, juncus) et en « bonnes » bactéries. Ces dernières, qui se développent sur des supports poreux, dégradent les matières organiques, les nitrates et les phosphates contenues dans l’eau en minéraux, qui sont ensuite ingérés par les végétaux. L’eau qui revient alors au bassin de nage est « nettoyée ». Cette épuration biologique est généralement précédée d’une filtration mécanique, qui permet d’ôter cheveux, pollens, feuilles et autres matières en suspension.

Le système de filtration de la piscine de Montpellier.

« Les amis qui nous rendent visitent sont surpris par la clarté de l’eau, sa propreté », raconte Michel Rocton. A Saint-Martin-de-Pallières (Var), entre les champs de lavandes et les chênes verts, il a fait construire il y a cinq ans une piscine d’une quarantaine de mètres carré. Pas de vase ni de moustiques, mais une multitude d’insectes et d’animaux aquatiques. « Au début, c’était étrange de se baigner parmi les grenouilles et les libellules, mais on s’y fait, c’est comme nager dans un lac », se réjouit-il.

« La sensation de baignade est totalement différente par rapport à une piscine conventionnelle, explique Philippe Burbaud, de Couleur Nature, qui a construit le bassin de M. Rocton. Finies la myxomatose aux yeux et la peau irritée quand on sort. » Plusieurs clientes lui ont rapporté que l’élasticité de leur maillot durait trois fois plus longtemps grâce aux baignades naturelles.

« Les amis qui nous rendent visitent sont surpris par la clarté de l’eau », dit M. Rocton.

Les Français restent les champions d’Europe des piscines individuelles, 1,7 million en 2014, dont une immense majorité désinfectée au chlore. Or cette substance pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’environnement, mais aussi sur la santé humaine, comme le suggèrent plusieurs études scientifiques.

Malgré tous ces avantages, le marché des piscines écologiques peine à décoller. La faute aux idées reçues, d’après Philippe Burbaud. « Il y a une dizaine d’années, on a connu une première vague d’engouement en France, se rappelle-t-il. Les piscinistes ont eu recours à des techniques venues d’Autriche et d’Allemagne, mal adaptées à nos climats. Il y a eu beaucoup d’échecs, les gens ont été découragés. » Pour couronner le tout, en 2006, l’Afset (ex-Anses, Agence nationale de la santé) émet un avis plutôt négatif quant à ces baignades, estimant que « la qualité des eaux, du fait notamment du confinement des eaux et d’une fréquentation élevée, est susceptible de présenter un niveau de risque sanitaire supérieur ». En réponse à ces craintes, la profession s’est dotée en 2013 de règles professionnelles précises.

Autre frein, le flou réglementaire : « La loi impose pour les piscines collectives que l’eau soit désinfectée et désinfectante, afin d’éradiquer toutes bactéries, précise Benoît Moutier. Même si les particuliers ne sont pas concernés par ses règles, cela limite le développement des bassins à grande échelle. » Pour le moment, à peine une dizaine de piscines naturelles à usage collectif existent en France.

Dernier obstacle : le coût.

Dernier obstacle, est non des moindres, le prix. Plus de 60.000 € pour la piscine de M. Rocton, dont la moitié en aménagement paysager. 8.000 € pour le bassin d’une dizaine de mètres carrés conçu par Benoît Moutier à Montpellier. « Ce qui coûte cher, ce sont les aménagements plus que la construction du bassin en elle-même », explique-t-il, avant d’ajouter : « En faisant plus rustique et moins paysagé, on peut baisser les coûts ». Même son de cloche du côté de Philippe Burbaud : « Pour un bassin sur mesure, il faut compter 1.000 € par mètre carré, mais on peut descendre à 700 voir 500 €. »

Autre solution, pour les plus bricoleurs, l’auto-construction. Internet regorge d’expériences et de tutos pour guider celles et ceux qui voudraient barboter sans trop se ruiner.

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende