Les syndicats sont d’accord pour rester divisés

Pour la quatrième fois depuis début septembre, les opposants à la politique d’Emmanuel Macron se sont mobilisés jeudi 16 novembre. Reporterre a interrogé quelques représentants du mouvement social à propos de la convergence des luttes.
A l’initiative de la CGT, Solidaires et FO, s’est tenue jeudi 16 novembre une journée nationale de grève et de mobilisation interprofessionnelle pour dénoncer la « politique libérale » menée par M. Macron. Un appel unitaire, auquel se sont joints l’Unef (Union nationale des étudiants de France), et la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), ainsi que la France insoumise et Attac. Un peu plus de 8.000 manifestants se sont rassemblées place de la République à Paris. Où en est la convergence des luttes ? Interrogés par Reporterre, quelques acteurs du mouvement social répondent sur l’union entre eux, mais aussi avec les partis politiques.
Éric Beynel (Solidaires) : « Avoir un maximum de convergence et d’unité »

L’idéal est de construire un front de lutte le plus large possible. Nous voulons mener des actions dans des cadres inter-syndicaux, et plus largement dans des cadres du mouvement social, avec des associations comme Attac ou la fondation Copernic, des organisations de chômeurs comme le MNCP [Mouvement national des chômeurs et précaires], et enfin les partis politiques qui souhaitent s’associer à ces actions - Parti de Gauche, France insoumise, jusqu’à EELV, le PC, la NPA, Alternative Libertaire, etc. Ce qui nous semble important, c’est d’avoir un maximum de convergence et d’unité, car les sujets qui sont contenus dans les ordonnances concernent l’ensemble de la société et font partie d’un tout cohérent : baisse des APL, suppression des contrats aidés, loi antiterroriste inscrivant l’état d’urgence dans le droit commun, et également les réformes attendues sur l’assurance chômage, l’apprentissage, les retraites, la hausse de la CSG... Il me semble indispensable dans ce cadre-là d’être en capacité de construire des ripostes globales. Ce qui n’empêche pas Solidaires de rester maître de ses revendications et de son indépendance. »
Françoise Chazaud (FO) : « Nous manifestons aujourd’hui avec des organisations de salariés, et cela s’arrête là »

Nous ne nous joignons pas à la France insoumise pour cette mobilisation. Nous avons des tracts communs avec la CGT et certaines organisations étudiantes, mais c’est tout. Que le gouvernement soit de droite ou de gauche, nous ne changeons pas notre politique syndicale : nous manifestons aujourd’hui avec des organisations syndicales de salariés, et cela s’arrête là. Le but étant pour nous d’alerter le gouvernement comme les salariés. Nous ne nous mobilisons pas contre les ordonnances sur le travail, mais contre certaines de leurs applications. Quand nous avions décidé de ne pas faire grève, début septembre, il y avait encore des négociations tant que les décrets n’étaient pas parus. Maintenant que cela est fait - ce qui ne nous a pas satisfaits - nous nous mobilisons de la même manière qu’il y a un an lors de la loi El Khomri. »
Pauline Raufaste (UNEF) : « L’indépendance des syndicats demeure importante »

Ce n’est pas nouveau que les mouvements syndicaux et mouvements politiques défilent ensemble dans les manifestations. Mais l’indépendance des syndicats demeure importante. Du moins, pour nous celle-ci est fondamentale pour que ce soit bel et bien les problématiques des étudiants - en l’occurence ici, la réforme des université à venir pour la rentrée prochaine - qui restent la boussole de nos actions. Cette manifestation n’est donc pas un changement de stratégie de notre part : quand l’intérêt des étudiants est mis à mal, l’Unef réagit. Et quelle que soit la couleur politique du gouvernement, ce qui nous intéresse justement sont les mesures proposées pour ces jeunes. C’est à l’aune de cela que l’on met en place nos stratégies. »
Annick Coupé (Attac) : « Quelle articulation entre mouvement politique et social ? »

Aujourd’hui, c’est un appel de certaines organisations syndicales - malheureusement, pas toutes - soutenu par des partis politiques, notamment France insoumise, et des associations comme Attac. Mais il n’y a pas de co-organisation entre CGT, Solidaires, FO et France Insoumise... On reste dans une configuration de rassemblement assez classique. Tout dépend de ce que l’on appelle ’unité’. C’est tout le débat de ces dernières semaines, voire des mois derniers... Et même un vieux débat dans le mouvement social : à savoir, quelle articulation entre mouvements politique et social ? La chose n’est pas si simple. Car s’il ne fallait que réunir partis politiques, organisations syndicales et associations de lutte pour que cela fonctionne, on le saurait ! Du point de vue d’Attac, on pense qu’il faut effectivement travailler sur les convergences et leur trouver des cadres communs. Pour autant, le syndicalisme - étant ce qu’il est, avec ses défauts - représente encore quelque chose. Et il faut aussi rappeler que l’histoire du syndicalisme en France a profondément été marquée par la Charte d’Amiens, visant à une indépendance des syndicats vis-à-vis des mouvements politiques. »