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ReportageHabitat et urbanisme

Locataires jetés à la rue : à l’approche de l’été, la crise du logement s’accentue

À Lahonce, au Pays basque, le 2 juin 2023.

Au Pays basque, des militants ont investi une résidence, d’autres occupent un bâtiment vacant. Tous dénoncent des augmentations monstrueuses des loyers, au détriment des habitants.

Lahonce et Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), reportage

« Lahonce-sur-Mer » annonce une pancarte plantée dans le jardin d’une résidence de quelques étages située sur la commune de Lahonce, qui, aux dernières nouvelles, ne dispose pas d’un débouché sur l’océan. Ce nouveau nom, la commune le doit à la quarantaine de militants de l’association Alda qui ont investi les lieux pour protester contre une pratique illégale.

Alors que la petite ville est classée en zone tendue pour le logement et bénéficie donc de la loi sur l’encadrement des loyers, une propriétaire a mis son T3 en location à 1 460 euros. Le loyer précédent était de 840 euros, soit une augmentation de plus de 600 euros entre deux locataires qui outrepasse largement l’indice d’augmentation des loyers autorisé. « Elle se croit peut-être sur la côte d’Azur », souffle Txetx Etcheverry, un militant écologiste fondateur d’Alda.

Alda a investi une résidence pour protester contre l’augmentation jugée illégale d’un loyer à Lahonce. © Chloé Rébillard / Reporterre

Une pratique illégale qui s’ajoute à d’autres qu’a déjà combattu Alda. L’association, créée en 2020 pour défendre les habitants des quartiers populaires du Pays basque, a fait de la question du logement l’une de ses spécialités. Et pour cause, c’est le premier sujet d’inquiétude des habitants à l’année du territoire basque.

Lara Saget est la coordinatrice de la commission « bataille du quotidien » au sein de l’association, elle détaille : « Actuellement on accompagne environ 300 familles ou personnes par semaine. On constate des viols à l’encadrement des loyers comme celui-ci, des personnes qui se retrouvent dans des situations très compliquées suite à des congés pour vente ou pour reprise de leur logement et encore beaucoup de personnes qui sont victimes de baux frauduleux. »

Les militantes ont également collé des affiches pour informer les habitants. © Alda

Les baux mobilité, qui obligent les locataires à quitter leur logement durant l’été permettant notamment de faire de la location saisonnière bien plus lucrative via les plateformes comme Airbnb, ne sont légaux que lorsqu’il s’agit d’étudiants ou de personnes en mobilité professionnelle. Mais ils avaient gagné en popularité.

La lutte menée par Alda contre ces pratiques a déjà porté quelques fruits, constate Lara Saget : « Cette année, plus aucune agence ne s’y risque. Restent les propriétaires particuliers. Certains proposent désormais à leurs locataires de rester dans le logement l’été en leur doublant le loyer ! C’est évidemment illégal. »

« Je n’ai pas l’impression d’avoir ma place dans cette ville »

Au-delà des pratiques illégales constatées, l’explosion des prix et des logements loués à la semaine sur les plateformes compliquent l’accès à un logement pour de nombreux aspirants locataires. Ainsi, à Biarritz, la ville la plus chère du Pays basque, le coût du mètre carré loué est passé de 13,9 euros en 2020 à 17,9 en 2022. C’est ce constat qui a poussé un groupe de huit jeunes à occuper un bâtiment vide près de la gare de Bayonne, depuis début mai.

Lola, l’une des habitantes du lieu renommé Maurizia explique : « On avait tous des problématiques de logement. Nous sommes des jeunes qui travaillons, sommes au chômage ou étudions ici, et on n’arrivait pas à se loger car ça coûte trop cher. »

Elle fustige le fait que les pouvoirs publics cherchent à légiférer sur le long terme, sans assez s’intéresser aux situations urgentes qui se multiplient sur le territoire. « On a rencontré le maire, il nous a dit qu’il met en place des réglementations contre les résidences secondaires, les logements saisonniers. Bien. Mais qu’est-ce qu’on fait nous maintenant pour se loger ? Il y a très peu de choses accessibles aux jeunes à Bayonne. Personnellement je n’ai pas l’impression d’avoir ma place dans cette ville et pourtant j’y travaille à l’année ! »

Lola et les autres habitants de Maurizia remettent en état le bâtiment inoccupé depuis 10 ans qu’ils occupent désormais. © Chloé Rébillard / Reporterre

Ce bâtiment propriété de l’Établissement public foncier local (EPFL) attend depuis dix ans le démarrage d’un large projet prévu dans le quartier. Il pourrait bien attendre des années supplémentaires avant que les travaux ne commencent.

Les occupants des lieux sont sous le coup d’un arrêté d’expulsion, contre lequel ils ont déposé un recours, et ils revendiquent l’instauration d’un bail temporaire — une convention d’occupation intercalaire — qui leur permettrait de rester dans les murs le temps que les travaux prévus commencent. Ils ont reçu le soutien du collectif Bâtir les Solidarités.

Désertion forcée

Les difficultés de logement sont en constante augmentation. Mais à l’approche de l’été, elles gagnent encore en intensité. Les travailleurs saisonniers pourraient d’ailleurs encore manquer à l’appel cette année. L’une des raisons de cette désertion forcée est la difficulté de se loger qu’ils rencontrent sur les territoires touristiques.

Face à cette situation, de plus en plus d’acteurs entrent en lutte. Dans le local de Maurizia, les gens viennent prêter la main pour remettre en état les bâtiments, des repas partagés sont organisés… « On veut donner une réponse populaire et solidaire à la crise du logement », conclut Lola en retournant à ses pinceaux.

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