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Monde

Lula-Bolsonaro : une élection capitale pour l’avenir de l’Amazonie

Un brigadier dans une partie de la forêt amazonienne défrichée et brûlée dans la municipalité d'Apuí (Brésil), en 2020.

Entre 2004 et 2012, le Brésil est devenu un modèle de lutte contre la déforestation. L’envolée des surfaces déboisées depuis le début du mandat de Jair Bolsonaro en 2018 rappelle l’enjeu du scrutin présidentiel pour la forêt amazonienne, le 2 octobre.

La déforestation de l’Amazonie est l’un des enjeux du scrutin présidentiel du dimanche 2 octobre. La courbe de la déforestation amazonienne parle d’elle-même. Car si le début du mandat de Luiz Inácio Lula da Silva a été marqué par un pic de déforestation, c’est ensuite une baisse continue des surfaces déboisées qui a caractérisé sa présidence. Entre 2004 à 2012, la déforestation a diminué de 80 %, les deux mandats du président Lula s’étalant de janvier 2003 à janvier 2011. Par contraste, le premier mandat de Jair Bolsonaro s’est traduit par une envolée de la déforestation avec, entre 2017 et 2021, une hausse de presque 50 % des surfaces déboisées.

Un suivi au jour le jour

Ces données annuelles sont produites par l’Institut national de recherches spatiales du Brésil (INPE) qui, à partir d’images satellites, suit la déforestation dans les neuf États du pays couverts par la forêt amazonienne (toutes les données de l’INPE sont disponibles en ligne). Un organisme clé dans la réduction de la déforestation. « Le succès de la lutte contre la déforestation en Amazonie après 2004 repose sur une politique de suivi, de contrôles et de sanctions mise en place par le gouvernement de Lula », explique Plinio Sist, directeur de l’unité forêts et sociétés au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

L’INPE propose un suivi au jour le jour de la forêt, afin d’identifier en temps réel les zones où un déboisement est suspecté. Une réactivité qui permet d’envoyer sur place des agents du service de surveillance de l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama), pour constater les infractions et verbaliser les contrevenants à la loi. Avec des amendes pouvant aller jusqu’à la confiscation de la propriété. « Ce dispositif efficace fait du Brésil un modèle de la lutte contre la déforestation pour les pays tropicaux », souligne Plinio Sist.

Déforestation liée à l’exploitation minière au niveau du rio Madeira, en août 2020. Flickr/CC BY-NC-SA 2.0/Bruno Kelly/Amazônia Real

Si, à partir de 2012, la déforestation s’est stabilisée, c’est notamment que le gouvernement n’a pas su adapter sa politique à la réalité des petits agriculteurs, nous explique Plinio Sist : « Beaucoup de grands propriétaires, qui avaient le plus à perdre, ont su s’adapter aux nouvelles exigences d’application des lois. Mais pour les petits agriculteurs, brûler la forêt reste la principale option pour accéder à des terres fertiles. Une réalité accentuée par la crise, l’agriculture redevenant le principal moyen de subsistance. Pour enrayer cette déforestation-là, il aurait fallu une politique volontaire en faveur des plus petits. Une politique qui n’est pas venue. » Les terres déboisées s’épuisent en effet en quelques années : pour retrouver des terres fertiles, il faut avancer à nouveau sur la forêt. Et ainsi de suite.

Chute de 93 % des amendes

Puis, à partir de 2017, la déforestation s’est accélérée, sous l’effet d’une réduction drastique des moyens et des contrôles voulue par le gouvernement de Jair Bolsonaro. Une étude publiée dans Nature en septembre 2021 montrait ainsi que durant les deux premières années du Parti social-libéral (PSL), le nombre d’amendes avait chuté de 93 % par rapport à la moyenne des quatre années précédentes. Jair Bolsonaro ne s’est d’ailleurs pas caché de sa défiance envers les opérateurs de la lutte contre la déforestation, comme le montre le limogeage en 2019 du directeur de l’INPE.

« La déforestation n’est pas une fatalité »

Si les chiffres de la déforestation en 2022 ne sont pas encore connus, tout porte à être pessimiste. « D’abord, les premiers feux de forêt ont été constatés cette année dès avril, bien avant la saison habituelle de déboisement en septembre. Sans doute s’agit-il de vite déboiser sous le gouvernement actuel, au risque que ce soit un gouvernement plus sévère qui suive les élections », souligne Plinio Sist, auteur de l’ouvrage Vivre avec les forêts tropicales, paru en 2021.

Le chercheur le certifie : « Le Brésil montre que la déforestation n’est pas une fatalité, mais dépend d’une volonté politique forte au plus haut niveau de l’État. » L’issue du scrutin présidentiel sera donc déterminante pour l’avenir de la forêt amazonienne.

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