« Magnifique ! » : avec leur bébé, ils ont voyagé 5 mois à vélo

- © Juliette de Montvallon/Reporterre
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Durée de lecture : 8 minutes
Séries d’été 2022 Quotidien Transports AlternativesCinq mois et 3 700 kilomètres de véloroutes : voilà le voyage, à vélo, qu’ont effectué Marie, Martin et leur fils de 2 ans. Couches lavables, canicule, franchissement de cols... Ils racontent ! [SÉRIE 4/4]
Vous lisez le quatrième et dernier volet de notre enquête « Des vacances de rêves, version écolo ». Le premier volet se trouve ici, le deuxième, là, le troisième, ici.
Hourtin (Gironde), reportage
Tout est immobile et écrasé de chaleur ce 19 juillet après-midi au Pin Sec, non loin d’Hourtin, en Gironde. Sous l’ombre chétive d’un bouquet de pins maritimes, dans l’odeur entêtante de résine chaude, Martin Lozivit et Marie Laurent, 31 ans, prennent enfin le temps de souffler. Leur fils, Armel, petite bouille blonde de 2 ans, dort paisiblement dans sa remorque. 41 °C, c’est bien trop chaud pour rouler.
Les derniers jours ont été mouvementés pour cette famille de voyageurs à vélo, partie de Concarneau (Finistère) le 6 mars. Évacués du camping de la Teste-de-Buch menacé par les incendies, contraints d’abandonner leur tente et de louvoyer sur des départementales fréquentées à cause de la fermeture des pistes cyclables, l’éducatrice spécialisée en protection judiciaire de la jeunesse, le coordinateur de projets associatifs de développement territorial et transition écologique et leur bambin ont vu leur parcours prendre une tournure inattendue. Malgré l’inquiétude et la fatigue, ils ne se sont pas départis de la bonne humeur qui les a accompagnés, pendant cinq mois, sur 3 700 kilomètres de véloroutes françaises.

« C’est la première fois que nous partons à vélo, raconte Martin à Reporterre. Après avoir vécu au Bénin de 2017 à 2019, nous avions envie de partir en voyage en itinérance. Armel est arrivé et nous nous sommes dit que c’était le moment, avant son entrée à l’école. » 2021 fût l’année de la concrétisation du projet. Le couple a éliminé tout moyen de transport impliquant la combustion de pétrole pour des raisons écologiques et envisagé un temps le bateau, « mais ni l’un ni l’autre ne savait naviguer, donc on a opté pour le vélo », rigole le jeune père. Il leur a fallu quatre mois pour s’équiper en montures, sacoches et remorque, pour les adapter et apprendre à les réparer au Crade (Centre de recherche sur l’avenir des déplacements écologiques) de Concarneau et pour peaufiner leur itinéraire. « Au début, nous pensions aller jusqu’à Ispahan, en Iran, puis nous avons réalisé la difficulté de rouler hors d’Europe. Nous avons finalement choisi de rester en France, où nous avions tant de choses à découvrir », explique Martin. L’occasion aussi de faire la tournée de la famille et des amis en prenant le temps de s’attarder chez chacun.

Trois semaines à sillonner l’Ardèche et toutes les vallées drômoises
La première étape du voyage a ainsi été de rejoindre les parents de Marie à Amancey (Doubs). 1 222 kilomètres via la côte morbihannaise, le canal de Nantes à Brest et l’Eurovélo 6 de Nantes à Besançon. La petite famille s’est ensuite élancée vers Toulon (Var), pour rendre visite à des amis. Grande traversée du Jura, Genève (Suisse), Annecy (Haute-Savoie), Chambéry (Savoie), Grenoble (Isère)… « C’est là que nous avons franchi nos premiers cols. Celui de la Faucille a ouvert le bal, 10 kilomètres de montée et 400 mètres de dénivelé ! » se souvient Marie. « On a passé ensuite trois semaines à sillonner l’Ardèche et toutes les vallées drômoises », poursuit Martin. Après une semaine de repos, le trio a pris le train jusqu’à Avignon et est remonté sur vélos et remorque. Lozère, gorges du Tarn, Albi, Toulouse, canal des deux mers jusqu’à Bordeaux puis Vélodyssée… Jusqu’à l’épisode de la Teste-de-Buch et la halte au Pin Sec en attendant la dernière étape du voyage, La Rochelle (Charente-Maritime), début août.

Comment venir à bout d’un tel périple avec un enfant si jeune ? La question fait sourire Marie et Martin. « On nous l’a tellement posée », racontent-ils. Justement, Armel vient d’ouvrir l’œil et d’appeler ses parents. D’un geste rapide et habitué, Marie lui remplit une petite bassine en toile et le débarrasse de sa couche lavable, pendant que Martin lui cherche une compote et un biscuit dans une sacoche. Ravi, le bambin se met à patauger. Les parents ne se souviennent pas avoir éprouvé d’angoisse particulière à l’idée de partir avec leur enfant de 20 mois. « Si, avant le départ, j’avais peur qu’il ait froid », corrige Marie. Alors, le couple a peaufiné l’équipement de son bébé dans les moindres détails, à l’aide de blogs et de sites spécialisés : « Des vêtements en laine de mérinos, légers mais qui tiennent bien chaud ; une doudoune ; bottes ; et, meilleur investissement, une combinaison en ciré parfaite pour la pluie comme pour la rosée du matin. La nuit, gigoteuse et sac de couchage pour bébé, jusqu’à ce qu’on descende suffisamment dans le Sud pour qu’Armel puisse s’en passer », énumère la jeune mère. « Avec tout ça, il a seulement eu un peu froid aux mains pendant trois ou quatre jours, malgré des températures qui sont descendues jusqu’à 2 °C lors de certains bivouacs. »

Couches lavables et légumes locaux
Côté itinéraire, le couple a calibré les étapes pour qu’elles soient compatibles avec le poids embarqué — 25 kilos de bagages pour Marie, 40 kilos pour Martin — et le rythme de l’enfant : quarante à soixante kilomètres par jour répartis pendant les siestes, soit environ deux heures le matin et deux heures en fin d’après-midi. Car c’est bien le sommeil qui a été le plus difficile à gérer. Pour dormir, le couple a choisi la tente, en bivouac, camping ou « warm shower » (hébergement dans le jardin d’un habitant avec possibilité d’utiliser la salle de bain). Armel adore dormir sur son petit matelas entre ses deux parents. « Mais à deux ans, il s’endort moins facilement, regrette Marie. Le soir, il s’endort en même temps que nous. Pour les siestes, on est parfois obligé de lui faire faire des tours de remorque pour qu’il s’endorme. Ça veut dire zéro temps pour nous et c’est parfois fatigant ! »

Le plus ardu pour la petite famille a finalement été d’aller au bout de sa démarche écolo. Adepte des couches lavables, Marie ne se voyait pas abandonner pendant le voyage. Et pour cause, « entre 4 000 et 5 000 couches sont nécessaires à un enfant pour être propre », selon l’Agence pour la transition écologique. Soit, en France, plus de 3 milliards de couches jetables commercialisées par an, qui « génèrent près de 750 000 tonnes de déchets à traiter par l’incinération ou l’enfouissement ». « Nous avons donc embarqué une dizaine de couches qu’il faut laver tous les jours, dès qu’elles sont sales, explique la jeune mère. Ce n’est pas très compliqué, car les points d’eau — rivières, lavoirs, fontaines, etc. — ne manquent pas. Par contre, en mars, il était très compliqué de les faire sécher. »
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Autre casse-tête, le ravitaillement. Le couple a bien un réchaud et des sacs à vrac dans ses sacoches mais, depuis son arrivée sur le littoral aquitain, il peine à s’approvisionner ailleurs qu’en supermarché. « Zéro magasin de producteurs, zéro Biocoop, peu de marchés, soupire Martin. Ce n’est pas comme dans la Drôme, où on trouvait de quoi acheter local tous les jours ! »

À quelques jours de l’arrivée, la petite famille tire un bilan très positif de son voyage. « On passe toutes nos journées avec Armel, on assiste à tous ses progrès en langage, en motricité, s’émerveille Marie. Il s’est très bien adapté et est devenu encore plus sociable au gré de toutes les rencontres que nous avons faites. » Pour autant, le trio sera heureux de ranger un peu remorque et vélos au garage. « On nous demande souvent quel est le plus bel endroit que nous avons vu, témoigne Martin. En réalité, nous avons traversé plein d’endroits magnifiques, et avons eu envie de nous installer dans certains. Mais j’ai aussi hâte de rentrer à Concarneau pour y habiter, m’y ancrer et m’y investir. »
Voyages lointains, plages exotiques, hôtels luxueux… On le sait, le tourisme fait des ravages. Une raison pour ne plus partir en vacances ? Non, l’occasion de les réinventer ! C’est ce qu’on vous propose dans notre série d’été « Des vacances de rêves, version écolo ».
- Volet 1 : Vacances : et si on arrêtait le tourisme ?
- Volet 2 : Tolt, l’influenceur voyage qui refuse l’avion
- Volet 3 : Les vacances à vélo ? « Ça m’a fait un bien fou »
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