Manger coûte cher à cause des spéculateurs

Acteurs financiers, banques, fonds d’investissements privés, assurances et consorts spéculent en bourse sur les matières premières alimentaires. - Pixabay
Acteurs financiers, banques, fonds d’investissements privés, assurances et consorts spéculent en bourse sur les matières premières alimentaires. - Pixabay
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Alimentation ÉconomieÀ la veille de la journée mondiale contre la faim, deux ONG exigent que la France et le monde freinent la spéculation alimentaire. Banques et fonds d’investissement profitent des crises et participent à la flambée des prix.
« À qui profite la faim ? Sur les marchés financiers, à un peu tout le monde… » Pierre Duclos, analyste des marchés céréaliers et spécialiste du trading, a listé les responsables de la spéculation alimentaire lors d’une conférence de presse organisée mardi 13 juin par les ONG CCFD-Terre Solidaire et Foodwatch. Alors que la faim dans le monde augmente, acteurs financiers, banques, fonds d’investissements privés, assurances et consorts spéculent en bourse sur les matières premières alimentaires. En pariant sur la hausse ou la baisse des prix des matières premières, ils tirent ainsi profit de la fragilisation du marché et de la crainte de pénurie éveillée par la guerre en Ukraine.
CCFD-Terre Solidaire et Foodwatch se sont coordonnées pour dénoncer la « financiarisation des marchés des matières premières agricoles » en se basant sur les données publiques du marché à terme du blé Euronext entre janvier 2020 à septembre 2022. « Huit actions en bourse sur dix sur les matières premières sont opérées à des fins spéculatives », a souligné Pierre Duclos.
Les prix des produits alimentaires s’envolent : pour une hausse de 30 % du prix du blé, Pierre Duclos estime une hausse de 15 % du prix de la baguette en France. Les conséquences sont encore plus grandes pour les pays en développement, fortement dépendants des importations de céréales. Au Moyen-Orient ou en Afrique de l’Est, l’expert estime que la hausse pourrait se ressentir jusqu’à 50 % sur le prix des produits à base de blé. « Dans les pays en développement, le prix du panier de nourriture flambe. La spéculation alimentaire signifie pour eux souffrir de la faim », a dit Karine Jacquemart, la directrice générale de Foodwatch France.
Les instances internationales devraient freiner la pratique
« Les dix plus gros fonds d’investissement présents sur les marchés financiers des céréales et du soja ont réalisé près de 2 milliards de dollars [1,8 milliard d’euros] de profits pour le premier trimestre 2022 », indiquent les ONG. Dans leur communiqué en date du 13 juin, elles exigent des instances internationales l’instauration de limites sur le nombre d’opérations spéculatives possibles par acteur financier. L’Union européenne se penche sur la question, via la réforme de la Directive européenne sur la régulation des marchés financiers, MIFID 2, en cours de discussion entre le Parlement, la Commission et le Conseil européen. Les deux ONG exigent également plus de transparence sur les opérations financières concernant les produits alimentaires.

À l’échelle nationale, Terre solidaire et Foodwatch estiment nécessaire que le gouvernement se positionne. Leur lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron en mars 2022, ainsi que la pétition ayant réuni 100 000 signatures en juin de la même année, sont restées sans réponse. La directive européenne en cours reste l’objet d’espoir pour les ONG, malgré une certaine réserve sur les conclusions, en discussion depuis mars. « Ce ne serait pas la première fois que les intérêts financiers et privés priment sur la sécurité alimentaire », soupire Karine Jacquemart.