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Matignon annonce une trêve, les habitants de la Zad dénoncent un « ultimatum » et un « chantage »

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Ce jeudi 26 avril au matin, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé sur Europe 1 que le gouvernement suspendait les expulsions jusqu’au 14 mai. D’après lui, « 28 occupants illégaux ont accepté la main tendue de l’État » et déposé des dossiers pour présenter des projets agricoles. Mais les autres « devront avoir quitté les lieux » au 14 mai. C’est la date à laquelle « la préfète va convoquer la première réunion du comité qui a vocation à analyser les dossiers déposés par ceux des occupants illégaux qui veulent rentrer dans le droit chemin, dans le droit commun ».
En réponse à cette déclaration, des habitants de la Zad ainsi que leurs soutiens ont tenu une conférence de presse à 12 h 30 à la Rolandière, où se trouve notamment la bibliothèque rurale du Taslu.
Voici les principaux points qui ont été soulevés :
- La déclaration d’Édouard Philippe vient fragiliser un début de sortie de crise. « On sort de trois semaines d’extrême tension, même si de nouveaux soutiens sont arrivés, avec la destruction d’habitats en dur, ce qui est terrible pour le bocage et les travaux des champs. On a fait un geste en remettant les formulaires, on avait donc un sentiment d’un début de sortie de crise. » Pour les habitants, le discours du Premier ministre n’engage donc ni un dialogue ni une trêve, « mais un nouvel ultimatum et un chantage au tri des projets. »
- Les habitants et les soutiens refusent le « tri » que veut instaurer le gouvernement entre projets agricoles et non agricoles. « 41 fiches ont été déposées, mais le volet social et le volet culturel de la Zad ne sont pas pris en compte. Si seuls les projets agricoles sont acceptés, ça ne fonctionnera pas. C’est absurde : à la campagne, il n’y a pas que des agriculteurs ! » Ils comptent donc rester mobilisés pour défendre tous les projets, dans leur dimension collective : « Il n’y a pas de raison d’évacuer les gens, on habite ici, on a défendu le territoire, le gouvernement dit qu’il est déterminé, mais nous le sommes encore plus. Des gens sont mobilisés partout en France, ils veulent défendre un espoir de vivre autrement et pas seulement des projets agricoles normés. »

- Pour eux, les conditions du dialogue ne sont pas réunies. « On a appris ce matin par voie de presse que le comité de pilotage était avancé de trois semaines. Il devait avoir lieu le 6 juin. Il faut du temps pour aboutir à ces projets. » Ils s’inquiètent également du niveau d’exigence sans cesse relevé pour l’installation agricole : « On a appris que le gouvernement ne voudrait que des cotisants principaux à la MSA [Mutuelle sociale agricole], pas des cotisants solidaires, comme c’est le cas ailleurs. » Et de conclure, « ces négociations sur les formulaires, c’est une manière pour le gouvernement de se débarrasser de nous ».
- Concernant la présence militaire, les habitants appellent à un retrait des gendarmes mobiles. « On ne peut pas continuer à vivre avec des grenades qui tombent dans nos jardins. C’est un régime de terreur. » Ils appellent également à ce que les routes redeviennent circulantes pour tous, habitants et voisins de la Zad.
- Quant au coût de l’intervention de 3 semaines, estimé à 5 million d’euros, ils se sont demandés s’ils « méritaient » cela : « On ne leur coûte rien, on vit ici, on construit ici, on cultive ici, on expérimente un mode de vie collectif, solidaire et respectueux de la nature. Si le gouvernement pense que ça mérite 5 millions de dépenses pour y mettre fin, c’est qu’il a un problème. On est là pour créer de la valeur, les militaires sont là pour dépenser l’argent du contribuable. »
- En guise de conclusion, les habitants et les soutiens ont rappelé leur état d’esprit. « On n’a pas envie de vivre dans un monde où tout est normé, où tout est libéral, où le plus fort gagne. Ça ne nous intéresse pas. On va donc continuer à défendre ce projet collectif sur la Zad, pour nous et pour tous ceux qui ne veulent pas de cette vie là. »
Ce jeudi matin sur la Zad, notre reporter nous a signalé des affrontements autour du carrefour de la Saulce et de la forêt de Rohanne. Des gendarmes ont aussi été déployés autour de la Grée.

Hier, mercredi 25 avril, à Matignon, la préfète de Loire-Atlantique et le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, ont rencontré Édouard Philippe, trois ministres, deux secrétaires d’État. Il s’agissait d’envisager « la poursuite du processus de retour à l’État de droit » . À savoir continuer ou non les destructions de lieux de vie. À ce jour, 29 ont été rasés. Mais il resterait entre 60 et 70 habitats.
- Source : Reporterre
- Photos : Europe 1 et © Émilie Massemin/Reporterre