Maurice Genevoix, écrivain des Poilus et défenseur de la Loire, entre au Panthéon

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Culture et idéesL’écrivain des Poilus, Maurice Genevoix, va entrer au Panthéon le 11 novembre 2020. La coordination d’associations La Loire vivra lui rend hommage dans une lettre adressée au Président de la République :
Célèbre d’abord pour le témoignage puissant qu’il rendit de la Première Guerre Mondiale, M. Genevoix était une sensibilité profonde. Né pour souffrir avec ceux qu’il frôlait, il décida d’interdire, par la grâce de sa plume, qu’ils finissent ensevelis dans le creux de l’oubli du monde. Cette bataille, il la mena d’abord pour ses compagnons d’armes, puis pour son bout de Loiret. Cette bataille, il la mena, enfin, pour défendre tout le vivant de la violente amnésie des hommes de son temps.
Né à Decize, au bord de la Loire, en 1890, il passa son enfance à Châteauneuf-sur-Loire. Mobilisé à 24 ans, il fut envoyé sur le front et participa à la bataille de la Marne et à la marche sur Verdun. Le 25 avril 1915, il fut grièvement blessé sur la côte des Éparges, un village de la Meuse. Revenu meurtri de la guerre, il s’installa à nouveau au bord du grand fleuve, aux Vernelles, sur la commune de Saint-Denis-de-l’Hôtel. « C’est face à la Loire, dans sa lumière ondoyante qu’il posa son bureau pour accomplir son travail acharné, écrit la coordination La Loire vivra. Cette Loire et les contrées où elle ruisselle lui infusèrent un amour inconditionnel de la vie, jaillissant victorieux à travers les épreuves. Et c’est cet amour qui lui inspira le refus d’une industrialisation désolante, sculptée dans les charniers de la Grande Guerre. » Dans un de ses romans, son personnage Aubel dit ainsi :
Il semble que le système se soit embrayé d’un seul coup, le temps d’une génération ou de deux : une mécanique énorme qui se serait constituée sournoisement, comme une tumeur, par une espèce de prolifération monstrueuse et continue, une fantastique machine infernale à produire et à décerveler.
Ceux de 14, son recueil de récits de guerre (réunis sous ce titre en 1949) fait aujourd’hui référence. Académicien dès 1946, Maurice Genevoix apparaît aujourd’hui comme un écrivain un peu oublié. Il a pourtant écrit une cinquantaine d’ouvrages et reçu le Prix Goncourt en 1925 pour Raboliot, l’histoire d’un braconnier de Sologne, région chère à son cœur.
Mort en 1980 à l’âge de 89 ans, il a été inhumé une première fois sur les bords de Loire. « C’est là, enfin, à quelques centaines de mètres des Vernelles, qu’un pont routier, monstre de béton armé surgi de l’imagination des aménageurs du siècle dernier, veut planter ses mâchoires aveugles pour contourner l’est d’Orléans et faciliter les flux de marchandises, écrit la coordination La Loire vivra, mobilisée contre ce projet toujours en cours. Malgré le cri nouveau d’un pays qui veut changer de paradigme - à l’unisson des nombreuses alertes lancées à la fin de sa vie par M. Genevoix — surnommé parfois premier écologiste de France ! »
Car Maurice Genevoix a beaucoup écrit sur la nature qu’il chérissait, et contre les égarements du progrès :
La vie se brade. Pis, elle s’oublie. On a motorisé tout le monde, et tout le monde passe à côté. […] L’âme est partie, c’est le monde à l’envers.
- Source : Reporterre
- Photo : La Loire à Orléans, via Wikipedia.