Métro à Saclay : les effets sur la faune ont été sous-estimés

En 2021, les travaux avaient déjà commencé à côté de l’École polytechnique, sur le plateau de Saclay. - © NnoMan / Reporterre
En 2021, les travaux avaient déjà commencé à côté de l’École polytechnique, sur le plateau de Saclay. - © NnoMan / Reporterre
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Étalement urbain Luttes Grands projets inutilesSur le plateau de Saclay, au sud-ouest de Paris, scientifiques et élus locaux ont demandé au gouvernement de « prendre ses responsabilités ». Ils s’inquiètent des effets sur les animaux du tronçon ouest de la ligne 18 du métro.
« Nous en appelons à la responsabilité du gouvernement. » Désireux de faire évoluer les modalités d’implantation de la ligne 18 du Grand-Paris Express, des élus et scientifiques du plateau de Saclay, au sud-ouest de Paris, ont organisé une conférence de presse le 11 juillet. La portion qui les inquiète s’étendra sur environ 3 kilomètres dans le secteur de Villiers-le-Bâcle (Essonne), et devrait circuler au niveau du sol. Or, cela « menace la pérennité des terres agricoles » et empêche les espèces de circuler librement, s’alarment-ils. Parce qu’elle implique le bétonnage des terres fertiles d’Île-de-France, la future ligne 18, longue de 35 kilomètres entre Orly et Versailles, mobilise depuis une quinzaine d’années nombre d’écologistes.
« Depuis deux ans, nous alertons sur les conséquences liées à la coupure majeure des terres engendrée par l’infrastructure telle qu’elle est aujourd’hui prévue », a expliqué Caroline Doucerain, maire divers droite des Loges-en-Josas (Yvelines). Elle est aussi présidente de l’association Terre et Cité, qui est défavorable à la « mise au sol » de la ligne 18 alors que certaines portions seront, elles, enterrées. Dans son discours, l’élue s’est appuyée en grande partie sur le travail des scientifiques de l’Université Paris-Saclay et de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), dont une contre-expertise parue en mai 2023 montre que l’étude d’impact de la Société du Grand-Paris (SGP) « sous-estime largement les atteintes portées aux continuités et fonctionnalités écologiques ». En effet, les lignes de métro, tout comme les routes, constituent autant de barrières empêchant les animaux de se déplacer, pour se nourrir par exemple.

Isolement de la faune
En premier lieu, l’équipe de recherche déplore que l’étude d’impact de la SGP ne prenne pas en compte un territoire plus vaste, qui devrait s’étendre « entre le plateau de Saclay, la vallée de la Bièvre, la Forêt domaniale de Versailles et les importants réservoirs de biodiversité au sud-ouest de la région parisienne ». Cet oubli masque l’effet des obstacles déjà existants, sachant que « la ligne 18 fragmentera encore plus les continuités écologiques » et accentuera l’isolement de la faune, dénoncent Christine Dillmann et Elsa Bonnaud, scientifiques ayant participé à la contre-expertise. La SGP a beau promettre des passages souterrains pour que la faune puisse passer sous le métro, les scientifiques assurent que leur dimensionnement sera loin d’être suffisant.
Par ailleurs, parmi les « choses erronées ou oubliées », les effets sur de nombreuses espèces vivant à proximité de la prochaine ligne 18 « sont soit absents de l’étude d’impact de la SGP, soit mal pris en compte », continuent les auteurs. C’est le cas par exemple de plusieurs oiseaux comme la grande aigrette ou la chevêche d’Athéna, toutes les deux protégées, ou de certains rongeurs dont les populations seraient « importantes » à « très importantes », mais non identifiées dans l’étude. Les scientifiques qualifient ce « manque d’attention » comme « alarmant », au vu du déclin rapide des populations d’espèces de paysages agricoles.

Quelles solutions prônent ces élus et les scientifiques ? Ils veulent avant tout « limiter les dégâts ». Par exemple, en favorisant les lignes enterrées. C’est ce que conseillait, en 2021, une Commission d’enquête publique, qui avait émis une réserve sur le projet. Elle conseillait à la SGP de faire transiter la ligne dans une tranchée semi-couverte d’une longueur de 1 200 mètres — soit la moitié de ce qui était initialement réclamé par les élus locaux. Une tranchée semi-couverte permettrait de faire circuler le métro sous le niveau du sol et de laisser la faune se déplacer sans avoir à passer dans un tunnel. Idem pour les engins agricoles : les parcelles ne seraient ainsi pas isolées à cause du passage de la ligne. Cette solution serait d’après les élus le meilleur compromis pour limiter les effets sur la biodiversité — effets qui resteraient de toute façon négatifs, estiment les chercheurs. Ne pas enterrer cette portion représenterait, d’après Elsa Bonnaud, « un ultime coup de sabre » sur les terres agricoles du plateau de Saclay, alors que l’agriculture locale est déjà « grandement fragilisée ».
« Un ultime coup de sabre sur les terres agricoles »
Cette recherche de compromis par cette alliance de scientifiques et d’élus n’est pas la tasse de thé du Collectif contre la ligne 18 (CCL18), créé en 2020, qui rejette tout projet de ligne 18 sur le plateau de Saclay, quelle qu’en soit la configuration. Il dénonce « l’inévitable dynamique d’urbanisation liée à l’arrivée du métro ». « Cette position de compromis condamne à terme la vocation agricole et la biodiversité de la région », poursuit-il dans un communiqué. « La seule mesure efficace pour préserver les espaces agricoles et naturels du plateau de Saclay est l’abandon pur et simple du tronçon ouest de la ligne 18 ».
En attendant une réponse du gouvernement, « on reste confiants » assurent les élus du plateau de Saclay. Ils ont adressé une lettre le 4 juillet à la Première ministre Elisabeth Borne, après plusieurs recours infructueux. « On veut croire que tant que rien n’est construit, on a des chances d’espérer », dit Caroline Doucerain.