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Culture et idées

Neil Young, plus écolo que jamais

L’artiste canadien a mené une carrière musicale engagée, contre la guerre, en faveur des paysans, peut-être davantage encore pour la « Terre-Mère ». Son dernier album, « Earth », est une compilation en public de ses plus belles odes à la nature.

70 ans, toutes ses dents et bien plus encore. Et c’est encore à l’harmonica que Neil Young joue le mieux « Old Man », du nom d’un de ses plus beaux airs folk. À croire que militer est le meilleur moyen d’entretenir sa forme. Car, des combats, l’artiste canadien en a mené plusieurs tout au long de sa carrière : contre Bush père lors de la première guerre du Golfe, puis contre Bush fils lors de l’invasion de l’Irak, avec un album en 2006 — Living with the War — que d’aucuns jugent comme [le « plus ouvertement politisé » de sa carrière.

Dix ans plus tard, c’est une autre cause éminemment politique qui accapare les riffs du guitariste : l’écologie. Après avoir composé avec Who’s Gonna Stand Up une chanson dénonçant le projet d’oléoduc XL Keystone (qui prévoyait d’acheminer les hydrocarbures issus du sable bitumineux canadien jusqu’au Texas étasunien) en 2014, Neil Young était revenu l’année suivante à ses premières luttes : l’agriculture.

En 1985, Neil Young avait en effet fondé Farm Aid, un concert de charité pour venir en aide aux fermiers endettés aux États-Unis. Trente ans plus tard, c’est dans la lignée de cet engagement qu’il sortait un album au titre évocateur, The Monsanto Years, pour critiquer le monde que nous prépare le géant de la chimie, entre OGM et Starbucks (relire l’analyse de Reporterre).

Soucieux des paysans et de la terre, Neil Young dénonce donc depuis longtemps la captation des ressources et les destructions écosystémiques. Mais d’accusation, il est moins question dans son tout nouveau disque, sorti il y a quelques semaines. L’intitulé explicite, Earth, raconte à lui seul le projet : il s’agit désormais d’émerveiller, pour mieux raconter l’urgence de préserver la « Terre ».

Et plus précisément la Terre-Mère, « Mother Earth », du nom de la toute première chanson du double-CD. Histoire de donner le ton :

Oh, Mother Earth, with your fields of green / Once more laid down by the hungry hand / How long can you give and not receive / And feed this world ruled by greed »

 Oh Terre-Mère, et tes champs verdoyants / Une fois de plus régentée par la main insatiable / Combien de temps pourras-tu donner sans recevoir / Et nourrir ce monde dirigé par la cupidité. »)

Les spécialistes auront reconnu la chanson, qui date de l’album Ragged Glory sorti en 1990. Hormis Seed Justice — seule nouveauté — Earth est une compilation des plus belles odes que Neil Young a consacrées à la nature. Parmi les treize titres, on retrouve Human Highway, une comédie coréalisée en 1982 au sujet d’une catastrophe nucléaire ou bien encore Hippie Dream, de 1986, jusqu’aux plus récents Wolf Moon et People Want to Hear about Love, issus de son précédent travail sur Monsanto. Bonus non négligeable, tous les titres sont enregistrés en live, ce qui éclaire certains d’un jour nouveau.

Ainsi de After the Gold Rush, chanson de l’album homonyme sorti en 1970 et aujourd’hui classé au panthéon du country rock étasunien, chanson dans laquelle le chanteur lançait déjà l’alerte : « Look at the Mother Nature on the run » (Regarde Mère Nature en fuite). Quel regret, tout de même, de ne pas voir « Natural Beauty » également figurer au menu de l’album, l’un des plus beaux hymnes jamais composés en l’honneur de la nature – on imagine ce que cela pourrait donner en live :

On aurait tort, toutefois, de réduire Earth à une simple collection de l’existant. Une originalité se cache dans les interstices : les butinements d’abeille, les chants de grenouille ou les cris de coyote accompagnent divers bruitages de la nature, de la vague d’eau au souffle du vent, qui inondent de leur fraîcheur chacune des pistes, par intermittence. Façon de rappeler l’essentiel, probablement. « J’aime écouter les animaux. J’aime être avec les plantes », a confessé Neil Young au magazine musical Rolling Stone, l’un des seuls à avoir pu le rencontrer.

Que les rockers se rassurent : si l’objet musical s’oriente vers une démarche contemplative, les concerts attestent que l’homme n’a rien perdu de sa fougue. Jusqu’à l’automne, Neil Young enchaîne les concerts en Europe. Lors de sa seule date parisienne, le jeudi 23 juin à Paris-Bercy, Reporterre était présent et a pu l’entendre exhorter la salle à préserver la terre « encore propre, en France ». Évidemment, vu des États-Unis…

Surtout, on a pu se délecter de trois heures de concerts où se sont succédé 25 morceaux de ses plus grands titres tels Heart of Gold ou The Needle and the Damage Done. Ainsi qu’une reprise surprenante de La Vie en Rose par le groupe Promise of the Real, qui le suit depuis quelques mois. Décidément, avec le temps de la contestation vient aussi celui de l’amour, pour Neil Young.

Libertaire dans l’âme, il n’a pas manqué de soigner sa sortie, sur le vibrant et électrique Rockin’ in the Free World, qui a fait se lever la salle pendant 10 minutes. Jugez plutôt :

Pas le moindre des symboles quand on connaît la polémique déclenchée par Donald Trump lorsqu’il s’est autorisé à reprendre cette chanson pour les premiers meetings de sa campagne, il y a un an… Si son soutien public à Bernie Sanders n’a pas suffi, Neil Young a répété en juin son refus de Donald Trump en lui adressant un « Fuck you » en plein concert.

Le message ne pouvait pas être plus clair : si l’écologie est désormais la priorité, celle-ci est indissociable de la protection des libertés fondamentales. Un message désespérément d’actualité.

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