Nos impôts financent le réchauffement climatique

Parmi les dépenses de l’État néfastes, celles liées à l’achat de voitures thermiques. - Pixnio/CC0
Parmi les dépenses de l’État néfastes, celles liées à l’achat de voitures thermiques. - Pixnio/CC0
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Politique ÉnergieLe Réseau Action Climat a calculé les dépenses de l’État néfastes pour le climat et l’environnement. En 2023, 67 milliards d’euros d’argent public financeront des mesures délétères.
Nos impôts financent le changement climatique. C’est ce que montre le Réseau Action Climat (RAC) dans un rapport publié mardi 6 décembre. L’association a établi un panorama des dépenses néfastes pour le climat et l’environnement prévues dans le budget de l’État pour 2023. Résultat : au moins 67 milliards d’euros d’argent public seront dépensés pour financer des mesures délétères.
Ce chiffre diffère grandement de ceux du « budget vert » de l’État, qui évalue chaque année ses dépenses défavorables à l’environnement. Pour 2023, ces dernières étaient estimées par le gouvernement à 10,7 milliards d’euros. Un écart dû à une différence de méthodologie. « Certaines dépenses néfastes sont déclassées ou n’ont jamais été répertoriées dans les annexes du budget de l’État, sur lesquelles le budget vert se base », explique Émeline Notari, responsable des politiques climatiques au sein du RAC. Certaines dépenses ont par ailleurs été calculées en net par le gouvernement, et en brut par l’association.
Les effets du bouclier tarifaire
Premier poste de dépenses toxiques, selon le RAC : le bouclier tarifaire, c’est-à-dire l’éventail de mesures mises en place par le gouvernement pour faire face à l’envolée des prix de l’énergie. Selon les calculs de l’association, son coût s’élèverait à 45 milliards d’euros en 2023 (33,8 milliards pour les aides à la consommation d’électricité, et 11,1 milliards pour le gaz).
« Il est évident que nous ne pouvions nous passer de mesures permettant aux ménages fragilisés de faire face à l’inflation grandissante sur l’énergie, reconnaît le rapport. Toutefois, il faut que ces mécanismes de soutien apportent de réelles solutions aux ménages qui en ont le plus besoin, ce qui n’est pas forcément le cas du bouclier tarifaire. »
« Le bouclier tarifaire a davantage bénéficié aux ménages qui ont les plus hauts revenus, explique Émeline Notari, citant les résultats d’études menées par l’Insee et Asterès. Les ménages aisés ont souvent de plus grands logements, avec un haut niveau de chauffage. Très souvent, ce sont des personnes qui ne sont pas en situation de précarité énergétique et ne réduisent pas leur consommation d’électricité. Les personnes en situation de précarité énergétique, au contraire, ont déjà des pratiques de sobriété, et leurs factures d’électricité restent malgré tout très importantes. Le bouclier tarifaire ne leur suffit pas. »
Selon l’association, d’autres aides plus justes socialement auraient pu être mises en place, par exemple une tarification duale de l’énergie. Des mesures plus pérennes sont également nécessaires, comme la rénovation thermique des bâtiments. « Pour le moment, le gouvernement n’agit que par à-coups, déplore Émeline Notari. Investir dans la transition et aider les ménages à sortir de leur précarité énergétique de manière durable, c’est se prémunir des crises de demain et augmenter la résilience de la France. »
Niches fiscales
L’association dresse également un inventaire des niches fiscales sur les taxes sur les énergies fossiles et la consommation d’énergie. L’exonération de taxation sur le kérosène, par exemple, grève le budget de l’État de 3,6 milliards d’euros, selon son analyse ; la différence de taxation entre le diesel et l’essence représente quant à elle un trou de 1,6 milliard d’euros.
À cela s’ajoutent les dépenses directement liées au fonctionnement des services de l’État, comme l’achat de voitures thermiques (287, 9 millions d’euros), l’approvisionnement desdits véhicules en carburants (710, 8 millions d’euros) et l’achat de gaz (138,4 millions d’euros). Le Réseau Action Climat a également pris en compte dans ses calcules les dépenses défavorables à la biodiversité, évaluées, pour l’année 2023, à 890 millions d’euros. L’association cite en exemple les mécanismes de soutien à l’accession à la propriété pour les logements neufs, qui contribuent à l’artificialisation du territoire. Une réponse « simple » pour diminuer ces dépenses sans répercussion sociale serait d’orienter ces dispositifs vers des logements existants ou collectifs, selon le rapport.
L’association propose d’autres pistes pour verdir le budget de l’État. Les aides accordées aux entreprises pourraient être soumises à des conditions écologiques, propose-t-elle, afin de les pousser à « entamer leur transition ». Elle recommande également de développer la rénovation performante des logements, de développer les alternatives à la voiture… En un mot, « d’accélérer la transition ».
La méthodologie de calcul du budget vert de l’État devrait également avoir un périmètre « plus large », estime Émeline Notari. « Il faudrait identifier toutes les niches et dépenses fiscales qui ont un impact négatif sur le climat et l’environnement, et prendre le temps, pour chacune, d’étudier les impacts socio-économiques potentiels de leur suppression, et concerter les acteurs. » Il est essentiel, dit-elle, « que la sortie de ces dépenses ne se fasse pas au détriment des personnes concernées ».