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Notre-Dame-des-Landes

Notre-Dame-des-Landes : « Le référendum était pipé »

Dimanche 26 juin, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a remporté plus de 55 % d’avis favorables lors d’une consultation organisée en Loire-Atlantique. Les opposants dénoncent un scrutin manipulé et rappellent que les recours juridiques contre le projet ne sont pas épuisés. Ils sont déterminés à poursuivre leur combat, malgré la menace d’expulsion qui pèse sur la Zad.

-  La Vache Rit (Zad de Notre-Dame-des-Landes), et Paris

Les résultats définitifs de la consultation sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui s’est déroulée dimanche 26 juin en Loire-Atlantique, sont tombés aux alentours de 23 h. 55,17 % des votants se sont dits favorables au « projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ». Le taux de participation dépasse les 50 %.

Ce résultat cache d’importantes disparités. A Notre-Dame-des-Landes, 73,6 % des votants ont glissé un bulletin « non » dans l’urne. De même que dans les communes alentours, comme à Grandchamps-des-Fontaines (66,57 %), Casson (63,53 %) ou Vigneux-de-Bretagne (69,42 %). À Nantes, le « oui » l’a emporté de justesse avec seulement cent voix d’avance.

A la Vache-Rit, on dénonce une consultation « illégitime »

« Il y a tout à la Zad, même des soirées électorales ! » Dans le hangar de la Vache-Rit, le QG des opposants, la retransmission d’une émission télé en direct a quelque chose d’incongru. Le brouhaha des zadistes, paysans et opposants rameutés par l’annonce des résultats couvre les commentaires des pro et anti-aéroport sur le plateau d’invités de la télévision.

Les mines sont soucieuses, quand d’autres rappellent que toute le monde a admis depuis des mois que l’issue de ce référendum ne change rien sur le terrain. Mais certains avaient le secret espoir que la consultation voie le Non l’emporter et que le gouvernement abandonne ainsi le projet. « On ne va pas faire des commentaires et des analyses sur le chiffre, encore moins commencer à détailler commune par commune. Cette consultation qui est plutôt un sondage grandeur nature est illégitime, un point c’est tout, dit un paysan. On pouvait s’y attendre. Ce n’est qu’un étape qui nous ramène à la situation d’avant ce "sondage" ».

Autour, les conversations vont bon train :

« Ce qui m’impressionne c’est le taux de participation : 51 %, j’aurais pas cru autant, dit un autre paysan.
- N’empêche que il y a des résultats paradoxaux, les communes impactées, autour de Notre-Dame-des-Landes et autour du site de l’actuel aéroport n’ont pas un vote inverse mais disent plutôt non à Notre-Dame-des-Landes, lâche un barbu hirsute.
- Oui, mais les résultats par commune, c’est de l’anecdote, d’intérêt purement local. L’objectif de ce vote c’était de chercher une légitimité. C’est bien joué. Et après on entend les pro-aéroport demander d’être "beau joueur", rétorque une trentenaire avec un beau coup de soleil sur le front.
- Mais non, finalement c’est peut être une bonne nouvelle : si le non l’avait emporté, l’abandon du projet aurait rendu très difficile la mobilisation unanime pour défendre la Zad, on aurait manqué de soutiens. Là c’est clair, on revient au rapport de force tel qu’il est en place depuis des mois, tente un barbu à lunettes rondes.
- Bonne nouvelle, bonne nouvelle, c’est vite dit : ça n’aurait pas été mal d’arracher une victoire, un retrait du projet, comme exemple pour d’autres luttes contre des grands projets inutiles », insiste un paysan.

Un mélange de déception, de détermination et de cohésion

Les visages disent un mélange de déception pour ceux qui ont voulu croire en une issue des urnes, et une détermination évidente, voire une nécessité de la cohésion pour des jours de résistance. Chacun a sa théorie sur les scénarios probables : intervention policière à l’automne ou surtout pas en cette période de début de campagne des présidentielles. Le bâton merdeux à refiler au prochains locataires de l’Élysée et de Matignon.

Dominique Fresneau, de l’ACIPA : « Le processus et le contenu de cette consultation étaient fondamentalement biaisés »

Une déclaration commune au mouvement est lue à deux voix par Mathilde la zadiste et Dominique Fresneau le président de l’Acipa : « Comme l’avaient démontré les différentes composantes du mouvement, le cadre, le processus et le contenu de cette consultation étaient fondamentalement biaisés. Celle-ci était basée sur une série de mensonges d’État et radicalement inéquitable. Il ne s’agissait pour nous que d’une étape dans la longue lutte pour un avenir sans aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

 Cette lutte se poursuit dès ce soir. Nous savons que les attaques du gouvernement et des pro-aéroport vont se renforcer. De notre côté, nous n’allons pas cesser pour autant d’habiter, de cultiver et de protéger ce bocage. Il continuera à être défendu avec la plus grande énergie parce qu’il est porteur d’espoirs aujourd’hui indéracinables face à la destruction du vivant et à la marchandisation du monde. Nous appelons tous les soutiens et comités partout en France et au-delà à se mobiliser et à redoubler de vigilance dans les semaines et mois à venir. Il n’y aura pas d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ». Avant d’appeler à converger massivement à Notre-Dame-des-Landes pour le rassemblement estival anti-aéroport, les 9 et 10 juillet.

« L’agglomération nantaise ne réclame pas à corps et à cris le départ de l’aéroport de Nantes-Atlantique »

Jointe par téléphone, Françoise Verchère, membre du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Cédpa) tire « des enseignements très intéressants » du résultat de la consultation : « Les communes situées à proximité du projet d’aéroport ont voté non. Mais dans d’autres communes, à qui on a dit qu’il n’était pas possible de garder l’aéroport de Nantes-Atlantique, le résultat est moins clair. Saint-Sébastien-sur-Loire a voté non et à Bouguenais, ma commune, très impactée par le bruit des avions, le score est serré. L’agglomération nantaise est loin de demander le départ de l’aéroport à corps et à cris. Cette consultation ne règle rien. »

Yves Riou, membre du collectif des Naturalistes en lutte, se dit « déçu mais pas étonné » par la victoire du « oui ». « Le référendum était pipé, assure-t-il. Le périmètre a été défini à partir de sondages favorables au projet. Les moyens des partisans et des opposants n’étaient pas équivalents. Des structures comme Des ailes pour l’Ouest avaient derrière eux une partie du patronat du BTP. Nous, nous avons fait campagne avec l’argent des militants. » Quant au document officiel d’information, « il ne reprenait pas les arguments des militants et était plus proche des pro que des anti-aéroports », accuse M. Riou.

Guy Bourlès, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), conteste lui aussi le bien-fondé de la consultation : « Il y a déjà eu un débat public en 2003, puis une enquête publique en 2006. Elle a recueilli de nombreux avis défavorables, mais on est passé outre. Et là, dix ans après, on demande de nouveau leur avis aux habitants ? Ces consultations n’ont pas de grand sens démocratique et ne permettent pas un choix éclairé formé sur la base d’information sûres. »

Des recours juridiques toujours en suspens

Les opposants vont poursuivre leur combat « de la même façon, avec des recours juridiques et des mobilisations de terrain », assure M. Bourlès. Les recours sur la loi sur l’eau et sur les espèces protégées sont toujours à la Cour administrative d’appel, qui pourrait trancher « en septembre ou octobre ». Une fois ces recours nationaux épuisés, les recours au niveau européen prendront le relais. Enfin, le projet doit faire l’objet d’une « évaluation environnementale globale » qui doit être validée en octobre, conformément au schéma de cohérence territoriale (Scot) de Nantes-Saint-Nazaire. « On est au milieu du gué », conclut l’opposant.

Pour François de Beaulieu, des Naturalistes en lutte, le résultat de la consultation « n’enlève rien au fait que ce projet est un mauvais projet, et qu’il tombera pour cette raison ». Par exemple, les mesures compensatoires prévues sont « infaisables » : « Pour compenser la destruction de zones humides et d’espèces protégées, les promoteurs doivent créer des prairies permanentes sur des terres agricoles dans le cadre de contrats avec des agriculteurs, explique-t-il. Ces mesures doivent être engagées avant le début des travaux, sinon le chantier ne peut pas démarrer. Mais les promoteurs sont incapables de trouver des paysans prêts à signer ces contrats, soit parce qu’ils sont opposés au projet, soit parce que ce n’est pas compatible avec l’organisation de leurs exploitations ! »

La compensation de la destruction de zone humide : une tâche impossible

Autre point épineux du dossier, la biodiversité. Le préfet de Loire-Atlantique a préparé un arrêté de dérogation permettant la destruction du campagnol amphibie. Mais entre-temps, les Naturalistes en lutte ont découvert à Notre-Dame-des-Landes d’autres espèces protégées, comme le triton de Blasius et la cicendie. « Le préfet va devoir prendre des arrêtés pour ces espèces, que nous attaquerons », prévient M. de Beaulieu.

Pour les partisans du projet, un « résultat incontestable »

Des ailes pour l’ouest : « Maintenant, il faut que les choses se fassent »

Des menaces balayées par les partisans du projet d’aéroport. « Ce résultat est incontestable, il n’est pas possible de continuer à s’opposer comme si la consultation n’avait pas existé, estime Pascal Bolo, premier adjoint à la maire de Nantes. Le territoire a gagné, l’agglomération et le grand Ouest vont pouvoir continuer à grandir avec une infrastructure moderne, correctement dimensionnée et conforme aux exigences de la COP21 ».

« Je n’ai jamais entendu parler de ces recours sur la loi sur l’eau et les espèces protégées, ni au niveau européen, déclare André Taméza, de l’association Des ailes pour l’Ouest. Le projet a déjà fait l’objet de 155 ou 156 recours qui ont tous été rejetés en appel. Il a été jugé comme conforme. Maintenant, il faut que les choses se fassent. » Le partisan du nouvel aéroport espère que le chantier « s’engage en novembre prochain ».

Reste la question de l’évacuation de la Zad. « Il faut une approche républicaine des choses. Les élus écologistes et les députés européens qui apportent leur soutien aux zadistes doivent appliquer la loi, juge M. Taméza. Il faut qu’ils leur demandent de rentrer chez eux, même si ce n’est pas facile. C’est à ceux qui ont allumé la mèche de l’éteindre. »

L’évacuation de la Zad ? « Bon courage ! »

Pascal Bolo se montre plus prudent. « Il n’y aura pas de début des travaux avant l’évacuation de la Zad, et l’on sait que cette évacuation va être compliquée, redoute-t-il. C’est pour cela que nous ne sommes pas dans une posture où nous posons un ultimatum au gouvernement. Il serait déraisonnable d’expulser la Zad dès la semaine prochaine. Mais j’espère quand même que l’attente ne va pas durer trop longtemps, parce qu’on donnerait l’impression aux gens de les avoir fait se déplacer pour voter et qu’ensuite il ne se passe rien. »

François de Beaulieu : « On ne chasse pas comme ça des centaines de personnes et des centaines d’animaux domestiques soutenus par des milliers de personnes »

« On ne chasse pas comme ça des centaines de personnes et des centaines d’animaux domestiques soutenus par des milliers de personnes, avertit de son côté François de Beaulieu. Nous verrons si l’exécutif arrive à évacuer les lieux, compte tenu de la résistance qui lui sera opposée et de l’absence de légitimité juridique du projet, tant que tous les recours ne seront pas épuisés. » Guy Bourlès l’affirme : « Localement, tout le monde est prêt pour cette échéance. Il va y avoir de la tension. Ségolène Royal l’a dit à Manuel Valls : bon courage ! »

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