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Numérique

Orange, BNP... Des sociétés climaticides primées pour leurs écogestes

Orange a raflé la première place du championnat organisé par l'Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB), à Paris le 13 décembre 2022.

Le Championnat de France des économies d’énergie a élu leurs meilleurs élèves, lors d’un show énergivore à Paris, le 13 décembre. Les entreprises climaticides Orange et BNP Paribas sont arrivées en tête.

Paris, reportage

Musique assourdissante, jeu de sons et lumières, concert d’air guitar survitaminé. La troisième édition du Championnat de France des économies d’énergie n’a pas lésiné sur les moyens pour remettre ses prix au stade La Défense Arena, à Paris. Organisé le 13 décembre par l’Institut français pour la performance du bâtiment (IFPEB), il visait à récompenser les acteurs publics et privés qui réduisent la consommation d’énergie de leurs bâtiments. « C’est pour vous qu’on le fait, on s’engage pour que le monde de demain soit vivable, c’est faisable et ludique », a déclaré Laurent Morel, le président de l’IFPEB et également administrateur du Shift Project. Une remise de prix, ou un concert de greenwashing ?

Les résultats de ce concours ont été projetés sur des écrans géants face à quelques centaines de spectateurs, qui tentaient de se réchauffer dans une salle prévue pour 40 000 personnes. Chaque invité a déboulé sur la scène dans un jeu de lumières assourdissant. « Vous êtes tous impliqués dans les économies d’énergie. Même s’il fait froid nous sommes capables de faire les bons écogestes pour qu’il n’y ait pas de coupures [d’électricité cet hiver]. Ce n’est pas la mer à boire », a déclaré Xavier Piechaczyk, le président du directoire du Réseau de transport d’électricité (RTE).

Des écrans géants peu sobres en énergie ont accompagné l’événement. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Répartis en vingt catégories, les lauréats ont été choisis parmi les 200 bâtiments en compétition. En un an, ils ont réalisé en moyenne 18,5 % d’économie d’énergie et économisé près de 48 000 kWh et 3 000 tonnes équivalent CO2. Le résidentiel tertiaire représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Dans une intervention diffusée sur les écrans géants, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, a rappelé en col roulé l’objectif de réduire de 10 % nos consommations d’énergie. Le format proposé ce 13 décembre a semblé lui plaire : « L’émulation collective et l’éducation marchent mieux que la culpabilisation ».

« Les bons écogestes [...] ce n’est pas la mer à boire », selon Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Des lauréats polluants

BNP Paribas, Crédit agricole, Orange, Enedis, Dalkia (filiales du Groupe EDF)... Le nom des nominés aurait pourtant de quoi donner la nausée aux associations environnementales. Orange a raflé la première place du podium, juste devant la banque BNP Paribas. Récompenser le géant des Télécoms, dont la politique de développement nous pousse à consommer toujours plus d’écrans, est-ce bien cohérent ? Quant à BNP Paribas, elle a été désignée banque « la plus polluante de France » par Oxfam France, Les Amis de la Terre France et Notre affaire à tous et premier financeur mondial des principales majors du pétrole et du gaz.

Orange a gagné le premier prix. Élizabeth Tchoungui, représentante du groupe, sur la scène. © NnoMan Cadoret / Reporterre

« Nous avons installé des écrans un peu partout pour rappeler les écogestes, a souligné l’un des lauréats, le groupe BPCE Assurance. On conseille également de ne pas prendre l’ascenseur, d’utiliser l’eau froide plutôt que l’eau chaude. » Baisser la température des bureaux, couper la lumière, éteindre les ordinateurs, mettre en veille les appareils électriques... « Simplement avec des petits gestes, on peut faire une bonne partie du chemin », a assuré le président de Paris-La Défense, Pierre-Yves Guice.

En définitive, c’est sans doute l’un des anciens vainqueurs, Schneider Electric, qui a résumé le mieux l’affaire : pour avoir une marge de progrès importante, mieux vaut partir de loin. « Aujourd’hui nous sommes si performants qu’il nous serait difficile de faire mieux », a déclaré son représentant.

Récompenser les petits gestes dans un concert digne de Beyoncé a de quoi déranger. En ces temps de crise et de futur rationnement, l’heure devrait plutôt être à la remise en question globale de notre politique énergétique. Même si certaines mesures peuvent être efficaces pour réduire nos consommations d’énergie, cela ne sera pas suffisant pour éviter le blackout. Selon une étude du cabinet de conseil Carbone 4, 75 % de nos consommations énergétiques découlent de modèles d’organisation et d’infrastructures sur lesquels l’individu a peu de prise. D’où l’importance de penser la sobriété sur le long terme.


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