Petite zad et fausse plage : 400 activistes belges mobilisés contre Engie

Plusieurs actions étaient organisées pour cette semaine de mobilisation de masse contre les installations du groupe énergétique français. - © Gaelle Henkens / Reporterre
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Luttes Monde ÉnergieMinizad pour bloquer un chantier de centrale à gaz, fausse plage devant le siège social... Des activistes belges ont organisé une semaine de mobilisation de masse contre le groupe énergétique français Engie.
Flémalle-Haute (Belgique), reportage
Des tentes, des banderoles sur les grues, des militantes et militants accrochés aux machines... Depuis le 5 juillet, près de 400 activistes occupent le chantier du site industriel d’Engie, à Flémalle-Haute, en Belgique. Les manifestantes et manifestants, ravitaillés en nourriture par des soutiens extérieurs, mangent et dorment sur place. Soutenus par vingt-cinq organisations de défense de l’environnement et des droits sociaux, ils veulent empêcher « la construction d’une nouvelle centrale à gaz fossile dans un contexte de profonde crise écologique et sociale », déclare Morgane Senden, porte-parole du mouvement.
C’est la principale opération de désobéissance civile menée dans le cadre de la semaine de mobilisation de masse contre les installations du groupe énergétique français. Plusieurs actions simultanées sont prévues par les organisateurs — le mouvement Code rouge. Ils n’en sont pas à leur coup d’essai : l’an dernier, ils avaient bloqué le site industriel de TotalÉnergies, au sud de Bruxelles. « Engie est l’entreprise la plus polluante de Belgique et engrange des milliards de bénéfices grâce aux prix exceptionnellement élevés de l’énergie », résume Code rouge sur son site.

« Il est quasi certain qu’on ne pourra pas limiter les effets du dérèglement climatique en laissant émettre les centrales qui existent déjà. En construisant des centrales supplémentaires, Engie hypothèque notre futur », dit Léo, autre porte-parole de Code rouge. Les militants dénoncent également le soutien du gouvernement fédéral, qui a intégralement financé le chantier à travers une subvention de plusieurs millions d’euros octroyée à l’entreprise. « Cette centrale est payée avec nos impôts », fustige Morgane Senden.

Parmi ses revendications, le mouvement plaide pour une « replanification sociale et écologique du secteur de l’énergie », dit Louis, militant écologiste, à Reporterre. Ce secteur est « dominé par des acteurs privés qui ne pensent qu’à faire des mégaprofits ».
Malgré un large dispositif policier, les manifestants — dont des adolescents et des personnes âgées —, sont parvenus à s’infiltrer sur le site sans encombre. Et ont planté leurs tentes sur tout le périmètre, avec la ferme intention d’occuper le site jusqu’à dimanche. « Ce qui est prévu est que d’autres personnes puissent venir soutenir et relayer le mouvement », explique Morgane Senden.

Mercredi 5 juillet au soir, un autre groupe d’activistes a mené une action symbolique devant la centrale nucléaire de Tihange, elle aussi détenue par Engie, afin de s’opposer à l’accord de prolongement du réacteur de la centrale par le gouvernement wallon. « Ni gaz, ni nucléaire », pouvait-on lire sur leurs banderoles. Selon Morgane Senden, porte-parole du mouvement, la population belge « s’intéresse de plus en plus à ce type d’action, ou du moins comprend son intérêt et est d’accord avec le fait qu’il faut agir ».
Plusieurs pétitions et recours ont été déposés à l’encontre du projet de centrale à gaz, sans résultat. « Les gens de la vallée sont déjà directement touchés par la pollution engendrée par Engie », ajoute Léo, porte-parole de Code rouge et habitant des alentours. « L’action physique est l’ultime solution que l’on peut déployer ». Le chantier occupé par les activistes se situe en effet dans une zone déjà fort industrialisée. Il est notamment surplombé par un terril formé par l’amoncellement de cendres issues de la centrale électrique des Awirs, propriété d’Engie. Or ce terril s’affaisse et représente un danger pour les maisons environnantes. [1]
Le lendemain du début de l’occupation, le 6 juillet, 120 personnes ont installé transats, parasols, filets de beach volley et piscines gonflables devant le siège social d’Engie à Bruxelles. Lors de cette opération « coup de poing festif » baptisée « Engie Plage », les manifestants ont scandé des slogans contre les actionnaires d’Engie devant les immenses bâtiments en verre de l’entreprise. « Fin du monde, fin du mois, même système, même combat » ; « On est là, on est là, même si Engie ne veut pas, nous on est là ». L’action était organisée par une coalition regroupant à la fois des activistes de Code rouge, des militants pour le climat, des Gilets jaunes et des syndicats. « Le but est de faire converger les luttes en dénonçant les profits faramineux engrangés par Engie alors que de nombreuses familles en Belgique n’ont plus les moyens de payer leurs factures et donc de partir en vacances », dit Chloé, porte-parole de Code rouge. En 2023, la multinationale a reversé 3,4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires.

Selon Louis, militant écologiste présent lors de cette action, « il faut socialiser le secteur, le rendre aux mains du public, prendre des décisions collectivement et démocratiquement pour décider de ce qu’on va faire de cette transition. »
Si à Bruxelles, la mobilisation s’est déroulée sans confrontation avec la police, pourtant présente sur les lieux, à Flémalle, la situation est plus tendue. À la suite de l’intervention d’un huissier mandaté par Engie, la police, qui a renforcé ses rangs, a annoncé qu’elle expulserait les militantes et militants ce vendredi à 18 heures. Celles et ceux encore présents se disent « déterminés à ne pas quitter le site », dit Morgane Senden dans un communiqué de presse.