« Pollueurs, le peuple est plus fort ! » : en Serbie, la révolte explose

Manifestation fin novembre à Belgrade, en Serbie. - © Lokalna Alternativa
Manifestation fin novembre à Belgrade, en Serbie. - © Lokalna Alternativa
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Une vague de manifestations contre des projets industriels polluants secoue les dirigeants serbes. L’écologie s’impose comme la principale force de résistance à l’effritement de la démocratie dans le pays.
Alors que plusieurs pays européens sont secoués par des manifestations liées aux conséquences de la pandémie de Covid-19, en Serbie, c’est l’écologie qui mobilise les foules. Ces derniers temps, le pays connaît des mobilisations quasi quotidiennes qui rassemblent régulièrement plusieurs milliers de personnes contre la politique autoritaire du président Aleksandar Vucic. Les manifestants l’accusent de favoriser les intérêts des grandes entreprises internationales, notamment minières, au détriment de l’environnement et de la démocratie. « Vucic, voleur ! » et « Pollueurs, le peuple est plus fort ! » entendait-on ainsi lors des rassemblements écologistes qui ont eu lieu le week-end dernier un peu partout dans le pays. Plusieurs axes de circulation ont été bloqués par les manifestants, notamment dans le centre de Belgrade, la capitale.
Projets miniers controversés, pollution de l’air, protection de l’environnement, scandales de corruption… Alors que la Serbie est déjà l’un des pays les plus pollués d’Europe, les motifs de mécontentement ne manquent pas du côté des militants écologistes. Ceux-ci sont particulièrement inquiets des récents amendements concernant la loi sur les expropriations ainsi que celle sur le référendum adoptés sans débat par le Parlement le 26 novembre dernier. Les associations environnementales estiment que ces nouveaux textes législatifs sont taillés sur mesure pour faciliter la venue d’entreprises étrangères aux activités industrielles particulièrement polluantes. Depuis plusieurs mois, la contestation grandit autour du projet de la multinationale anglo-australienne Rio Tinto qui compte prochainement construire l’une des plus importantes usines de production de lithium d’Europe dans l’ouest de la Serbie.
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Alors que la transition énergétique entraîne une ruée vers les minerais, les écologistes serbes craignent de voir ce type de projets miniers se multiplier et, avec eux, de nouvelles pollutions. « Nous nous opposons à cette loi sur le référendum parce qu’elle ne requiert plus la participation de 50 % des électeurs pour la validité du résultat et qu’elle prévoit la possibilité d’un nouveau référendum, explique Miroslav Mijatovic de la coalition anticorruption Pakt qui se mobilise contre Rio Tinto. Cela veut dire que le gouvernement pourra utiliser le referendum jusqu’à ce qu’il obtienne le résultat qui lui convient. Quant à la loi sur les expropriations, elle introduit une procédure d’urgence qui permet d’exproprier les propriétaires sous trente jours. L’adoption de ces deux lois profite à Rio Tinto car l’expropriation est ainsi rendue possible pour des intérêts privés. »
À quatre mois des élections nationales, ces fortes mobilisations ont placé l’écologie au centre des débats politiques et mis sous pression le gouvernement du président Vucic. Cet ancien ministre de l’Information de Slobodan Milosevic (inculpé pour génocide et crime contre l’humanité par le tribunal international) est aujourd’hui obligé de revoir son agenda néolibéral. La coalition d’associations écologistes à l’origine des principales manifestations appelle au retrait des nouvelles lois controversées et a annoncé son intention de bloquer à nouveau les axes routiers du pays samedi prochain.