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ReportageLuttes

Près de Grenoble, des militants s’attaquent à l’industrie des puces électroniques

Les militants dénoncent l'accaparement de l'eau par STMicroelectronics et Soitec. Ici sur le Craponoz, le 9 septembre 2023.

Pour dénoncer une utilisation excessive de l’eau, une quarantaine de manifestants s’est rassemblée le 9 septembre en Isère, entre deux grandes entreprises de semi-conducteurs.

Vallée du Grésivaudan (Isère), reportage

Il y a des tubas et des masques de plongée, quelques palmes aux pieds et les maillots de bain de circonstance. La chaleur est intense, pourquoi donc ne pas piquer une tête ? Mais la photo de vacances s’arrête là : la quarantaine de personnes présentes le 9 septembre n’est pas venue patauger dans le filet d’eau du ruisseau du Craponoz pour bronzer, mais pour mettre la pression sur l’industrie des semi-conducteurs et ses deux grands représentants locaux, STMicroelectronics et Soitec.

Le collectif StopMicro38 a jeté son dévolu sur ce petit ruisseau qui sépare les communes de Crolles et de Bernin, non loin de Grenoble. Car il est situé entre les deux immenses sites industriels qui comptent ensemble près de 7 000 salariés et qui continuent de s’agrandir. Cotée au CAC 40, STMicroelectronics a doublé ses profits en 2022 avec près de quatre milliards d’euros de bénéfice net.

La demande de microprocesseurs [1] est toujours plus forte et l’entreprise, surnommée ST, a annoncé un grand plan d’investissement de près de 7,5 milliards d’euros pour la construction d’un nouveau site à Crolles, dont 2,9 milliards d’euros sont apportés par l’État français. Il s’agit du « plus grand investissement industriel des dernières décennies, hors nucléaire », annonçait le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en juillet 2022.

« Une course sans fin »

Les militants du collectif StopMicro38 y voient plutôt de l’argent public gaspillé dans des « gadgets futiles et nuisibles », utilisés pour alimenter une croissance mondiale déconnectée des ressources planétaires. Comme lors de la dernière manifestation, le 1er avril, les griefs se concentrent sur la consommation d’eau des deux entreprises.

À lui seul, le site de ST consomme 4,5 millions de m³ d’eau par an, soit environ 15% de ce que consomme la métropole de Grenoble et ses quelque 450 000 habitants. « Ce qui nous interpelle, c’est la course sans fin qui est à l’œuvre pour ces méga-usines », s’inquiètent Florence et Baptiste, deux enseignants de la métropole.

Les militants demandent une gestion plus démocratique de l’eau. © Martin Delacoux / Reporterre

Avec l’agrandissement de l’usine, STMicroelectronics a prévu d’accroître ses prélèvements en eau. Elle prévoit d’en pomper sous son site, dans la nappe phréatique du Grésivaudan, en plus des quelque 22 000 m³ d’eau qui arrivent quotidiennement aux usines de ST et de Soitec depuis la rivière Romanche. Le faible Craponoz n’est donc pas très utile pour les deux groupes.

« L’action est avant tout symbolique, explique un militant se cachant des caméras sous un masque de poisson. C’est une forme de boutade, pour dire qu’on a aussi besoin de se tremper les pieds et pas forcément pour leurs profits. »

De son côté, la section CGT du site de ST à Crolles a publié le 7 septembre un communiqué qui considère que « la gestion de l’eau est opaque » : « Nous revendiquons le passage à une gestion démocratique qui associe la population, les ONG et les syndicats de salariés et de paysans aux décisions, où les priorités d’usage et les restrictions sont décidées dans le souci de l’intérêt général ».

Au-delà de cette question de l’eau, des organisations représentant les salariés ont aussi dénoncé les conditions de travail au sein de l’entreprise. Au mois d’avril, deux personnes sont mortes sur le chantier d’extension de l’usine de ST et deux autres ont été gravement blessées. « Pourtant la direction de STMicroelectronics refuse toujours que les syndicats du site aient le moindre droit de regard sur ce qui se passe du côté du chantier », dénonce la CGT. De son côté, le Collectif autonome et démocratique (CAD), une organisation syndicale indépendante, a publié un communiqué fin juin recommandant aux personnes voulant postuler dans l’entreprise « d’être très vigilants sur leurs futures conditions de travail et d’embauche [...] en particulier à ST Crolles ».

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