Relance du train : Railcoop sur de mauvais rails

La gare de Limoges-Bénédictins, ville dans laquelle doit passer la ligne voyageurs que veut rouvrir Railcoop en 2024. - CC BY-SA 3.0 / Poudou99 / Wikimedia Commons
La gare de Limoges-Bénédictins, ville dans laquelle doit passer la ligne voyageurs que veut rouvrir Railcoop en 2024. - CC BY-SA 3.0 / Poudou99 / Wikimedia Commons
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Transports AlternativesLa coopérative ferroviaire Railcoop, qui souhaite relancer les lignes de train abandonnées par la SNCF, est en difficulté. Elle cherche des fonds pour assurer le lancement de sa première ligne de voyageurs à l’été 2024.
Pas facile de relancer les lignes de train abandonnées par la SNCF. La jeune coopérative Railcoop, créée en 2019, peine à se mettre sur de bons rails. En avril dernier, elle a dû se résoudre à abandonner sa ligne de fret de marchandises entre Capdenac (Lot) et Saint-Jory (Haute-Garonne).
La société impute ce renoncement aux grèves, au report du lancement de sa seconde ligne de fret, à l’effondrement de sa base logistique à Capdenac ou encore aux négociations trop longues avec certains clients. « Nous avons choisi de réorienter notre priorité vers le transport de voyageurs et la future ligne Bordeaux-Lyon », a expliqué le directeur général Nicolas Debaisieux lors d’une conférence de presse donnée le 12 mai. « Certains diront que c’est un échec commercial. D’autres au contraire que nous avons pris une saine décision de gestion pour éviter de poursuivre une activité déficitaire ».
Des départs dans l’équipe
L’arrêt du fret, que l’équipe espère temporaire, n’est pas le seul problème que Railcoop doit affronter. Selon une enquête de Médiacités, Alexandra Debaisieux, la directrice générale déléguée, et son frère, Nicolas Debaisieux, étaient sous le feu des critiques à cause d’un management jugé trop autoritaire et de mauvaises décisions de gestion.
Plusieurs employés désabusés ont quitté le train en marche, sur fond de soucis financiers. Alexandra Debaisieux vient également de rendre son tablier. « C’est un départ choisi, après trois ans et demi de travail épuisant. Dans ce genre de projet à forte connotation sociale, les gens sont très investis et donnent beaucoup », dit Philippe Bourguignon, président du conseil d’administration depuis novembre 2022.
« Nous sommes une coopérative mais surtout une startup »
Suite à cette tempête, Railcoop s’est réorganisée, avec la mise en place d’un comité de gestion des finances et d’un groupe de réflexion stratégique ainsi que l’arrivée d’un nouveau directeur exécutif : Matthieu Aublant. Les activités de direction financière et de gestion de projet vont être externalisées.
« Nous sommes une coopérative mais surtout une start-up et nous devons être plus flexibles. Nous sommes en train de nous organiser comme une vraie PME pour l’année prochaine », poursuit Philippe Bourguignon. Mais en attendant, il va falloir trouver de l’argent.

Depuis ses débuts, Railcoop a levé plus de six millions d’euros auprès de 14 000 sociétaires ainsi que 2,7 millions d’euros via des titres participatifs. Un capital largement consommé par les premières années d’activité. Il faudrait donc trouver quatre millions d’euros afin de boucler le budget pour ouvrir la ligne de voyageurs entre Bordeaux et Lyon. Environ un quart de la somme a déjà été réunie mais la tâche s’avère délicate car les banques sont particulièrement réticentes à financer ce genre d’initiatives.
Les fonds financiers, quant à eux, n’apprécient guère l’égalitarisme coopératif. « Ces sociétés de capital-risque investissent dans des start-up qui gagnent en valeur, même si elles sont déficitaires pendant dix ans. Or, dans une société coopérative, on ne peut pas spéculer sur la part sociale. Si un industriel entre dans Railcoop, sa voix comptera autant que celle des 14 000 autres sociétaires. Tous les instruments qui existent pour financer les start-up ne sont pas compatibles avec les modèles coopératifs », explique Nicolas Debaisieux.
Un soutien public « aléatoire »
Quant aux pouvoirs publics, ils sont tout aussi frileux à sortir le carnet de chèques. « Les banques nous ont demandé d’avoir des régions qui se porteraient garantes. L’Occitanie a accepté mais nous avons eu un refus de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous sommes encore en discussion avec le Grand Est et la Nouvelle-Aquitaine. Mais ce soutien public reste très aléatoire », continue Nicolas Debaisieux.
Railcoop pourrait-elle bénéficier des 100 milliards d’euros du plan de développement du ferroviaire annoncé par Élisabeth Borne en février dernier ? Nicolas Debaisieux s’avoue sceptique : « J’attends encore de voir comment cet argent va être fléché. La question n’est pas d’annoncer un plan de 100 milliards d’euros mais d’avoir une stratégie. Est-ce qu’il faut développer les TGV pour renforcer les métropoles ? Faire en sorte que l’ensemble du territoire soit desservi avec des lignes régionales ? Notre pays manque de vision globale sur le développement du ferroviaire. »
« Un modèle de transport plus protecteur de l’environnement »
Pour Railcoop, la stratégie est claire : désenclaver le territoire en se positionnant sur des lignes boudées par la SNCF, comme la transversale Bordeaux-Lyon via Limoges. Un aller-retour quotidien devrait être lancé à l’été 2024, après plusieurs reports. « Nous avons beaucoup échangé avec les industriels qui ont leur siège social à Limoges. Ils nous disent que leurs collaborateurs prennent leur voiture pour aller à Lyon », explique Philippe Bourguignon.
Cette addiction au transport routier n’est pas sans conséquence sur le développement du rail. « Quand vous avez un groupe de pression qui veut doubler une route, tout cet argent qui va la financer ne sera pas mis sur le ferroviaire, poursuit-il. Et si on continue à avoir envie de se déplacer en voiture, les politiques vont investir dans la route. Il s’agit de philosophie de long terme d’aménagement et de développement du territoire. Les sociétaires de Railcoop sont des gens qui ont une longueur d’avance, ils pensent qu’il faut un modèle de transport plus protecteur de la société et de l’environnement. »