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EntretienRetraites

Retraites : « Tant qu’on reste mobilisés, on peut gagner »

Dans le cortège des Rosies, à Paris, le 7 février 2023.

La réforme des retraites entre dans sa dernière ligne droite, et le gouvernement est encore inflexible face à la mobilisation massive. Pour la militante d’Attac Youlie Yamamoto, « il faut tenir la distance ».

Youlie Yamamoto est activiste, porte-parole d’Attac et cofondatrice du collectif des Rosies.



Reporterre — Cette semaine, on entre dans la dernière ligne droite de la réforme des retraites. Le gouvernement se dit déterminé à aller jusqu’au bout. La mobilisation sociale peut-elle encore le faire reculer ?

Youlie Yamamoto — J’y crois. Je suis une éternelle optimiste mais j’ai aussi suffisamment d’expérience militante pour constater que nous vivons un mouvement social historique. Je ressens dans les cortèges une sorte de pouvoir populaire puissant.

Après les Gilets jaunes, la pandémie, l’inflation… les gens sont au bout du bout. Cette réforme des retraites, c’est le truc de trop. C’est aussi le combat ultime : si on laisse passer cette réforme, on ouvre un boulevard à Macron pour qu’il casse tout notre modèle social. Il s’agit de reprendre en main notre destin, de redonner du sens à notre travail, de refuser la société productiviste qu’on veut nous imposer. Les gens l’ont compris. D’où cette mobilisation massive. Tous les signaux sont au vert pour gagner !

Le gouvernement entend dérouler son calendrier, il espère que la commission mixte paritaire [1] va clore le mouvement social. Mais il n’impressionne personne ; nous sommes déjà en train d’organiser la suite. On a des précédents — comme le cas du CPE [Le contrat première embauche avait été abrogé après la promulgation de la loi] — où les dirigeants ont fini par reculer, même après l’adoption de la mesure. Mai 68 avait commencé en mars, il faut du temps pour qu’une indignation collective se transforme en mobilisation massive et en grève générale. Il faut être tenace.



En janvier, tous les ingrédients semblaient réunis pour une lutte victorieuse : beaucoup de monde dans les rues, des syndicats unis, une large majorité de Français opposée à la réforme, un gouvernement ne disposant pas d’une majorité absolue… Et pourtant, pour le moment, rien n’y fait. Qu’est-ce qui manque ?

Il ne manque rien. Mais il faut tenir la distance. Tant que les gens restent mobilisés, on peut gagner. C’est normal que ça prenne du temps. Regardez déjà ce qu’on a fait : partout dans les régions, on a des villes à l’arrêt les jours de manifestation, les flux sont bloqués — transports, raffineries… On est capable de l’emporter parce qu’on a la force des gens.

Maintenant, il faut consolider la mise à l’arrêt du pays, notamment en soutenant les caisses de grève, qui permettent à celles et ceux qui se mobilisent de tenir dans la durée. Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, qui ont mené 22 mois de grève victorieuse, ont pu tenir aussi grâce aux caisses de solidarité.



Comment répondre à la résignation de certains et de certaines ?

Avec les Rosies, on mise sur la joie. Faire de la mobilisation un moment convivial, c’est essentiel pour garder la motivation intacte. Lors des manifs, on fait circuler l’énergie, le bonheur, l’horizon de la victoire. Ça peut paraître bête comme petite recette, mais sinon, pourquoi lutter ? La dynamique des Rosies rencontre un grand succès, il y a des groupes partout sur le territoire, avec des initiatives créatives et efficaces.

Dans le Val-d’Oise, un collectif organise des danses et des animations sur les marchés, pour récolter des sous pour la caisse de grève des premières de cordée, les Atsem [agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles] et AESH [accompagnants d’élèves en situation de handicap] notamment. C’est génial !



Faut-il continuer à manifester ?

Oui. Les manifestations massives, déterminées, où on prend l’espace, favorisent une adhésion populaire et entretiennent la dynamique. Ces marches sont très plébiscitées, on sent le plaisir qu’ont les gens de retourner dans la rue. Elles montrent aussi le mépris dont fait preuve le gouvernement. Les syndicats ont eu les bons mots : à ne pas écouter les gens dans la rue, les macronistes créent un contexte explosif.

La manifestation, c’est un moteur pour garder du souffle, du pouvoir, mais c’est aussi essentiel pour montrer notre soutien aux personnes qui bloquent, pour que celles et ceux qui se lèvent à l’aube pour faire un barrage ou un piquet de grève ne se sentent pas seuls. Manif et blocage sont interdépendants. Ça permet aussi de nourrir les caisses de grève.

Après, à Attac, on souhaite proposer d’aller plus loin, car il faut monter d’un cran. Pourquoi pas un rassemblement convivial et solennel devant l’Assemblée le 15 mars ?



Dans les semaines qui arrivent, quelles suites pour le mouvement ?

On invite les gens à multiplier les initiatives et les actions, devant les permanences de parlementaires qui vont voter la loi, en allant soutenir les piquets stratégiques. Chacun peut se renseigner auprès des syndicats ou des associations locales.

Il y a plein de manières de se mobiliser. Convaincre autour de soi, rendre visible son opposition — par exemple en portant un brassard « 64 ans, c’est non » quand on sort. Il faut montrer qu’on n’est pas d’accord, et ne pas passer à autre chose, même — surtout — après le 15 mars.

Nous devons, et nous allons remporter ce combat. Car gagner maintenant, c’est gagner du pouvoir contre Macron et son projet de société liberticide, climaticide et antisociale. Nous avons besoin de cette victoire pour ressentir de la force.

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