Retraites : les idées des manifestants pour poursuivre la mobilisation

900 000 personnes ont défilé selon la CGT lors de la mobilisation contre la réforme des retraites le 6 juin 2023. - © NnoMan Cadoret/ Reporterre
900 000 personnes ont défilé selon la CGT lors de la mobilisation contre la réforme des retraites le 6 juin 2023. - © NnoMan Cadoret/ Reporterre
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Luttes Social RetraitesLes manifestations contre la réforme des retraites, mardi 6 juin, étaient moins fournies que les précédentes. Mais les manifestants vont continuer à se mobiliser. Actions spectaculaires, conférences, casserolades… Reporterre leur a demandé comment.
« C’est la dernière manifestation contre la réforme des retraites sous ce format-là », a déclaré mardi 6 juin, au départ de la manifestation parisienne, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger. Pour la quatorzième journée de mobilisation, 900 000 personnes ont défilé selon la CGT (280 000 selon la police) ce mardi dans toute la France.
« Il y a toujours une colère et un ressentiment », a prévenu le syndicaliste. Cette manifestation ne marque pas la fin de toute contestation sociale. Dans les cortèges, Reporterre a demandé aux manifestants comment ils comptent continuer à se mobiliser. Ils ont des envies de luttes plein la tête et constatent que le mouvement contre la réforme des retraites leur a permis de renforcer les collectifs.
À Paris...
Pierrette : « Tables rondes, conférences... Le travail d’information est très important »

« Nous militons pour une réelle politique de santé publique dans les outre-mer au regard du scandale d’État du chlordécone. Nous sommes en lien avec des ouvriers et ouvrières en Martinique ou encore en Guadeloupe : là-bas, les personnes décèdent de cancers bien avant d’avoir atteint la retraite ! Cette réforme est donc du foutage de gueule, et il faut que les premiers concernés puissent dénoncer les oppressions qu’ils subissent. En amenant des banderoles à la plage cet été par exemple, mais aussi en multipliant les tables rondes et les conférences : le travail d’information est très important. »
Anaëlle : « On doit organiser des actions coup de poing »

« Il faut que l’on continue à participer aux manifestations nationales, mais aussi que l’on organise des actions coup de poing, en bloquant les routes ou les lieux de pouvoir. Sur les retraites, on a aujourd’hui très peu de chances de gagner. Mais toute cette mobilisation ouvre des perspectives pour lutter contre les autres réformes à venir : la loi Immigration qui arrive à l’Assemblée nationale, par exemple. »
Une militante d’Extinction Rebellion : « Il y a les actions de désobéissance civile »

« Pour continuer à se mobiliser, il y a les actions de désobéissance civile. Le maquillage anti-reconnaissance faciale est également important : les drones sont à présent autorisés à survoler les cortèges. Les manifestations ne sont plus celles que l’on a connues avant… »
Anne : « Continuons à accueillir les déplacements de ministres »

« Il faut absolument que l’on multiplie les actions au niveau local, en continuant à accueillir les déplacements de ministres. Je milite dans le XIIIe arrondissement de Paris : la semaine précédant la manifestation d’aujourd’hui, j’ai tracté deux fois par jour. Parfois, avec des camarades, nous allons aussi danser devant la place d’Italie : il est important de garder un aspect festif dans nos luttes. Certes, tout le monde est fatigué des cinq mois de mobilisation que nous venons de vivre. Récemment, quelqu’un m’a dit que c’était trop tard. Mais non : cela ne sera trop tard que lorsque l’on sera morts ! Depuis janvier, l’intersyndicale et les associations sont unies, personne n’a lâché : voilà ce qui nous donne aussi la force de tenir. »
Victor : « La Nupes à l’Assemblée est un très bon outil »

« La répression est de plus en plus forte — il n’y a qu’à voir le fait que Gérald Darmanin souhaite dissoudre Les Soulèvements de la Terre. Même si ce sont les citoyens qui peuvent réellement mettre la pression au gouvernement, et qu’il faut que l’on continue à multiplier les manifestations et les actions très localisées, la présence de la Nupes à l’Assemblée nationale est un très bon outil pour essayer de faire bouger les choses, et ce, pour toutes les batailles à venir. »
À Alès...
Nadine et Sylviane : « Ce mouvement social aura permis aux syndicats de se souder »

« Oui, on va continuer de se mobiliser. On l’est depuis le début ! Sinon, on ira travailler avec le déambulateur. On a des douleurs partout : dans le dos, les bras, les jambes. On a des tendinites calcifiées. Pour se mobiliser, on met des affiches au boulot, on rappelle aux collègues qu’il y a grève. Les résidents sont avec nous. On essaye d’y croire. Quand même, Macron, c’est son peuple qui lui parle. Il n’a pas tous les droits. Au moins, ce mouvement social aura permis aux syndicats de se souder. »
Sylvain : « On perturbe des réunions patronales »

« J’ai le sentiment d’un baroud d’honneur aujourd’hui. On était mobilisés avant les retraites, et on va continuer de l’être. Chez Sud, on cherche à innover dans les formes d’action, à créer des nuisances — par exemple, on perturbe les réunions patronales. C’est compliqué de mobiliser dans mon secteur : on travaille dans de petites structures, et les premières personnes touchées quand on fait grève ce sont les enfants et les personnes handicapées dont on s’occupe. Malgré tout, on est en train de créer un collectif du travail social en lutte. On doit déranger, rester le caillou dans la chaussure. »
Virginie : « Le rassemblement des luttes au Larzac nous permettra de trouver de nouvelles formes de mobilisation »

« Je suis mobilisée depuis le début et vais le rester. L’Union syndicale a servi à ce que les gens se mobilisent tous ensemble. Mais ça s’essouffle, il faut s’organiser différemment. Ici, on conteste aussi des projets tels que la ferme verticale Futura Gaïa, une mégabassine, un parc photovoltaïque... On ne doit plus se retrouver devant le fait accompli. J’espère que le rassemblement des luttes au Larzac cet été [Les Résistantes] nous permettra de trouver de nouvelles formes. »

À Toulouse...
François : « Il faut diversifier la lutte »
Ce retraité de l’informatique est militant à Attac.
« Je refuse de me dire que c’est la dernière manifestation ou que c’est une forme de baroud d’honneur. La lutte continuera jusqu’au bout, que ce soit pendant un mois, un an ou dix ans encore s’il le faut. Aujourd’hui, on montre que malgré toutes les ressources que mobilisent le gouvernement et la classe possédante pour briser les travailleurs, on est toujours unis et on peut toujours se mobiliser massivement. Désormais, il faut diversifier la lutte et il faut profiter de ce climat tendu dans le pays avec toutes ces luttes sociales et environnementales pour construire collectivement la mobilisation. »
Nissa : « Il y a des casserolades partout dans le pays »
Elle est salariée dans une association.
« C’est peut-être la fin des grandes manifestations intersyndicales mais ce n’est pas la fin de la mobilisation. Il y a beaucoup d’initiatives citoyennes qui se mettent en place partout dans le pays avec les casserolades. D’ailleurs, je crois plus en ce type d’action pour la suite du mouvement. On le voit aujourd’hui, la manifestation ressemble plus à une marche blanche, tout le monde est dégoûté, il faut construire la mobilisation en dehors du calendrier de l’intersyndicale. »
Simon : « La réforme des retraites a été un tremplin pour de nouvelles revendications »
Il est étudiant et secrétaire général de la CGT Sela, le syndicat des étudiants, lycéens et apprentis.
« La réforme des retraites a été un tremplin pour de nouvelles revendications dans les entreprises, sur les salaires ou sur la charge de travail par exemple, et on a eu énormément de nouvelles adhésions dans nos syndicats. Désormais, la mobilisation va dépendre de la base parce qu’on le sait, ce qui est le plus efficace ce ne sont pas les manifestations ou l’action parlementaire, mais les grèves de longue durée. Ces grèves, ce n’est pas l’intersyndicale qui les décide mais les comités locaux et les salariés dans les entreprises. »