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ReportageAgriculture

Sécheresse en Bretagne : « Pour s’adapter, la flore doit changer »

Avant-même la mi-mai, la terre bretonne est déjà bien sèche.

La Bretagne est en déficit de pluies depuis plus de six mois. Près de Redon, un producteur de lait visité par Reporterre raconte comment la sécheresse l’oblige à revoir les cultures nourricières de ses vaches, et son pessimisme pour les mois à venir.

Saint-Just (Ille-et-Vilaine), reportage

Bien que le cliché veuille qu’il pleuve constamment en Bretagne, la région connaît depuis octobre 2021 un déficit pluviométrique moyen de 30 %, selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Ce manque de pluie a pour conséquences directes un niveau des nappes phréatiques particulièrement bas ainsi qu’un placement fin avril du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine en vigilance sécheresse, tandis que les Côtes-d’Armor sont placés en surveillance accrue.

À Saint-Just, dans le pays de Redon en Ille-et-Vilaine, Dominique Blouin produit du lait bio et constate déjà le manque de pluie sur ses 55 hectares d’exploitation. « Nous sommes à la mi-mai et la végétation a l’apparence d’un mois de juin », constate l’éleveur. « Pour l’instant, nous ne sommes pas optimistes avec mes confrères mais nous tâchons de nous rassurer mutuellement. La tendance va vers des grosses périodes de chaud accompagné de vent sec comme maintenant, entrecoupées de fortes pluies. Ce sont davantage d’épisodes pluvieux et moins forts qu’il nous faudrait. »

Dominique Blouin possède 45 vaches laitières. Avec la sécheresse, produire assez pour les nourrir devient diffiicile. © Guy Pichard / Reporterre

Pour nourrir ses 45 vaches laitières, Dominique Blouin cultive sur 85 % de sa surface de la prairie à flore variée (graminée, trèfles, lotier, etc.), les 8 hectares restant sont couverts par un mélange céréalier ainsi que du maïs ensilage pour la nourriture des bêtes, notamment en hiver. Bien que très minoritaire dans son élevage, c’est cette dernière plante, particulièrement gourmande en eau, qui subit le plus fortement les sécheresses, à tel point qu’il devient risqué pour l’exploitant de la cultiver. « Le maïs représente un gros investissement de départ : entre le travail du sol et la récolte, son prix de revient est d’environ 1 000 euros l’hectare. Le besoin de résultat est donc essentiel », dit-il.

« En bio et avec l’augmentation généralisée des prix, c’est très difficile en ce moment »

« Dans le pays de Redon, cela fait quelques années que nous essayons de pallier à ces sécheresses récurrentes, poursuit le producteur de lait. J’ai terminé hier de semer mon maïs pour cette année, mais je me demande si je vais continuer d’en produire. En acheter pour compenser, quand c’est possible, n’est pas un bon calcul car en bio et avec l’augmentation des prix généralisée, c’est très difficile en ce moment ».

Dominique Blouin : « Ce qui était avant des roues de secours en cas de sécheresse sont quasiment devenues la norme » © Guy Pichard / Reporterre

Bien que le maïs puisse être « sauvé » dans l’été avec simplement un gros orage par mois, Dominique Blouin a déjà commencé à le remplacer par d’autres céréales protéagineuses (pois, féveroles et autres), moins fragiles face à la météo sèche. « Pour assurer le coup, nous produisons un mélange de céréales », explique-t-il. « Comme cette année nous nous rendons compte qu’il y a un manque d’eau crucial, il est possible que nous récoltions ces céréales sous forme d’ensilage en juin plutôt qu’en août, le mois de juin étant l’option en cas de grande sécheresse. C’est clairement une roue de secours, nous appelons cela des céréales immatures. »

En cas de sécheresse trop importante, l’agriculteur pourrait être contraint de récolter bien plus tôt que prévu ce qu’il nomme des « céréales immatures ». © Guy Pichard / Reporterre

Dernier levier à activer si la pluie continue de se faire rare, vendre des animaux pour moins produire par manque de nourriture, et donc voir ses revenus baisser. « Ce qui était avant des roues de secours en cas de sécheresse sont quasiment devenues la norme », déplore-t-il. « Je fais partie d’un groupe d’échange d’agriculteurs avec pour thème "Comment adapter nos prairies au réchauffement climatique", car la flore doit changer. Ce groupe d’échange travaille avec un ingénieur de Toulouse qui étudie notamment notre passage à des espèces plus résistantes au soleil et à la chaleur, mais aussi à l’excès d’eau. »

Bien conscient des problématiques actuelles, l’exploitant arrive dans une période cruciale de l’année. « La météo est annoncée jusqu’à 15 jours, au-delà ce ne sont que des grandes tendances. Le beau temps ce n’est pas forcément le bon temps. J’ai souvent du mal à partager l’enthousiasme médiatique annonçant de belles journées de grand soleil en mai », regrette Dominique Blouin. « Le changement climatique est réel et c’est collectivement que nous devrions trouver des solutions ».

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