Sécheresse, pesticides, sexisme... Les 5 défis de l’agriculture française

101 000 fermes ont disparu en dix ans, entre 2010 et 2020. - Pexels/CC/Ezgi Bulut
101 000 fermes ont disparu en dix ans, entre 2010 et 2020. - Pexels/CC/Ezgi Bulut
Durée de lecture : 6 minutes
AgricultureDéveloppement de l’élevage intensif, paysans moins nombreux, agricultrices sous-représentées... Différents défis attendent l’agriculture française. Tour d’horizon en 5 points.
Des vaches de toutes les couleurs et toutes les régions de France, des enfants ravis de leur caresser le museau, des médailles pour les plus belles bêtes ou les meilleurs fromages, des restaurants éphémères promettant des régals gastronomiques… Le Salon de l’agriculture ouvre ses portes samedi 25 février à Paris, offrant comme à son habitude une image folklorique de l’agriculture française. Derrière le tableau bucolique se cache pourtant un développement de l’élevage intensif, un agrandissement des fermes de plus en plus industrialisées, l’extinction des oiseaux et des insectes due aux pesticides, la pollution de nos eaux, la disparition des paysans, la menace du changement climatique...
Reporterre a identifié cinq chiffres pour lever le voile, et illustrer les défis à relever par l’agriculture française dans les années à venir.
• 101 000 fermes en moins
C’est le nombre de fermes qui ont disparu en dix ans, entre 2010 et 2020. Le chiffre a été dévoilé par le dernier recensement agricole. Cela représente vingt-sept fermes en moins chaque jour, soit 20 % des fermes.

En parallèle, le nombre d’agriculteurs a diminué de 18 %, de 604 000 en 2010 à 496 000 en 2020. Cela est allé avec un agrandissement des fermes : elles faisaient en moyenne 55 hectares en 2010, contre 69 hectares en 2020 (+25 %).
L’agrandissement des fermes est une mauvaise nouvelle pour l’écologie : cela augmente la taille des parcelles, entraîne la destruction des haies et le retournement des prairies favorables à la biodiversité, encourage la mécanisation et l’utilisation accrue d’engrais et de pesticides.
Cela rend aussi plus difficile l’installation de jeunes agriculteurs, en augmentant l’investissement nécessaire pour racheter une ferme. Le renouvellement des générations est pourtant un enjeu majeur : d’ici 2030, un agriculteur sur deux pourrait prendre sa retraite.
• 1 % des exploitations produisent les deux tiers des porcs, poulets et œufs en France
L’élevage mis en avant au Salon de l’agriculture n’est pas celui qui domine en France. En 2020, Greenpeace a fait un état des lieux des plus grosses fermes en France, celles soumises à une réglementation environnementale spécifique. L’enquête de l’ONG montre que les fermes d’élevage ont disparu, et que la production s’est concentrée dans 3 300 entités (soit très peu, alors que l’on compte en France 390 000 fermes). 87 % des élevages de porcs ont disparu entre 1988 et 2010, les chiffres sont de 86 % pour ceux de poulets de chair et 87 % pour les poules pondeuses. La concentration est aussi géographique : 70 % de ces élevages intensifs sont en Bretagne (50 %) ou dans les Pays de la Loire (20 %).

L’agriculture représente 19 % des émissions de gaz à effet de serre de la France en 2019, et l’élevage est responsable de 71 % de ces émissions. Le cabinet d’étude Solagro a imaginé à quoi pourrait ressembler l’élevage en 2050, pour répondre aux défis environnementaux : il souligne la nécessité de privilégier l’élevage herbager plutôt que l’élevage industriel, et de réduire à la fois la consommation de viande et de fromage.
• 17 % de femmes à la tête des fermes
En 2020, 16,9 % des exploitations et entreprises agricoles sont dirigées par des femmes exclusivement, nous apprend la Mutualité sociale agricole (MSA). 12,7 % des fermes sont dirigées par une équipe mixte. En 1970, seuls 8 % des chefs d’exploitations étaient des femmes. L’évolution juridique a permis aux femmes d’être plus visibles et d’acquérir un statut reconnaissant mieux leur rôle sur la ferme, explique une étude du ministère de l’Agriculture.

Mais il reste beaucoup de travail pour éliminer le sexisme qui règne dans le monde agricole. « On est toujours ramenées à notre genre », témoignait en 2021 une agricultrice sur Reporterre. La division des tâches sur les fermes reste très genrée. Une enquête de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) réalisée en 2018 indiquait que dans 80 % des cas, la femme fait le travail administratif, et que 66 % des agricultrices déclarent prendre en charge les tâches ménagères en totalité ou presque. En revanche, l’utilisation du tracteur est majoritairement réservée aux hommes.
• 12 millions de Français ont bu de l’eau contaminée aux pesticides
Une enquête du journal Le Monde publiée en septembre 2022 révélait ce chiffre impressionnant : 20 % des Français, soit 12 millions de personnes, ont bu une eau non conforme en 2021. La faute aux produits phytosanitaires. Cela confirme l’ampleur de la contamination aux pesticides de nos ressources en eau en France.
Alors que l’objectif du plan gouvernemental Écophyto était de réduire l’utilisation des produits chimiques de 50 %, leur utilisation a en fait augmenté de 20 % entre 2009 et 2018. Financièrement, il est pourtant moins cher de développer une agriculture moins polluante comme l’agriculture biologique que de dépolluer l’eau.
• Moins 20 à 30 % de récoltes
La canicule de 2003 a entraîné des pertes de récolte allant de 20 à 30 %, dues au manque de pluie et aux températures élevées, ont calculé des chercheurs dans une étude parue dans la revue Nature. « Une telle réduction de la productivité en Europe est sans précédent au cours du siècle dernier », écrivaient les auteurs.
Or, vagues de chaleur, sécheresses, chutes de grêle, gels tardifs ou encore précipitations intenses vont être de plus en plus fréquentes dans les années à venir en raison du changement climatique.
L’agriculture doit donc s’adapter. L’agroécologie est une solution. Elle invite à augmenter la diversité sur les fermes : plus de plantes différentes cultivées, plus de variétés pour chacune de ces plantes. Elle incite à développer des variétés adaptées à la sécheresse, et à privilégier les cultures moins gourmandes en eau. À l’inverse, d’autres proposent d’augmenter le stockage de l’eau et l’irrigation. La lutte autour des mégabassines illustre cet enjeu essentiel du partage de l’eau.