Taxe carbone, déforestation... L’UE cherche ses priorités environnementales

- Wikimedia Commons/CC BY-SA 2.0/MPD01605
- Wikimedia Commons/CC BY-SA 2.0/MPD01605
Durée de lecture : 4 minutes
Climat Europe Forêts tropicalesLes ministres de l’Environnement de l’Union européenne se sont réunis ce jeudi 20 janvier à Amiens (Somme) pour deux jours de discussions sur les priorités climatiques européennes. Sur la table, plusieurs sujets épineux évoqués dans le plan européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Si aucun accord n’est attendu à l’issue de ces discussions, Emmanuel Macron entend saisir cette occasion pour faire avancer les négociations alors que la France vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne. Une autre réunion des ministres de l’Énergie des Vingt-Sept est prévue dans la même ville, vendredi 21 et samedi 22 janvier.
- Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
Parmi les sujets, le « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ». Il consisterait à taxer certains produits d’importation, comme l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais et l’électricité au prix du marché carbone européen, en fonction des émissions liées à leur production. Pour ne pas enfreindre les principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cette mesure, proposée par la Commission européenne, devrait être assortie d’une suppression des quotas d’émissions gratuits offerts aux industriels européens pour les aider à faire face à la concurrence de pays tiers. C’est là que le bât blesse pour certains États et eurodéputés européens, qui craignent une augmentation des coûts de production. « La taxe carbone] pose des questions compliquées : qui collecte l’argent ? Où va-t-il ? », a dit un diplomate européen à l’AFP.
Des ONG avaient mis en garde contre l’insuffisance de cette mesure. « La taxe carbone aux frontières ne doit pas être un chiffon rouge opportuniste pour stigmatiser les pays en voie de développement et éluder la nécessité pour l’UE de commencer à décarboner sérieusement son industrie », avait déclaré Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace, lors d’une conférence organisée par le Réseau Action Climat (RAC) le 9 décembre 2021 à laquelle a assisté Reporterre. « La présidence française ne doit pas se résumer à des totems électoraux : une victoire sur le mécanisme carbone aux frontières seul ne suffira pas à faire d’elle un succès pour le climat », avait dit de son côté Neil Makaroff, responsable des politiques européennes au RAC.
- Lutte contre la déforestation importée
Un projet de règlement contre la déforestation importée proposé par la Commission européenne mi-novembre 2021 sera également au menu des discussions. Concrètement, plus un pays détruit des forêts pour produire certaines marchandises — soja, bœuf, huile de palme, bois, cacao, café et leurs produits dérivés —, plus bas il serait dans le classement, jusqu’à se voir interdire l’accès au marché européen. Une mesure censée épargner chaque année 71 920 hectares de forêt d’ici 2030 et réduire les émissions de gaz à effet de serre de 31,9 millions de tonnes par an, espère Bruxelles.
Les discussions sur ce projet commencent à peine parmi les États et dans l’Union européenne. La réunion d’Amiens permettra d’« avoir une vision claire des enjeux politiques », espère le ministère de la Transition écologique. Parmi les questions posées, celle d’un élargissement des écosystèmes concernés — les ONG, elles, réclament que soient inclus dans le texte d’autres milieux tels que les savanes et les tourbières ainsi que la protection des peuples autochtones et communautés locales.
- Extension du marché carbone européen aux carburants et au fioul domestique
La Commission européenne a proposé qu’après les industriels et les énergéticiens, les fournisseurs de carburant routier et de fioul domestique soient à leur tour contraints d’acheter des quotas d’émissions de carbone dès 2025. Un « fonds solidaire » européen accompagnerait cette mesure pour éviter qu’une éventuelle hausse des prix ne frappe de plein fouet les ménages les plus modestes.
Malgré cela, cette proposition est loin de faire l’unanimité parmi les Vingt-Sept. « La France a exprimé ses vives inquiétudes sur l’acceptabilité sociale. [...] On a connu les Gilets jaunes, on sait que la transition doit prendre en compte les intérêts des populations et des différents États », a ainsi plaidé l’entourage de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Pas sûr que le contexte de très forte hausse des prix du gaz et du carburant n’aide à avancer sur cette question.