Tennis : Wimbledon veut s’agrandir au détriment d’un parc historique

Le parc de Wimbledon et nombre de ses arbres anciens risquent d'être largement artificialisés pour construire un stade, des terrains de tennis, et les infrastructures associées. - Cmglee / CC BY-SA 3.0 / Wikimedia Commons
Le parc de Wimbledon et nombre de ses arbres anciens risquent d'être largement artificialisés pour construire un stade, des terrains de tennis, et les infrastructures associées. - Cmglee / CC BY-SA 3.0 / Wikimedia Commons
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Dans le quartier londonien de Wimbledon, des résidents s’opposent aux organisateurs du tournoi international de tennis. Ces derniers projettent d’artificialiser des espaces verts dont un golf pour installer de nouveaux courts.
Londres, correspondance
Il fut un temps où la vallée de Wimbledon abritait l’un des plus impressionnants parcs de l’Ouest londonien : presque cinq cents hectares d’herbe, d’étangs et de bosquets d’arbres, savamment agencés au pied d’un manoir par Lancelot « Capability » Brown, le maître par excellence du jardin à l’anglaise.
Au fil des ans, ces kilomètres de verdure ont cédé du terrain à la ville. Aujourd’hui, il ne reste guère plus de quelques dizaines d’hectares, que se partagent un terrain de golf, un lac, et un parc familial dont les aires de jeu ne désemplissent pas. Or, le All England Lawn Tennis and Croquet Club (AELTC), organisateur du tournoi de Wimbledon, lorgne sur le terrain de golf pour augmenter ses capacités. Il en a déjà racheté le terrain, puis le club, versant 85 000 £ à ses membres pour mettre fin à leur bail plus tôt que prévu. Depuis, des barrières ont été installées pour limiter l’accès à la zone.
Un stade et 38 courts de tennis en plus
Ce projet, s’il aboutit, consiste à construire un stade couvert de 8 000 places et 38 courts de tennis en plus de ceux que gère déjà l’AELTC, de l’autre côté de la rue. Pour le club, cet agrandissement est nécessaire pour « remédier à deux faiblesses » : le tournoi est le seul du Grand Chelem à organiser ses phases de qualification sur un autre site, à quelques kilomètres de là, et « les joueurs des compétitions principales disposent des installations d’entraînement les plus limitées », comparé à Paris, New York et Melbourne.
Pour la PDG du groupe, Sally Bolton, l’agrandissement sera « l’une des plus grandes transformations sportives de Londres depuis les Jeux olympiques de 2012 ». Non content d’être le plus ancien tournoi du Grand Chelem, Wimbledon veut aussi être le plus moderne.
« Chaque mètre carré de terrain va être terrassé et nivelé »
« À peu près chaque mètre carré de terrain va être terrassé et nivelé », explique Christopher Coombe, avocat à la retraite et membre de la campagne Save Wimbledon Park. Ce collectif se mobilise contre le projet depuis juillet 2021, suite au dépôt de la demande de permis de construire par l’AELTC.
« Ils ne laisseront qu’une section où on trouve les arbres les plus anciens, poursuit Christopher Coombe. Le reste sera recouvert de courts de tennis, de routes, de bâtiments avec de vastes sous-sols. Il faudra détruire et creuser énormément pour construire tout cela, et on estime que les travaux prendront huit ans. »
Face à cette perspective, plus de 14 000 personnes ont signé la pétition lancée par Save Wimbledon Park s’opposant au projet. 2 000 lettres de protestation ont également été envoyées aux services de planification urbaine concernés. Des députés de partis opposés ont dénoncé d’une même voix l’ambition de l’AELTC, tout comme le maire de Wimbledon. Le parc est protégé à plusieurs échelles, inscrit sur le Registre des parcs et jardins d’intérêt historique particulier en Angleterre, et fait partie de la « ceinture verte » de Londres.

Pourtant, jeudi 26 octobre, le conseil de l’arrondissement de Merton dans lequel se trouve le parc a voté pour l’agrandissement à six voix contre quatre, au terme d’une réunion de plusieurs heures, en dépit de la manifestation qui se tenait devant. Le projet doit désormais recevoir l’aval d’un autre arrondissement, celui de Wandsworth, avant d’être examiné par le GLA, l’autorité chargée de la gestion du Grand Londres, et possiblement par le ministère du Logement.
« Nous sommes tiraillés », explique Christopher Coombe. « Tout le monde ici aime le tennis et le tournoi, mais on ne veut pas le voir tripler de volume et détruire l’environnement alors que tout marche déjà parfaitement. » La députée conservatrice Fleur Anderson, qui représente plusieurs localités de l’arrondissement de Wandsworth, a confié ses doutes à la BBC : « Il n’y a aucune garantie que, dans cinq ans, le club de Wimbledon ne revienne pas pour dire “Nous allons construire des hôtels sur ce terrain” […]. Il est question de sauver nos espaces verts. » La décision de Wandsworth est attendue fin novembre. Les membres de Save Wimbledon Park ont d’ores et déjà prévu de manifester.