Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

En brefClimat

Total assigné en justice pour manquement à son devoir de vigilance climatique

Actualisation - Jeudi 30 janvier 2020 - Le tribunal de grande instance de Nanterre a rendu le 30 janvier sa décision concernant l’action en référé intentée par les Amis de la Terre France, Survie et quatre associations ougandaises (AFIEGO, CRED, NAPE/Amis de la Terre Ouganda et NAVODA) contre le groupe Total concernant son méga-projet pétrolier en Ouganda. Il s’agit de la toute première décision de justice sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Les juges ont considéré que le dossier ne relevait pas de leur compétence mais de celle du tribunal de commerce. Ils n’ont donc pas examiné les demandes des associations. Les Amis de la Terre France et Survie contestent fermement cette décision qui impacte également négativement toutes les affaires à venir, et envisagent de faire appel. - Source : Amis de la Terre et Survie


Mercredi 29 janvier 2020 - Quatorze collectivités territoriales et les associations Notre affaire à tous, Sherpa, ZEA, les Éco Maires et France Nature Environnement ont assigné mardi 28 janvier Total devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Elles demandent qu’il lui soit ordonné de prendre les mesures nécessaires pour réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit du premier contentieux climatique en France visant à rehausser les ambitions climatiques d’une multinationale du pétrole.

Cette action en justice s’appuie sur la loi entrée en vigueur le 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance. Elle oblige les multinationales de plus de 5.000 salariés dont le siège est en France à prendre des mesures pour identifier et prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé, à la sécurité des personnes et à l’environnement causées par leurs activités et celles de leurs filiales, même étrangères.

Le groupe Total est chaque année à l’origine d’environ 1 % des émissions mondiales (458 millions de tonnes équivalent de CO2), soit 13 millions de tonnes de plus que les émissions territoriales françaises. Selon le rapport carbon major de 2017, Total fait ainsi partie des 20 entreprises contribuant le plus au réchauffement climatique dans le monde. « Au regard de cette contribution majeure au réchauffement climatique, Total porte une responsabilité particulière et se doit d’effectuer une transition énergétique à la hauteur des enjeux », écrit le collectif dans son communiqué.

« Les territoires ne peuvent pas se battre seuls contre le changement climatique » 

Cette assignation en justice constitue la troisième action juridique du collectif face au géant pétrolier et gazier. Le 22 octobre 2018, le collectif, alors composé de 13 collectivités et de 4 associations, interpellait Total face à l’absence de toute référence au changement climatique dans son premier plan de vigilance daté du 15 mars 2018, plan qu’il est légalement tenu de respecter. Le 19 juin 2019, les villes d’Arcueil, de Bayonne, de Bègles, de Bize-Minervois, de Champneuville, de Correns, de Grande-Synthe, de Grenoble, de La Possession, de Mouans-Sartoux, de Nanterre, de Sevran et de Vitry-le-François, ainsi que l’établissement public territorial Est Ensemble Grand Paris, et les associations Notre affaire à tous, Sherpa, Les Éco Maires, et ZEA mettaient Total en demeure de prendre des mesures nécessaires pour prévenir les risques majeurs liés au changement climatique

La région Centre-Val de Loire et la fédération France Nature Environnement (FNE) ont depuis rejoint le collectif pour assigner l’entreprise devant le tribunal judiciaire de Nanterre, face à son inaction depuis la mise en demeure de juin 2019. « Ni la publication d’un second plan de vigilance en mars 2019 ni les échanges avec la direction de Total, y compris une rencontre avec son président directeur général, Patrick Pouyanné, n’ont abouti à une évolution substantielle des engagements climatiques de Total », dénonce le collectif dans son communiqué.

Selon Patrick Jerry, le maire de Nanterre, « les territoires ne peuvent pas se battre seuls contre le changement climatique, à côté d’entreprises comme Total qui n’assument pas leur responsabilité. Nous utilisons l’arme judiciaire pour changer cette situation, qui ne peut plus durer ». Même avis pour Christian Métairie, le maire d’Arcueil, pour qui « la résilience locale ne suffit pas. On aura besoin d’une action concertée », affirme-t-il. François de Cambiaire, du cabinet Seattle Avocats — chargé de cette affaire — explique la démarche de l’action juridique : « C’est une action juridique au long cours, durant lequel nous allons demander un suivi à Total. »

« Les ambitions climatiques de Total sont clairement en inadéquation avec la trajectoire de 1,5 °C, la seule réellement cohérente avec les objectifs de l’Accord de Paris », déplore le collectif dans son communiqué. Bien que cet accord ne soit opposable qu’aux États seulement, pour Sébastien Mabile, du cabinet Seattle Avocat, « ce serait une première mondiale si on arrive à rendre opposable l’Accord de Paris à une entreprise privée grâce à la loi de vigilance. La question qui se pose avec les États se pose dorénavant avec les entreprises » — à commencer par celles qui émettent à elles seules davantage de gaz à effet de serre que des pays entiers.

  • Source : Victor Chaix pour Reporterre
  • Photo : La tour Total, siège de la multinationale, dans le quartier d’affaires La Défense. Flickr (dany13/CC BY 2.0)

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende