Tour de France : les grands moyens contre les grandes chaleurs

Sur la septième étape du Tour de France 2022. - Copyleft / Wladyslaw Sojka / Wikimedia Commons
Sur la septième étape du Tour de France 2022. - Copyleft / Wladyslaw Sojka / Wikimedia Commons
Durée de lecture : 5 minutes
Climat SportsLes équipes des cyclistes du Tour de France emploient une logistique massive pour protéger leurs coureurs de la chaleur. Un arsenal technique qui ne peut que limiter la casse face à la montée des températures.
Le Tour de France pourra-t-il toujours se disputer en juillet ? En cette semaine d’alerte canicule, la Grande Boucle subit de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique, même si les coureurs ont toujours appris à s’adapter aux fortes chaleurs. La manifestation écologiste qui a perturbé la course mardi 12 juillet a également ramené le peloton à la réalité.
Ils s’apprêtent encore à pédaler avec 37 °C annoncés au thermomètre, dimanche, à Carcassonne (Aude). Des températures pas anodines : « La déshydratation, les pertes de sueur et d’eau peuvent entraîner un manque de sels minéraux et notamment de sodium, ainsi les contractions musculaires se font moins bien, explique à Reporterre Samuel Bellenoue, responsable de la performance de l’équipe Cofidis. Il y a aussi la température corporelle qui monte. Quand on atteint 39 ou 40 °C, le corps se met en préservation. »

Vainqueur de l’édition 2021, le Slovène Tadej Pogačar, en difficulté sous le cagnard, a perdu sa place de leader. Le Français Romain Bardet, alors deuxième au général, a souffert dans la montée de l’Alpe-d’Huez à cause d’un « coup de chaud ». Les coureurs sont affectés par la canicule, et leurs performances s’en ressentent.
De nombreux « trucs et astuces »
Néanmoins, les cyclistes ont quelques « trucs et astuces » pour s’adapter. « Il faut déjà être bien hydraté avant le départ et ne pas avoir de moments où on ne peut pas boire, rappelle Olivier Le Gac, puncheur de l’équipe Groupama-FDJ. Parfois on met des gilets de glace jusqu’au départ pour refroidir l’organisme au maximum. Et pendant la course, on se met des poches de glace dans le dos. » « On change constamment de bidon pour avoir de l’eau fraîche, ajoute Cyril Barthe, qui porte les couleurs de B&B Hotels-KTM. C’est aussi une organisation de toute l’équipe avec de nombreux assistants qui sont placés à de très nombreux points, il y a un peu plus de ravitaillements que d’habitude. » Les coureurs portent aussi « des vêtements plus ventilés, des casques plus aérés », indique M. Bellenoue, qui précise aussi que « dans les contenus des bidons, on va apporter plus de sels minéraux ».
Malgré tout, ces techniques ont leurs limites, et les coureurs ne peuvent échapper à la chaleur. « Le risque est également de moins bien récupérer le soir, dit Jérémy Roy, super-combatif du Tour 2011, aujourd’hui retraité. C’est important d’avoir des chambres assez fraîches et de prendre des douches froides. Quand on s’arrose directement avec de l’eau pendant la course, ça va faire du bien sur le coup, mais après, le ressenti va être encore plus chaud. C’est à employer en dernier recours, dans le final. »
Courses modifiables
L’Union cycliste internationale (UCI), qui dicte les règles du Tour, a sous la main depuis 2015 un « protocole températures extrêmes », notamment pour les cas de grosses chaleurs : il peut permettre une modification du lieu de départ ou d’arrivée, de l’heure du début de la course, une modification du parcours voire carrément l’annulation de la course. Sur la Route d’Occitanie 2022 (lors de laquelle le mercure est monté à 43 °C) en pleine vague de chaleur du mois de juin, un arrêté de la préfecture du Tarn a contraint les organisateurs à réduire la 2 ᵉ étape de 154 à… 36 kilomètres. « Mon acclimatation [à la chaleur] a commencé à partir de là », témoigne d’ailleurs M. Barthe, engagé sur cette course.
Mis à part un découpage de l’étape, « la seule solution que les organisateurs ont est d’ouvrir le ravitaillement tout de suite et de le fermer le plus tard possible », dit Jérémy Roy. Les bien nommées « motos fraîcheur » ont par exemple une marge de manœuvre encore plus grande en période caniculaire. Pendant la course, des boissons mentholées diminuant la perception de chaleur peuvent également être un bon allié.
Cryothérapie contre changement climatique
En dehors peuvent être utilisés les bains froids et les « cabines de cryothérapie, qui permettent de faire baisser la température corporelle », ajoute M. Roy. Ou au contraire les « thermo rooms », qui offrent la possibilité de s’entraîner dans le chaud mais aussi de réaliser « des tests individualisés pour évaluer les quantités de liquide à ingérer pour compenser les pertes », détaille M. Bellenoue.
Mais jusqu’à quand les coureurs pourront-ils pédaler en juillet, alors que les vagues de chaleur se multiplient sous le feu de nos émissions de gaz à effet de serre ? Mardi, alors que les coureurs arrivaient au niveau de la commune de Magland (Haute-Savoie), des activistes écologistes de Dernière rénovation se sont assis sur l’asphalte et ont bloqué la 10 ᵉ étape du Tour durant douze minutes, pour lutter contre l’inaction du gouvernement face au changement climatique. Le Canadien Antoine Duchesne, coéquipier de Le Gac, a salué cette manifestation : « C’est important qu’il y ait des gens qui manifestent, on a tous besoin d’être sensibles face à ça. […] Je pense qu’il faut qu’il y ait de plus en plus de choses comme ça pour s’assurer que tout le monde réalise qu’on s’avance dans une crise. »