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Agriculture

VIDEO - À l’Atelier paysan, les maraîchers fabriquent leurs propres outils

Une coopérative agricole iséroise, l’Atelier paysan, s’est donné pour mission d’aider les agriculteurs français à construire, réparer et améliorer leurs outils. Le but : s’émanciper et se réapproprier des savoir-faire perdus.

Juché sur son tracteur au pied des montagnes du Vercors, Antony Fouqueau prépare sa terre pour les plantations d’hiver. Pour l’œil novice, rien ne le distingue de n’importe quel autre maraîcher en agriculture biologique.

Pourtant, la différence est de taille : il a fabriqué lui-même les outils attelés à son tracteur. « Avant, j’étais chimiste », dit-il. « Je me suis reconverti en 2011 car j’avais besoin de faire quelque chose de palpable, de concret. L’agriculture c’est concret, on nourrit la planète. »

Problème : les outils vendus dans le commerce sont mal adaptés à sa pratique agricole. Avec l’industrialisation de l’agriculture, les outils se sont standardisés et leur conception, ainsi que leur vente, ont été monopolisés par des grands fabricants afin de fournir les moyennes et grandes exploitations.

L’Atelier paysan, une coopérative iséroise crée en 2009, tente de répondre à ce manque d’adaptabilité en réapprenant aux maraîchers à fabriquer leurs propres outils agricoles.

Lorsqu’Antony Fouqueau s’est reconverti il y a huit ans, il ne savait ni souder, ni travailler le métal.

Réparer soi-même ses outils : un gain de temps précieux pour les agriculteurs

La finalité est d’aider les petits exploitants à retrouver leur indépendance, même si tout le monde peut participer aux formations d’autoconstruction, quelle que soit la taille de l’exploitation ou le mode de culture.

Fourche à bêcher, serre mobile, dérouleuse à plastique, épierreur... Les fiches techniques pour construire chaque outil sont disponibles en open source sur le site de l’Atelier Paysan, et peuvent être téléchargées gratuitement. Elles évoluent avec le retour des maraîchers : Antony Fouqueau a réalisé des améliorations sur les outils qu’il a fabriqués avec l’aide de l’Atelier Paysan qui ont ensuite été intégrées aux nouveaux plans et apprises aux maraîchers.

Chaque formation hebdomadaire accueille jusqu’à une dizaine de maraîchers, qui se relaient à tous les postes de fabrication.

Chaque année, ils sont près de 900 à se former lors des différents ateliers organisés dans toute la France. Ils apprennent alors à construire des outils mais aussi des bâtiments, comme des corps de ferme ou des abris à cochons. « On part du principe que la conception n’est pas descendante des ingénieurs vers les maraîchers, au contraire c’est une collaboration avec des compétences complémentaires », assure Grégoire Wattinne, formateur à l’Atelier Paysan. « C’est grâce aux retours d’utilisation des maraîchers comme Anthony qu’ils évoluent, et les paysans ne manquent pas d’idées ! On veut que ce soit l’outil qui s’adapte à l’utilisation qu’en a le maraîcher, et non l’inverse. »


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L’Atelier Paysan met aussi un point d’honneur à ce que les technologies utilisées soient les plus simples possibles afin de rendre aux maraîchers leur souveraineté technique. Pouvoir réparer soi-même ses outils permet un gain de temps précieux en agriculture. « Ça m’est souvent arrivé de casser une petite partie de mes outils », dit Antony Fouqueau. « Sans savoir travailler le métal, ça aurait été impossible à réparer. Là j’ai pu le faire en une heure, et j’étais reparti au travail. C’est un confort incroyable car dans l’agriculture il y a des moments précis à respecter donc s’il faut attendre une semaine que la pièce parte en réparation, on peut avoir beaucoup à perdre. »

L’Atelier Paysan travaille en étroite collaboration avec les maraîchers à la fois dans la conception et l’amélioration des outils agricoles.

Le gain est aussi financier. Dans le commerce, un seul outil est vendu aux alentours de 5.000 euros et il ne sera pas forcément adapté au mode de culture du paysan, ni à sa taille d’exploitation. Une semaine de formation à l’Atelier paysan, à l’issue de laquelle les maraîchers repartent avec un outil, coûte elle environ 2.000 euros, qui peuvent être en partie pris en charge par le fonds Vivéa — le fonds de formation du monde agricole.

Les formations permettent aussi aux maraîchers de rompre l’isolement et de d’échanger sur leur vision de l’agriculture.

L’autoconstruction a un triple impact, sur les plans technique, financier et aussi social, car elle permet d’étoffer la solidarité paysanne grâce aux rencontres entre maraîchers lors des formations.

Dans cette optique de lien et de dialogue, l’Atelier Paysan vient de lancer un cycle de formation politique à destination des maraîchers. Le but est d’élargir le débat sur l’agriculture en général et travailler avec les maraîchers pour qu’ils puissent prendre conscience de l’influence des technologies sur leur métier. Au programme également : une tournée de soirées-débats dans toute la France jusqu’au 19 décembre pour interroger acteurs du monde agricole et citoyens sur la place de la technologie dans l’agriculture.

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