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ReportageAlimentation

C’est une première en Île-de-France : une cantine passe au 100 % bio et local

Des petites villes pionnières, comme Barjac (ici en photo), ont mis en place des cantines bio et locales. Romainville (Seine-Saint-Denis) a rejoint le club.

La commune de Romainville, en Seine-Saint-Denis, a inauguré le 26 mai une cantine scolaire entièrement bio et locale. Située dans un quartier prioritaire, c’est la première cantine d’Île-de-France à proposer un tel menu.

Romainville (Seine-Saint-Denis), reportage

Dans un joyeux brouhaha, des CM1 et CM2 discutent autour de leurs assiettes, serviettes sagement nouées au cou. « Est-ce que la prochaine fois il y aura des artichauts ? Le truc avec les feuilles ? » s’enquiert un petit blondinet. Cette cantine de l’école Maryse Bastié à Romainville (Seine-Saint-Denis) est la première d’Île-de-France à servir des plats 100 % bio et locaux.

Ce midi, des pommes de terre relevées par une sauce aux algues côtoient des champignons shiitake tout droit sortis de la Cité maraîchère, une serre verticale à Romainville. À Maryse Bastié, tous les légumes viennent d’Île-de-France. De même pour les produits laitiers, légumineuses, œufs… Seuls la viande et le poisson viennent de régions voisines. Mais il y en a moins qu’avant dans les assiettes, parce qu’ils sont souvent remplacés par des protéines végétales.

Une loi loin d’être appliquée

« Avant, ma fille ne mangeait pas bien, voire que du pain », se souvient Stéphane Dupré, parent d’élève devenu conseiller municipal chargé de la démocratie alimentaire. L’homme a co-initié le projet avec le collectif de parents Pas d’Usine On Cuisine, soutenus par la Société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Nourrir l’Avenir.

La cantine de Maryse Bastié, fonctionnelle depuis janvier 2023 et inaugurée ce 26 mai, fait figure d’avant-garde. Votée en 2018, la loi EGalim exigeait au moins 20 % de bio dans la restauration collective en janvier 2022. Or le compte n’y est pas : au printemps 2022, on tournait autour de 6 %.

« De réchauffeurs de barquettes à cuisiniers »

L’aventure a en réalité démarré en janvier 2021. Deux ans d’appels d’offres aux fournisseurs, de diagnostic et de travaux… Puis les personnels de Maryse Bastié ont suivi une formation avec la Scic Nourrir l’Avenir, avant d’accueillir le chef cuisinier Jean-Marc Mouillat pour deux semaines d’immersion à leurs côtés, du matin au soir. Le but : donner des astuces tout en étant « fédérateur, pas surplombant », résume Jennifer Dirand, formatrice chez Nourrir l’Avenir.

Aujourd’hui dans les cuisines, l’absence de l’odeur caractéristique des cantines — barquettes réchauffées, sans saveur — est frappante. Des radis s’empilent ; des tartares d’algues et des toasts se préparent pour l’inauguration. Les quatre femmes de l’équipe sont à la découpe. Elles qui assurent 320 repas d’enfants au quotidien étaient auparavant à mi-temps : elles sont désormais à temps plein.

Un chef, Samuel, a été recruté pour assurer la révolution en cuisine. Les agents « passent d’une fonction de réchauffeurs de barquettes à celle de cuisiniers », dit Ludivine Floirac, responsable du service restauration de la ville, qui met en avant leur « valorisation ».

Reste un argument imparable : le repas est passé de 7,35 euros à 6,38. Une baisse qui s’explique, entre autres, par la lutte contre le gaspillage alimentaire. « Beaucoup d’élus disent que le bio c’est compliqué, que ce n’est pas pour rien que la loi Egalim fixe un seuil de seulement 20 %… Mais on s’aperçoit que notre option dite radicale est en fait pragmatique ! » sourit François Dechy, le maire de Romainville, qui envisage une extension à toutes les écoles de la ville, sur dix ans.

Mais jusqu’où est-il possible de reproduire l’exemple ? Nourrir l’Avenir, sous l’égide du réseau Les Pieds dans le Plat, a déjà aidé la Dordogne à mettre en œuvre le fait maison, bio et local, sur les 37 collèges du département.

« À l’échelle d’une commune on nous disait : "ce ne sera pas possible" ; on l’a fait. À l’échelle d’un département on nous disait : "ce ne sera pas possible" ; on l’a fait. Alors pourquoi en Île-de-France, on ne pourrait pas le faire ? » résume Joey Enée, directeur général de la Scic Nourrir l’Avenir.

« Nous sommes en train de réinventer une cuisine »

« Quand on planifie par les besoins — tant de tonnes de carottes, de patates, de rutabaga… —, on se rend compte que la surface agricole nécessaire est restreinte », soutient-il. En Île-de-France, l’agriculture biologique couvre quasiment 40 000 hectares. « Un hectare, c’est en moyenne vingt tonnes de légumes par an », rappelle Frédéric, maraîcher bio basé en Seine-et-Marne. Pour la restauration collective, « les besoins ne sont pas énormes au regard de la capacité de production déjà existante ».

En plus de la Dordogne et de la région parisienne, la métropole de Lyon a engagé un partenariat avec Nourrir l’Avenir pour former ses équipes sur ses collèges publics. « Face aux enjeux climatiques et de santé publique, nous sommes en train de réinventer une cuisine. Quel jeu extraordinaire ! » s’enthousiasme Olivier Roellinger, chef triplement étoilé, qui profite de son passage à Maryse Bastié pour s’asseoir sur une petite chaise au milieu des enfants, et leur parler gastronomie.

« La cantine, ça paraît banal. Mais ça met en mouvement toute la société : paysans, enfants, animateurs du temps repas, parents, élus locaux… C’est un sujet très politique. On fait de l’éducation populaire en cuisinant ! » conclut Joey Enée.

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