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ReportageÉnergie

700 millions d’euros gelés pour empêcher Total de salir l’Arctique

700 millions d’euros sculptés dans des blocs de glace ont été déposés jeudi 20 mai devant le ministère de l’Économie, à Paris, afin de dénoncer un projet gazier de Total en Arctique. Le gouvernement français hésite à soutenir financièrement ce plan.

Paris, reportage

Ce jeudi 20 mai, à 10 h 30, d’imposantes sculptures de glace ont été déposées sur le parvis du ministère de l’Économie et des Finances, par des activistes de 350.org, Les Amis de la Terre et SumOfUs. Ces sculptures représentaient 700 millions d’euros, correspondant à la somme d’argent public que le gouvernement pourrait mettre en jeu pour soutenir le mégaprojet gazier de Total en Arctique, Arctic LNG 2, situé sur la péninsule de Gydan en Russie.

Pendant l’action, qui s’est déroulée sans heurt, les activistes ont remis une boîte contenant une pétition, soutenue par près de 200 000 personnes, à Nicolas Dufaud, chef de cabinet du ministère de l’Économie et des Finances. Le texte demande au gouvernement « de ne pas soutenir les projets destructeurs de Total en Arctique et de rester cohérent avec ses engagements climatiques ».

L’action a eu lieu symboliquement devant le ministère et s’est déroulée sans heurt.

« Il y a urgence à faire en sorte que plus aucun euro ne soit investi dans les énergies fossiles », a dit Clémence Dubois, porte-parole de 350.org. Pour Leyla Larbi, chargée de campagne pour SumOfUs, « la colère est légitime, elle se base sur des inquiétudes rationnelles. Financer ce genre d’exploitation pétrolière et gazière aura de graves conséquences sur le dérèglement climatique ». « La France s’autoproclame leader du verdissement des financements à l’export », alors que ce projet montre le contraire, a insisté Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne pour Les Amis de la Terre.

Leyla Larbi remet à Nicolas Dufaud, chef de cabinet du ministère de l’Économie et des Finances, un carton contenant la pétition contre le projet Arctic LNG 2.

Pour produire toujours plus d’énergies fossiles, Total, avec le groupe russe Novatek, veut construire une usine de liquéfaction géante en Arctique, permettant d’exporter du gaz naturel vers l’Asie et l’Europe. Une fois extrait des sols gelés, le gaz serait refroidi à - 163 °C et transporté par une flotte de méthaniers brise-glaces.

Total participe à hauteur de 21,6 % dans ce projet d’une capacité de production de 19,8 millions de tonnes par an (mtpa). Le site est voisin de celui de Yamal, dans le Grand Nord de la Russie, où sont extraites chaque année 16,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL).

Une décision imminente

En septembre 2020, Le Monde révélait que le ministère de l’Économie pourrait soutenir ce projet en se portant garant, via Bpifrance, la banque d’investissement publique. Cela serait fait au nom de la défense des exportations françaises, le secteur parapétrolier hexagonal réalisant plus de 90 % de son chiffre d’affaires à l’export. « Bercy maintient aussi l’idée que le gaz naturel est nécessaire à la transition énergétique, même s’il s’agit d’une énergie fossile, dont l’exploitation contribue directement au réchauffement climatique », précisait le quotidien.

Emmanuel Macron avait pourtant déclaré, lors du G7 de Biarritz, en août 2019, que « beaucoup sont en train d’expliquer que le réchauffement climatique est une bonne nouvelle. La glace est en train de fondre, donc on va passer par là. Utiliser cette route nous tuerait ».

« Le soutien de l’État à ce projet apparaît d’autant plus malvenu que le gouvernement français a lancé le mois dernier une coalition qui vise à mettre fin au soutien public aux énergies fossiles à l’export et participe depuis hier [mercredi 19 mai] au Conseil de l’Arctique pour y présenter “sa vision du développement durable, de la protection de l’environnement et du bien-être des populations arctiques” », dénoncent les ONG dans un communiqué publié le 20 mai.

Interrogé par Reporterre fin avril, le ministère de l’Économie assurait que « la décision d’octroi de la garantie de projet stratégique n’a pas encore été prise. L’État reste notamment en attente des analyses sociales et environnementales complémentaires demandées par le groupe des prêteurs et dont la finalisation a pris du retard ». La décision sera prise « vraisemblablement avant fin mai 2021 ». Elle est donc imminente.

Notre reportage en images :


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