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Énergie

À Cordemais, EDF ressuscite son projet d’usine à biomasse

Un employé de la centrale de Cordemais, lors d'un rassemblement contre l'abandon du projet de centrale à biomasse

EDF relance la reconversion à la biomasse de la centrale de Cordemais, en Loire-Atlantique, qui vise à remplacer le charbon par des pellets. Mais l’énorme besoin en bois inquiète les écologistes.

En pleine guerre en Ukraine et à la suite de l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires, EDF cherche à sécuriser l’approvisionnement électrique de la France. L’entreprise vient de ressusciter le projet de reconversion à la biomasse de la centrale à charbon de Cordemais, en Loire-Atlantique.

Associée à l’entreprise de traitement des déchets Paprec, elle a déposé le 26 avril un dossier dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) « pour le développement d’usines de granulés de biomasse traités thermiquement, prioritairement issus de déchets de bois », appel lancé par le ministère de la Transition écologique en février. La CGT l’a révélé dans un communiqué publié lundi 2 mai. L’information a été confirmée, le lendemain, par l’entreprise elle-même.

Si les détails du plan proposé ne sont pas encore publics, il vise à relancer le projet Écocombust, abandonné en juillet 2021 à cause de son coût et de la défection de Suez, le partenaire initial d’EDF. Ce programme consiste en la réalisation d’une usine de production de pellets sur le site de Cordemais. Cette unité de production permettrait de remplacer progressivement le charbon qu’utilise la centrale électrique par des pellets, un combustible issu de déchets de bois d’ameublement, dits « bois B ».

Le dossier doit désormais être analysé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), avant la décision finale du ministère. Selon la CGT, les travaux de construction de cette usine pourraient débuter en 2023 et les premiers pellets pourraient sortir en 2025. Néanmoins, EDF a d’ores et déjà commencé à mener des essais pour pouvoir remplacer, dès l’hiver 2022, 20 % du charbon brûlé par des pellets fournis par l’usine FICA-HPCI, à Reims. « Nous avons sécurisé un approvisionnement de 5 000 tonnes de pellets par mois à partir de novembre », assure même Gwenaël Plagne, délégué syndical CGT d’EDF, qui se bat depuis 2015 pour Écocombust.

Joint au téléphone par Reporterre, M. Plagne s’est réjoui de la nouvelle. « Ce n’est pas encore le dénouement, mais c’est une étape importante pour les 300 salariés de la centrale », dit-il. Pour lui, l’augmentation des prix de l’énergie, dans le contexte de la guerre en Ukraine, ainsi que l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires, « ont redistribué les cartes » : « En janvier et en février, le site de Cordemais a bénéficié de dérogations pour tourner 2 000 heures de plus, alors que la loi Énergie et Climat limitait son activité à 700 heures par an par unité de production. C’est bien la preuve que notre présence sera indispensable, dans les années à venir, pour sécuriser le réseau. »

Le projet pourrait engendrer une pression « insoutenable » sur les forêts

Écocombust ne serait pourtant pas si vertueux qu’annoncé. « Il ne faudrait surtout pas qu’il serve de prétexte pour prolonger la durée de vie de la centrale à charbon », s’inquiète après de Reporterre Sylvain Angerand, président de Canopée et porte-parole des Amis de la Terre sur les forêts.

Le projet pourrait aussi engendrer une pression « insoutenable » sur les forêts, selon un rapport publié par les Amis de la Terre et le Réseau Action Climat en janvier 2019. S’appuyant sur un document interne à EDF — la première phase d’une étude du gisement biomasse mobilisable pour Écocombust —, il montrait comment « de façon directe, l’utilisation de bois de coupe n’était pas exclue et, de façon indirecte, le projet détournait des déchets de bois utilisables pour la fabrication de panneaux de bois, ce qui conduirait ses industriels à prélever plus en forêt en substitution », dit M. Angerand.

« Le projet est-il toujours le même ? Quels sont les volumes concernés ? » s’interroge-t-il. « L’objectif est de produire 160 000 tonnes de pellets par an, à partir des déchets de bois d’ameublement du territoire », avance Gwenaël Plagne, délégué CGT. « Les volumes sont trop importants pour pouvoir être fabriqués uniquement avec les déchets du coin », estime Sylvain Angerand. Le 3 mai, Reporterre a demandé à EDF de pouvoir consulter le plan d’approvisionnement et l’étude prouvant l’absence de conflit d’usage. Mercredi 4 mai, à l’heure où nous publions ces lignes, nous n’avons pas reçu de réponse.

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