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Santé

À Lyon, un insecticide dangereux utilisé contre le moustique tigre

123 cas de dengue ont été répertoriés par l'ARS d'Auvergne-Rhône-Alpes en 2023.

Un insecticide toxique a été diffusé à Lyon pour lutter contre les moustiques tigres, vecteurs de maladies tropicales. En France, l’application de cette méthode s’intensifie, faute d’alternative.

Lyon (correspondance)

Un curieux attelage nocturne a traversé la métropole de Lyon à plusieurs reprises ces dernières semaines. Conduit par un technicien en combinaison de protection chimique, un pick-up a diffusé un nuage de pesticide pour éradiquer les populations de moustiques tigres.

Ces opérations de démoustication ont été menées à la demande de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Auvergne-Rhône-Alpes, à la suite de l’identification de cas de dengue propagés par l’insecte à rayures blanches et noires.

123 cas de dengue cette année

Favorisée par le changement climatique, cette espèce invasive est aujourd’hui présente dans 70 départements français où les cas de maladies tropicales ont explosé. En 2023, l’ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes a recensé 123 personnes infectées par la dengue, 7 par le chikungunya et 1 par Zika. Soit trois fois plus qu’en 2022.

Pour enrayer la propagation de ces maladies, l’ARS a autorisé la diffusion de l’insecticide Aqua K-Othrine dans un périmètre de 150 mètres autour des cas identifiés pour éliminer les insectes contaminés. Au total, 36 démoustications ont été menées cette année dans la région, dont 16 dans le Rhône.

Ces opérations sont réalisées de nuit et il est recommandé de rester enfermé, fenêtres closes, avec ses animaux de compagnie lors de l’intervention et dans les 30 minutes qui la suivent. Puis de rincer son mobilier extérieur, ses jeux d’enfants, et de ne pas consommer les fruits et légumes issus des jardins dans les trois jours.

« Risques inacceptables pour l’environnement »

« L’Aqua K-Othrine ne présente pas de risque sanitaire pour la santé humaine si ces conditions d’usage sont strictement respectées », assure l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Dans le cas contraire, cet insecticide commercialisé par Bayer est potentiellement mortel en cas d’ingestion ou de pénétration dans les voies respiratoires. Même à moindre dose, la liste des symptômes est longue : tachycardie, hypotension, nausée, diarrhée, vomissements, vue brouillée, mal de tête, coma, convulsions, tremblements, œdème pulmonaire…

Selon l’évaluation de l’Anses, ce biocide a été jugé « non conforme » pour lutter contre les populations de moustiques car il comporte des « risques inacceptables pour l’environnement ».

Il est notamment « très toxique pour les organismes aquatiques » et « entraîne des effets néfastes à long terme ». Son autorisation de mise sur le marché a néanmoins été validée pour lutter exclusivement contre le moustique tigre. « Ne pas utiliser ce produit engendrerait des risques plus importants en exposant la population à des maladies graves », explique l’Anses.

Une stratégie qui fait débat

Son usage reste une « aberration », dénonce Quentin Brunelle, de l’association Des Espèces Parmi’Lyon qui a lancé l’alerte sur cet insecticide. Le biocide risque de pénaliser les prédateurs naturels des moustiques : hirondelles, chauves-souris, coléoptères…

« Un milieu équilibré avec davantage de prédateurs va limiter la surabondance de certaines espèces, souligne le naturaliste. Ce moustique est crépusculaire, donc moins influencé par la présence de prédateurs nocturnes comme la chauve-souris et diurnes comme les hirondelles. Le plus gros de la prédation se fait au stade larvaire, grâce notamment aux dytiques, des coléoptères aquatiques, ou aux libellules. »

Pour contenir le moustique tigre, la méthode la plus prometteuse serait d’élever en masse des mâles stérilisés, puis de les relâcher dans la nature. Cette technique permettrait aux femelles de pondre des œufs inféconds. Une stratégie encore très coûteuse.

En attendant, les opérations de démoustication se multiplient à travers la France. Six communes proches de Strasbourg (Bas-Rhin) en ont fait les frais la semaine dernière. L’Île-de-France a, elle, organisé huit interventions depuis le début d’année, dont une à Paris.

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