À Marseille, on cultive blettes et piments dans les quartiers Nord

Chaque mercredi, la ferme est ouverte au public. Bénévoles et habitants se joignent à l’équipe de la Cité de l’agriculture pour apporter leur aide ou profiter de la nature. - © Jeanne Mercier / Hans Lucas
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Alternatives Agriculture urbaineDans les quartiers Nord de Marseille, la ferme Capri s’étend sur 8 500 m2, au milieu des tours et des pavillons. Les habitants viennent cultiver cette terre agricole, participer à des ateliers pédagogiques ou profiter de la nature.
Ce reportage a été réalisé par une étudiante de l’École supérieure de journalisme professionnelle de Montpellier et initialement publié sur le blog des élèves : Marseille l’irrespirable.
Marseille, reportage
Au cœur des quartiers Nord de Marseille, un terrain vallonné d’environ 8 500 m2 perché sur une petite colline surplombe l’autoroute et les cités bétonnées. Des tomates, des blettes mais aussi des gombos, des patates douces, des pistaches et des piments poussent pour nourrir les riverains.

Autrefois domaine agricole, ce bout de terre a ensuite été laissé à la disposition des habitantes et habitants du quartier avant d’être confié par la Ville à La Cité de l’agriculture qui y a installé sa première ferme urbaine en 2021.
La Ferme Capri est un vaste espace d’expérimentation qui aspire à devenir un modèle d’agriculture urbaine. « C’est un lieu de rencontre, de pédagogie et de formation », indique Élise Chaintrier, responsable de médiation et de la coordination des publics.

Chaque mercredi, ses portes s’ouvrent à toutes et à tous. Certains viennent flâner dans le jardin, d’autres participent à la plantation et à la récolte des légumes... Des ateliers de sensibilisation à la biodiversité, d’initiation au maraîchage ou encore de cuisine des plantes sauvages sont également organisés.
La raison d’être du projet reste de démocratiser l’accès à une alimentation locale, fraîche et saine dans ce quartier où le taux de pauvreté s’élève à 43 %. « L’idée est de créer un réseau d’entraide à Marseille Nord », dit la coordinatrice.
« La région exporte 61 % de sa valeur agricole produite »
Plants, graines, matière organique, fumier, broyat... tout provient quasi exclusivement de fournisseurs situés dans les 14e et 15e arrondissements. Les légumes récoltés sont ensuite vendus sur place ou au marché des Aygalades, un kilomètre plus loin. « Le circuit court joue un rôle considérable pour améliorer le taux d’autosuffisance alimentaire ridicule de villes comme Marseille », explique Philippe Rossello, géoprospectiviste et coordinateur du Grec Sud (Groupe régional d’experts climat en Paca). « La région exporte 61 % de sa valeur agricole produite, qui n’est d’ailleurs pas suffisamment nourricière (huile d’olive, vigne…), contrairement à l’agriculture urbaine. »

En plus de sa fonction nourricière, la ferme permet de renaturer ce quartier saturé par le béton. « Un espace agricole limite l’étendue de la ville (et sa pollution) et permet surtout de protéger le sol », dit Philippe Rossello. Quand on construit un immeuble, en creusant profondément dans le sol, on déstocke du carbone qui renforce l’effet de serre. À l’inverse, quand le sol est peu modifié et que les méthodes agricoles sont respectueuses de l’environnement, il peut continuer à le séquestrer.
À Capri, une bonne partie des 8 500 m² est laissée au naturel, permettant à la biodiversité de s’épanouir. Isaac, maraîcher et paysagiste de l’équipe, pratique la « gestion différenciée » qui consiste à adapter l’aménagement des espaces en fonction de leur utilité. « En gros, là où on ne plante pas et où il y a peu de passage, je laisse en friche », explique le jardinier.

Si les fruits et légumes ne sont pas aspergés de pesticides ou d’intrants chimiques, leur proximité avec l’Autoroute du soleil, située seulement à quelques mètres en contrebas, a été source d’inquiétude lors de l’installation des néofermiers. Ceux-ci craignaient que leur production ne soit contaminée. Atmosud, observatoire régional de référence pour la surveillance de la qualité de l’air, a alors installé des capteurs sur la ferme durant plusieurs jours. Résultat : l’atmosphère est effectivement polluée mais cela n’affecte pas outre mesure la qualité des fruits et légumes. « Les polluants gazeux ne présentent pas d’accumulation notable dans les sols et les végétaux. Pour les polluants particulaires, les facteurs de bioconcentration des métaux (arsenic, nickel et chrome) apparaissent comme “faibles” », indique le rapport. [1] Il faut simplement bien les rincer avant de les manger !
